Épisode II: L’Empire contre attaque
Comme je suis rentré du boulot vendredi, à pas d’heure, la première chose que j’ai faite – après avoir vérifié que le rodage était bien en route, et que le HE-1000 avait bien régulièrement reçu tous les signaux lui demandant comment il répondrait – c’est d’aller me coucher! N’empêche donc qu’il est bien resté branché environ 170h jusqu’à ce samedi midi… Il est possible qu’il continue à évoluer par la suite, mais il me semble que ça devrait déjà avoir largement contribué à lui déplisser les alvéoles. J’ai donc pris le temps, pendant le temps que je consacre quotidiennement à m’humecter d’une bassine de café afin d’enclencher mon processus de résurrection matinal, de faire chauffer à feu doux mon petit Little Dot VI+. Car je reste quand même sur l’idée précédente, suivant laquelle l’AGD Phœnix n’est peut-être pas la meilleure association en l’occurrence (et de toute façon, les deux appareils provenant des lointaines contrées où le soleil se lève, l’infraction à l’impératif de l’écouter français que certains, en vertu d’un patriotisme renouvelé, nous assènent reste, dans les deux cas, de même gravité). Étant repassé de ma forme nocturne lyophilisée à un état plus consistant, j’attaque donc le second broc de café (j’ai beau être tombé dedans quand j’étais petit, j’y ai droit) et, simultanément une première session d’écoute.
Histoire de me remettre ce casque dans les oreilles, je me ressors donc les deux albums de Gaingain,
Rock Around The Bunker et
L’Homme à la Tête de Chou, sortis respectivement en 75 et 76 – en 33t.
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Le premier constat, c’est que ça a effectivement assez nettement évolué depuis la semaine dernière. Évidemment, c’est le “même” casque, car jamais un rodage ne transformera les chiens en chats. Mais ça s’est considérablement ouvert: terminé cette impression d’une sorte de voile ou de flou général, en particulier dans le haut du spectre, et même si je ne pense pas que le grave descende plus bas, mais l’assise dans cette zone s’est affermie et il en résulte une image un peu plus large (j’ai vérifié en réécoutant
Love on the Beat, de l’album éponyme). Qui plus est, ça me donne l’impression d’une sorte de rééquilibrage général de la signature globale, qui tend vers une écoute à la fois précise dans le haut du spectre et très mélodieuse dans le médium, et surtout sans se trouver en retrait sur aucune zone – ce dont il résulte une écoute en rien agressive, durant laquelle tout passe sans faire froncer le museau à aucun moment. C’est bien l’une des premières fois que je découvre une utilité aussi évidente d’une radio comme Le Mouv’!…
Disons que c’est un peu comme si tu t’étais offert une ou deux caisses de Vin Jaune de l’Étoile (pour moi, ça sera du Vandelle, merci) et que tu en avais ouvert une bouteille juste avant de la pitancher… Le jour où, par hasard, vu qu’il t’en restait, tu as collé la bouteille dans la porte du frigo et où, trois jours après, tu la ressors pour la finir, d’un seul coup tu te dis… que si tu l’avais su plus tôt. Mais là, que ça soit pour le HE-1000 ou pour la pitanche (je le redis, histoire de me faire entendre: pour moi, ça sera une ou deux caisses de chez le même, merci), tu diras pas que je t’avais pas prévenu!
Et donc, comme on est là pour ça, entamons la première comparaison – histoire de voir lequel des deux, de l’Empire de Russie (Россійская имперія) ou de celui de l’Empire de Chine (voire trois si on compte l’Empire américain, qui n’est peut-être pas si en déclin qu’un certain film voulait nous le faire croire), va contre-attaquer le premier. Entre le mignon petit droïde dénommé HE-1000 et master Yodin (le mien est une version 1, mais moddé bandeau kékénerton + “new pads”), lequel des deux retrouvera Luke le premier? May the sound be with them…
Et pour commencer, qu’avons-nous dans la playlist? Rien de bien original, puisqu’on va commencer par la plage 1 du CD
La Folia de Jordi Savall:
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Je t’entends déjà d’ici: encore de la viole de gambe! et que ça commence à bien faire, et que pourquoi pas de la flûte des Andes ou des clochettes chinoises pendant qu’on y est…… À quoi je rétorque que a) j’écoute ce que je veux, que b) voilà un instrument que j’ai déjà entendu
in situ, ce qui a au moins l’avantage de me donner une référence un peu extérieure pour m’y retrouver et que c) de toute façon, y’a pas le son sur ce CR.
Dès le début du morceau, je suis rassuré avec le HE-1000, car ça n’est pas vraiment une écoute “descendante”: c’est plutôt que l’on n’a pas affaire à une écoute “chatoyante” dans le haut, mais que rien ne manque et que tout est en place, depuis les petites percussions du début, jusqu’aux cordes. La scène est relativement large et n’a plus la tendance un peu “collée dans les oreilles” que j’entendais la semaine passée, et elle est cohérente, malgré une petite tendance à être décalée un peu “en arrière”, comme sur pas mal de casques, électrodynamiques comme orthodynamiques. Pour mon goût, je trouve que, dans l’absolu, un peu d’aération ou de volume de salle, mais il faut préciser que j’écoute ce genre de musique (Savall et le baroque en général) presque exclusivement avec un AKG K1000 et un Jecklin PS2, ce qui oriente mon écoute. Reste que l’assise dans le grave est très confortable, ce qui produit un effet d’ampleur qui compense largement ce détail – d’ailleurs, la plupart du temps, on a tendance à confondre l’ampleur, la largeur de scène et l’effet de salle…
De plus et surtout, on peut ranger le HE-1000 dans le (petit) club des ortho qui ne proposent pas cette légère matité sur le médium et le haut médium que l’on retrouve souvent avec eux, et que pour ma part, surtout avec de la musique baroque ou avec du free jazz j’ai toujours tendance à regretter. Et j’ajoute qu’à mon goût propre, même s’il est évident que je n’ai pas tout essayé, ils ne sont pas si nombreux qu’on pourrait le croire: HE-6, Odin et…… HE-1000. J’ai aussi essayé d’ajuster le HE-1000 de différentes manières, en jouant sur la position du bandeau (le casque ne me paraît d’ailleurs fait pour ce type d’essais), sans obtenir de changement significatif (on est dans les nuances). Mais ça m’a permis de noter qu’il est aussi sensible que le HE-6 à son environnement: il suffit de rapprocher ses mains pour entendre que ça détimbre nettement. Et donc, attention à la position de la tête relativement au dossier, coussin, appui-tête de votre siège préféré durant l’écoute, car ça peut fausser la donne.
En passant sans transition à l’Odin, celui-ci me paraît immédiatement légèrement plus brillant dans le haut du spectre, et d’autre part, plus enrobé dans le médium et sur la viole, laquelle, du coup, paraît aussi un peu plus “grasse” (sans aller jusqu’à une matité, on est dans cette direction. Par ailleurs, le côté “plus de chair autour de l’os” procuré par le Kennerton donne des instruments qui sonnent de manière plus consistante, et principalement la viole de Savall, qui est un peu plus en avant, comme plus proche. La scène sonore est effectivement un peu moins large qu’avec le HE-1000, mais aussi mieux latéralisée, sans la tendance un peu “en arrière” entendue précédemment (j’ai fait quelques comparaisons directes et répétées sur le tout début du morceau et ça me paraît assez net).
Mais surtout, le médium me paraît plus charnu, plus plein. J’ai fait plusieurs aller et retour entre les deux casques sur ce morceau, histoire de cerner cette différence. Disons que les timbres sont peut-être plus riches avec l’Odin, mais qu’ils sont alors plus raffinés avec le HE-1000. Car il serait faux de croire que ça sonne plus décharné avec celui-ci, alors qu’avec le précédent, ça serait empâté. Et c’est la même chose pour le côté plus clair du Kennerton contre le côté plus sage du Hifiman. Il est évidemment impossible de savoir lequel des deux a “raison”, car même si j’avais été présent dans la salle le jour de l’enregistrement, ça dépendrait de la place choisie pour écouter. Il me semble qu’avec le HE-1000, on est un peu plus loin de l’orchestre, vers le milieu, avec une écoute plus globale, qui forme un ensemble unifié, alors qu’avec l’Odin, on est quelque part vers le premier tiers ou le premier quart de la salle, de sorte que l’écoute est plus directe, la séparation des différents musiciens plus accentuée et la viole de gambe est plus en avant et plus présente. Question de goût, je pense, car les deux espèces de place sont intéressantes quand on va au concert.
Passons à autre chose:
Too Much Rope de Waters, tiré de l’album de 1992,
Amused To Death, mais dans la version revisitée sortie l’année passée, et que j’ai achetée dans un format de fichier annoncé pour du 24/192:
http://www.qobuz.com/fr-fr/info/hi-res- ... eath177461
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Bon, je ne fais pas forcément toute une affaire du format du fichier, ne serait-ce que parce que j’ai aussi cet album en CD, en version long box, en 33t, en SACD et en Blu-ray…… L’album est aussi, voire surtout, intéressant en lui-même, à la fois parce que c’est, pour moi, sans doute l’un des rares albums solo de Waters dans lequel il ait réussi son coup (peut-être même le seul…), et que, de plus, le mixage, qui utilise le procédé QSound (comme PULSE du Pink Floyd), donne des effets intéressants pour se rendre compte de ce dont un casque (ou une paire d’enceintes) est capable.
Avec l’Odin – sur le passage entre ~0’58 et ~1’21 – la “calèche” (célèbre dans certains milieux) circule bien d’une oreille à l’autre sans creux ni à coup. Ce qui n’est déjà pas si mal, si j’en crois tout ce que j’ai pu entendre en faisant cet essai. Évidemment, la capacité à image du Kennerton étant ce qu’elle est, à savoir bonne, mais nettement en retrait par rapport à mon AKG K1000 préféré (ou par rapport à un Ergo AMT, un Jecklin PS2), ni, d’ailleurs, au niveau d’une (bonne) d’une paire d’enceintes, elle ne “tourne” pas en fin de course. Elle continue simplement à s’éloigner latéralement, jusqu’à extinction — et c’est le même phénomène pour son arrivée, qui vient simplement “de loin” de l’autre côté. En d’autres termes, on a la transcription latéralisée (aplatie en 2D) d’un mouvement de demi-cercle (3D). De même, vers 2’05, la moto (pilotée par le même type!) repasse dans l’autre sens avec la même facilité, mais avec le même effet de projection d’un mouvement spatialisé vers un mouvement latéralisé (un peu comme la projection d’une mappemonde sur une carte d’atlas). En revanche à partir de ~3’58 et spécialement vers ~4’23-~4’36, et c’est là qu’on apprécie (énormément!) la capacité de l’Odin à ne pas jeter un voile de matité sur le médium tout en restant modéré et sobre dans ce domaine, la voix de Waters, sans devenir mélodieuse (n’exagérons rien!), devient (presque) supportable, là où un K1000 ne lui pardonnerait sans doute rien (d’ailleurs, quelqu’un devrait se dévouer pour dire à Waters de ne plus chercher à chanter dans l’aigu, voire de ne plus chanter, vu que ça fait quand même bientôt un demi-siècle qu’il n’arrive pas à s’en apercevoir).
Le passage au HE-1000 révèle un léger effet d’estompage sur les impacts de hache (dans le haut grave/bas médium) et ça paraît “moins chargé dans le grave” ou moins “physiologique” – à la comparaison directe, s’entend, car prise en elle-même cette écoute est tout à fait satisfaisante de ce point de vue. Le (même) passage de la (même) calèche s’effectue là aussi sans à-coup ni “trou” ou “saut” d’un point à l’autre, et elle amorce même un léger virage (difficile de savoir si c’est l’effet d’une latéralisation “un peu en arrière”): mais, quoi qu’il en soit – et cela vaut aussi pour l’autre passage évoqué ci-dessus –, la scène est à la fois plus large et plus latéralisée. L’impression générale est celle d’une sorte d’“allègement” général de la restitution, un peu comme si l’Odin avait été cuisiné au beurre et au confit de canard, quand le Hifiman aurait été préparé avec moins de matière grasse. Cela s’entend assez nettement, me semble-t-il, sur les chœurs féminins, qui sont bien en place dans les deux cas, mais plus clairs et plus distincts avec le second qu’avec le premier. Le registre grave peut donner l’impression de descendre moins dans l’infra, mais cela tient, je pense, surtout à ce qu’il se présente de manière plus dégraissée, ce qui le rend aussi plus lisible et moins redondant. Enfin, sur le même passage que celui évoqué ci-dessus, Waters ne chante (évidemment) pas mieux, mais on sent moins qu’il force sur la voix (qu’il n’a pas) pour monter en tessiture (n’est pas Gilmour qui veut!). Bref, c’est sans doute moins précis dans l’exploration du médium/haut médium que pas mal d’autres modèles à tendance crystal clear, mais avec un effet cosmétique en l’occurrence appréciable, qui procure une écoute plus globale et plus intégrée.
Un peu de quatuor à cordes pour continuer, tiré du coffret de chez Decca, dans lequel est ressortie en CD l’intégrale des quatuors de Chostakowitch par les Fitzwilliam:
http://www.deccaclassics.com/us/cat/4557762
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et qu’on peut trouver pour pas cher sur à-ma-zone, ainsi qu’en fichiers, chez qobuz. Et plus précisément l’
Élégie du
Quatuor n°11 en fa m. op.122.
Ce que j’ai dit, précédemment, à propos des différences de consistance entre les deux casques doit évidemment être modéré: ni l’alto ni le violoncelle ne manquent de corps ou de poids avec le HE-1000, et il ne s’agit certainement pas d’un casque qui transforme l’alto en violon, ni même un violon monté avec des cordes en or, en violon monté en boyau traditionnel. En débutant l’écoute avec ce casque, je n’éprouve aucun sentiment de manque et la restitution est très “méditative”, ce qui convient parfaitement à ce type de musique. Tu vas me dire: “mais bordel! c’est quoi une écoute méditative?!”… À quoi je répondrai que d’abord faut rester poli, et que j’entends par là que c’est le contraire d’une écoute agitée façon
Saturday Night Fever. Je veux dire, qui présenterait des excès dans le haut médium et trop d’impact dynamique sur certains instruments, comme le premier violon – comme le font certains casques (que je ne nommerai pas), qui ont tendance à transformer l’écoute des quatuors de Chosta, en y introduisant, de façon inattendue, une ambiance de bal folk… Ce type de restitution peut, bien entendu, être sympa pour écouter du rock (ou les œuvres complètes du dernier nobélisé), mais en l’occurrence, ça revient un peu à s’habiller grunge pour aller à l’enterrement de sa grand-mère. Alors que l’écoute méditative est, comme son nom l’indique, est faite de calme et de sérénité, qu’elle ne te jette pas le médium et le haut médium à la figure, ce qui est très propice à rendre l’atmosphère de ce quatuor n°11, lequel est plus proche de l’expression d’une fin de monde, d’une journée d’hiver où l’on s’approche du tombeau, au milieu de la neige et des nuées de corbeaux, pour enterrer son dernier proche avant de se retrouver seul au monde que d’une fête d’anniversaire: ça n’est pas une légende, Chosta n’était pas d’une humeur aussi enjouée que celle de Cyril Hanouna!
Avec l’Odin, et ce, même en ayant pris soin d’équilibrer les volumes (je m’y suis repris à plusieurs fois avec mon panel de signaux habituels mixés en mono), ça sonne à la fois plus ample et plus volumineux, – le terme “plus” ne signifiant pas “mieux”. Ce que je veux dire, c’est que la “distance” entre l’alto, le premier violon et le violoncelle est plus grande, de sorte que les contrastes sont plus accentués qu’avec le HE-1000. Si l’on y ajoute l’impression de renforcement du haut médium sur le Kennerton, cela donne, dans le premier cas, plus de tension et d’angoisse et, dans le second, une restitution qui tend plus vers l’intime et l’expression d’une intériorité. En somme, c’est réellement une question de goûts, car, là encore, je n’étais pas dans la salle le jour de l’enregistrement, et n’ai jamais entendu les Fitzwilliam sur scène – sans compter que ça ne porte évidemment pas sur le jeu lui-même, mais sur la coloration générale de l’interprétation: à nouveau, c’est un peu comme si on avait choisi d’être plus près ou plus loin des interprètes lors d’un concert.
Changement de décor, avec un morceau de Gilmour, enregistré lors de la tournée “solo” relative à
On An Island, le
Live in Gdansk:
Fat Old Sun. On a quand même au clavier, Richard Wright, donc au total la moitié Pink, ou moitié la Floyd, du Pink Floyd, ce qui est d’autant plus précieux que ce dernier, comme on le sait, nous a quittés à la mi-septembre 2015, juste avant la sortie de l’album. Et bien sûr Guy Pratt à la basse et Phil Manzanera à la guitare.
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Fat Old Sun est une ballade belle et simple, dont l’auteur est Gilmour lui-même, et qui date de 70 (donc ça fait un bail que je l’écoute régulièrement). Il en existe plusieurs versions, certaines, d’anthologie, et parfois assez longues: ainsi celle qui figure dans les
BBC Archives 70-71. À mes yeux, la version contenue dans le
Live in Gdansk se range parmi les meilleurs. Et pour le reste, chacun peut aller lire le fameux entretien “
Full of Secrets” de 2006. Dans la mesure où j’utilise souvent l’Odin pour écouter du Pink Floyd, à force, je n’ai plus grand-chose à en dire, car, à part la scène sonore qui pourrait être plus large pour correspondre entièrement à mon goût, j’ai le sentiment que “tout y est”.
Avec le HE-1000, la scène est plus large, ce qui convient sans doute mieux à du “rock planant”. Certes, la voix paraît un peu moins proche, mais franchement, sur ce type de musique, ça ne change pas grand-chose. C’est peut-être légèrement moins percutant ou “impactant”, comme on dit, dans le grave, mais sans que ça puisse réellement faire objection. Sur l’entrée du solo, vers 3’15, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas “s’y croire”: moins d’impact et de punch, peut-être, mais ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas. Pour tout dire, il existe peu de casques sur le marché qui soient capables d’offrir cette qualité et ce résultat. Là encore, c’est bien plutôt une question de goût et, à franchement parler, entre ces deux manières de rendre le même morceau, il me serait difficile de choisir… et je suis donc réellement chanceux de ne pas avoir à me poser la question! En revanche, à la comparaison directe, on entend clairement qu’il ne s’agit pas de deux casques complémentaires, mais plutôt de proches voisins ou de cousins (ou encore, de concurrents). Sur une échelle allant du plus sage au plus exubérant, je rangerais pour ma part: le HE-1000, puis l’Odin et, si ma mémoire ne me trompe pas, HE-6.
Bon c’est pas le tout de ça, mais c’est l’heure de la pause et comme disait l’autre Jacques: café, cigare et pousse cigare!!
M’étant humecté, renicotisé et réhumecté, je passe à un peu de chanson – à de la voix. Soit, successivement:
Sorry Angel de l’album de Gainsbourg
Love on the Beat (plage 2), sorti en 1984, et, quasi contemporain,
Di Doo Dah de Birkin, dans la version du
Live au Bataclan de 1987
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Le HE-1000 rend bien justice au Gaingain de cette période: ça tape bien et le couple batterie/basse te me rentre dedans bien comme il faut. Les duretés, en particulier les sifflantes que l’on entend sur la voix – et qui sont présentes dans l’enregistrement lui-même – passent comme une lettre à la poste: voix caractéristique de Gaingain qui, au demeurant, est bien proche. Elles sont sans doute un peu estompées, mais bien présentes. D’autre part, le haut du spectre reste bien détaillé et les guitares sont à la fois présentes, distinctes et nettement localisées.
Le passage à l’Odin (toujours en comparaison directe) fait nettement entendre qu’il sonne plus “clair”. Sans pour autant être plus “brillant”, car on n’a pas affaire à des sibilances engendrées ou soulignées par le casque. La restitution se marque aussi par plus d’ampleur et d’impact dans le grave. Les deux phénomènes additionnés favorisant une voix plus soulignée et un rythme plus “rentre-dedans”. Difficile de savoir lequel des deux est préférable, car le HE-1000 est certes moins démonstratif et moins joueur que l’Odin, mais ce dernier souligne un peu plus les chuintantes et les sifflantes (qui sont dans l’enregistrement, ce qui n’est pas la faute du casque), de sorte que, pour ma part, j’hésite.
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Sur le morceau de Birkin, écouté avec le HE-1000, là encore, on a de la descente (sur le pied de grosse caisse), et sa voix me semble moins proche, moins en avant que d’habitude. Mais là encore, comment savoir exactement, dans la mesure où je n’étais pas au Bataclan à cette époque?… Quoi qu’il en soit, c’est une restitution superbe pour une chanson superbe, écrite en 73 par Gaingain pour un disque solo (le premier, je crois) de son égérie, et sur la base, dit-on, des souvenirs de celle-ci: «mélancolique et désabusée, je suis l’portrait d’mon père tout craché»… Cette chanson, comme toute réussite en ce domaine, raconte une histoire, brosse un portrait et pose un thème. Reprise ici, 15 ans après sa première sortie, par une chanteuse parvenue à maturité et en pleine possession de son art, ça demande malgré les apparences des précautions sur la restitution. Du coup, je repasse sur l’Odin: effectivement, l’entrée basse et percussions est plus franche et plus consistante, et la voix, plus proche et plus appuyée. Sur ce type de morceaux (et de prises de son!), mes préférences sont à l’inverse des précédentes, car, avec le Kennerton, la plus grande proximité de la voix de Jane fait mieux entendre les passages pendant lesquels elle sourit (t’as qu’à écouter vers ~2’35-2’40 si tu me crois pas!)…
Histoire de finir cette petite comparaison en lâchant un peu les chevaux, le dernier morceau sera
Money For Nothing tiré de
Brothers In Arms de Dire Straits (1985).
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Commençons par l’Odin. Je ne connais pas trente-six casques permettant d’écouter ce classique du rock avec autant de punch et, à mon goût, sans aucune autre frustration (ou regret net) sur d’autres points. Pour ma part, je mettrais dans la liste le HE-6, l’Abyss, le LCD-X (et je dois reconnaître que je n’ai pas pu essayer le LCD4). On dirait que le Kennerton a été conçu pour ce morceau, voire pour cet album. Ça tape dans le grave, et – surtout avec les nouveaux pads, le haut médium et l’aigu sont bien posés, ce qui permet une belle aération et l’écoute d’une guitare hyper précise, qui s’impose avec autorité. Le médium extrêmement consistant assure à la voix à nouveau énormément de présence. Difficile avec ça, ne pas taper du pied, comme au premier jour plus 30 ans après, sauf si tu n’aimes pas ça évidemment (mais là, je suis au regret de… non… rien!!).
De là donc, de ma part, un certain de scepticisme
a priori vis-à-vis du HE-1000 – car il me semble me souvenir que la version 1 marquait un peu le pas sur ce genre de musique. Et d’où, en retour, la bonne surprise. Alors d’accord, on pourra dire que ça tape un peu moins dans le grave et que la voix est un peu moins en avant, etc. Ça n’est pas faux. Mais on obtient le même côté enlevé provoquant l’agitation rythmique escomptée des extrémités des jambes. Car la restitution de la dynamique y est, et même beaucoup. Évidemment, j’en profite pour redire qu’il faudra vraiment prendre soin de laisser à ce casque le temps nécessaire pour s’ouvrir et déployer ce dont il est capable et, dans la mesure où il est un peu plus difficile que l’Odin de ce côté-là, de lui trouver un ampli capable de l’alimenter comme il le faut et qui permette un mariage réussi (àmha, la classe A et, éventuellement, le tube sont des pistes à ne pas négliger). Un bref passage du HE-1000 sur un petit ampli que j’ai dans un coin d’étagère, un Présonus à pas cher, m’en a d’ailleurs convaincu, et ce, alors même que je ne fais pas partie de ceux qui écoutent “fort”. Car ça n’est pas de cela qu’il s’agit. Ce petit ampli n’est pas forcément à critiquer (surtout à son tarif d’une centaine d’euros), mais il n’est pas fait du tout pour ce type de casque (il préférera des casques à impédance moyenne et à sensibilité bonne, voire très bonne – toute autre différence, par exemple sur le silence de fonctionnement – mise à part). Quoi qu’il en soit, alors qu’il peut presque faire illusion avec l’Odin, avec le HE-1000, c’est une autre histoire: tout se tasse et ça devient terne et ennuyeux. C’est donc aussi une condition impérative, ce qui signifie qu’avant de prononcer un jugement négatif sur ce casque, il faudra avoir pris soin de bien le mettre en œuvre, sous peine de passer à côté, ce qui serait vraiment dommage (même si, comme on dit, ça en fait plus pour les autres).
On me dira: quelles conclusions tirer de tout ce baratin? Pas grand-chose de décisif, si on veut à toute force acclamer le winner et huer le looser. Ce qui serait à mon avis dénué de sens, dans la mesure où il s’agit de deux casques de grande qualité. L’un est plus exigeant que l’autre en matière d’ampli, quand l’autre s’avère d’un confort moindre, et même nettement moindre. L’un propose une restitution plus chantante, plus joueuse et plus enjouée, là où l’autre donne dans une écoute globale, plus posée, plus sereine, etc. En d’autres termes, le choix à faire se situe bien moins entre le bon ou le mauvais, ou même entre le meilleur et l’autre – qu’entre deux manières de proposer une restitution musicale. De quoi je conclus que, dans une large mesure, il s’agit d’une question de goûts personnels et qu’il faut bien se “résigner”: personne ne peut choisir à la place de personne…
Cdlt