La décomposition harmonique
Les premiers travaux de Joseph Fourier sur la décomposition d'une fonction périodique en une somme de fonctions sinusoïdales simples avaient laissé penser que la solution du problème devait se trouver dans l'analyse harmonique du son.
Les appareils d'analyse de son de plus en plus perfectionnés sont venus infirmer ces hypothèses, qui ne sont correctes que pour un son périodique. Le sonagraphe, disponible à partir des années 1950, a permis d'explorer plus avant la décomposition du son en partiels et en harmoniques. La seule courbe d’enveloppe, qui exprime l’amplitude globale en fonction du temps, est apparue comme inadéquate à la description des caractéristiques du timbre. C'est la combinaison de la variation de l'amplitude de chaque composante harmonique (potentiellement une infinité) qui est nécessaire.
Seul le sonagraphe, appareil de représentation graphique de la totalité des dimensions du phénomène (temps - fréquence - amplitude) a permis de suivre un spectre évolutif, dont chaque composante a une intensité relative qui évolue avec le temps.
Les performances auditives humaines sont limitées en fréquence : au-delà de 5 kHz, on ne distingue plus les hauteurs que très approximativement, et on ne peut percevoir l'harmonicité des partiels. Au-delà de 15 kHz, les sons sont inaudibles, quoi que des conjonctions de sons inaudibles puissent engendrer, par intermodulation, des perceptions sonores2. Cela explique que pour les notes très aiguës, dont les harmoniques sont vite repoussées au-delà de cette limite, il devient difficile de distinguer la nature de l'instrument, sinon par ses caractéristiques dynamiques. Le sonagraphe limite en général son exploration des fréquences à 8 kHz, donnant les principaux formants discernables.
Les autres paramètres du timbre
D’autres éléments, physiquement simples à décrire, ne sont qu’intuitivement perçus comme influençant notre perception du timbre, et l’importance de leur rôle au sein du champ de cette reconnaissance est difficile à appréhender. La brillance, les formants, par exemple, mais aussi le vibrato, la texture sonore. Helmholtz dans sa théorie physiologique de la musique, a présenté une théorie s’appuyant sur la mise en évidence des harmoniques d’un son périodique et le calcul de leur intensité au moyen de résonateurs.
Il découvrait parallèlement les fréquences de partiels inharmoniques et observait leur importance dans la nature du son. À sa suite, Carl Stumpf, philosophe et psychophysiologiste allemand, notait dans les années 1930, l'importance des transitoires (portion infime de l’attaque du son), du vibrato, des composantes spectrales (régions formantiques), de la chute dans la dimension du timbre. La portion d’attaque est essentielle à l’identification de l’instrument, ce que l'on sait également grâce aux travaux de Pierre Schaeffer. Ces transitoires d’attaque sont des phénomènes qui peuvent durer de 20 ms jusqu’à 200, voire 300 ms, selon les instruments, et qui affectent toute modification de la perception du timbre. Ces travaux révélèrent que les caractères proprement musicaux des sons sont inscrits dans la partie stationnaire.
Mais on doit surtout aux travaux du LAM (Laboratoire d'Acoustique Musicale de l’université Paris VI), dirigé par Émile Leipp dans les années 70, d'avoir montré que bien des composantes du son (discrètes et continues) ne sont que des composantes psychologiques, psychoacoustiques, qui ne prennent place qu’au niveau cérébral, neuronal de la reconnaissance du timbre. L’étude des modes de jeu de certains interprètes révèle par exemple que la phase stationnaire est continuellement différenciée et varie perpétuellement au cours de l’exécution d’une œuvre. Beaucoup de composantes timbrales sont donc des éléments vivants, dynamiques : même si notre oreille ne peut les reconnaître intuitivement, elle sait le faire inconsciemment.