[Feedback] Bowers & Wilkins P5 (bis)
Publié : 20 juil. 2011 15:05
Si un terme ou une expression vous semble obscur le Lexique de test de Tellement Nomade est là!
Et c'est parti pour un petit feedback du B&W P5 : Caractéristiques :
Un casque supra-aural fermé conçu pour le nomadisme, et particulièrement pour les iMachins. 299 euros MSRP, mais on le trouve un peu moins cher ici ou là.
Lien vers les caractéristiques (qui n'ont rien de particulier pour un casque de cette catégorie) :
http://www.bowers-wilkins.fr/Casques/Ca ... oduit.html
Aspect extérieur :
Je ne passerai pas beaucoup de temps dessus, car on peut facilement les essayer en magasin (Apple Store, Fnac par exemple).
De plus la conclusion est très facile : ils sont (presque !) parfaits. On a donc droit à :
Aspect esthétique :
- un design excellent, discret mais classe
- un arceau qui ne se projette pas trop sur le côté - vous n'aurez donc pas l'air d'un alien !
- des matériaux de bonne qualité, et notamment du cuir véritable de partout.
Aspect pratique :
- earpads détachables, et magnétique ! On se demande vraiment pourquoi personne n'y a pensé avant.
- Câble détachable, un must en nomade (et pourtant si peu fréquent).
- Il se replie à plat, et est véritablement plat dans cette configuration (les sacs messengers apprécieront).
- La meilleure housse du marché, point. Elle est rigide juste comme il faut, avec un rabat magnétique facile à utiliser, et une petite poche pour le câble. Le tout est fin (les sacs messengers apprécieront - bis). Génial tout simplement.
Construction :
- Bonne. Meilleure qu'un grand nombre de casques de sa catégorie. Au niveau des finitions (symmétrie de l'assemblage, soin apporté à la précision des éléments esthétiques, etc.), il est supérieur au Beyer DT 1350 (c'est dire !). Mais au niveau de la robustesse, je suis moins convaincu. Le cuir véritable peut s'abîmer si mal entretenu, et l'état de certains P5 dans les Apple Store laisse à désirer (alors que les TMA-1 adjacents ont mieux survécu aux grosses paluches des Apples fans). Je pense cela dit qu'avec un minimum de soin il survivra assez longtemps. MAIS : le câble est assez mauvais. Il retient les noeuds et la gaine de plastique sur le Jack a tendance parfois à se défaire. Heureusement, comme on l'a dit, il se remplace.
Différence avec une paire acheté le jour de la sortie du casque : de mémoire, je la trouvais un peu mieux fabriquée (cuir un peu mieux ajusté, etc.). Mais c'est ténu et sans doute dans les limites des tolérances de fabrication.
Amplification :
Avec ses 26 ohms le casque ne représente pas de challenge particulier à driver pour un iPhone. En revanche il faudra pousser le volume assez fort, malgré sa sensibilité annoncée de 120 dB. J'ai noté une amélioration avec amplification, mais le gain en qualité est très faible par rapport à d'autres casques tels que HD-25 ou DT 1350.
Je l'ai avant tout utilisé sur un iPhone 4, car je pense qu'il s'agit de sa "cible" principale.
Description du son :
Réponse en fréquence : certains ont qualifié ce casque de chaud. Et bien je ne suis pas tout à fait d'accord, même si je comprends d'où cela peut-il venir. En réalité les basses sont légèrement montantes, mais de façon linéaires (pas de bosse trop importante), et sont très bien étendues (davantage qu'un bon nombre de casques de sa catégorie). Il y a une bosse dans les hauts médiums qui donne une sensation de clarté (malheureusement gâchée par un autre point, voir ci-dessous), mais très rapidement celle-ci s'estompe et laisse la place à des aigus en retrait (mais néanmoins présents et étendus de façon correct). Leur mise à l'écart n'est pas donc exclusivement due à une réponse en fréquence faiblarde, mais à un autre point (ci dessous).
Rapidité, précision : LE problème de ce casque. La réponse en impulsion (la rapidité du driver à répondre à un signal sonore et sa rapidité à revenir à son "point de départ" - puisque je le rappelle un driver est composé d'une membrane qui vibre - il s'agit donc ici de mesurer à quelle vitesse le driver atteint la vibration demandée et à quelle vitesse, une fois le signal terminé, il retrouve son état normal) est mauvaise, très mauvaise. Cela est pour autant compensé par une bonne capacité à retrouver le point d'équilibre, d'après ce graphe : http://www.innerfidelity.com/images/Bow ... 5Test2.pdf
Résultat : les micro-détails sont mis en retrait, et notamment dans les hautes fréquences, ce qui peut avoir un effet sur la capacité de l'auditeur à les discerner correctement. Ce manque de rapidité est sans doute la raison pour laquelle ce casque est considéré comme chaud - alors qu'en réalité il l'est moins d'après sa réponse en fréquence qu'un Audeze LCD-2, ou bien qu'un DT 1350 (tout du moins dans les hauts médiums) ! Je souhaite aussi ajouter que ce défaut de rapidité ne concerne que les fréquences à partir des hauts médiums - les basses sont au contraires assez rapides, et bien contrôlées. Un point sur l'amplification : celle-ci n'a qu'un effet très modeste sur l'amélioration de la réponse en impulsion. Ne comptez pas donc dessus pour constituer une amélioration notable.
Détails : voilà donc le point sur lequel le casque pêche. Le micro-détails sont gommés et mis en retrait. Pour autant, est-ce dramatique ? Non. Car le casque a au moins le mérite de ne pas créer de faux détails. Par exemple, je trouve que le HD-25 a la fâcheuse tendance à donner l'impression qu'ils sont détaillés, pour je ne sais quelle raison, alors qu'ils ne me permettent pas davantage que le P5 de discerner les claquement de main de Layla - Eric Clapton Unplugged. Donc en réalité, je trouve le niveau de détail à peu près équivalent à celui d'un HD-25 avec son câble par défaut, ou bien un TMA-1 par exemple (ces trois casques restent loin derrière le DT 1350). Pas terrible, mais loin d'être dramatique pour autant. Peut-être la capacité supérieure à la moyenne du driver à retrouver son état statique compense sa lenteur à se mettre à "vibrer" ? A noter que le niveau de détail augmente un peu avec le rodage (contrairement au DT 1350 qui est déjà très détaillé à la sortie du carton).
Image sonore : Le P5, même non amplifié, rejoint le club très sélect des casques nomades capables de retranscrire une certaine sensation d'image sonore, pour le moment peuplé, d'après les casques que j'ai entendu, de seulement le DT 1350 et le T50p. C'est très étonnant, car l'image sonore est en partie le produit de la capacité d'un casque à répondre rapidement aux impulsion du signal sonore. Ca reste, néanmoins, très mauvais, et en dessous des deux Beyer (eux-mêmes pas terribles), mais c'est un bon début.
Texture : le son est très légèrement plus granuleux que les deux Beyer, mais on sent néanmoins qu'il s'agit d'un driver de conception récente, car il est bien plus liquide que celui d'un ESW9 ou HD-25. Les basse sont bien texturées avec un très bon damping (pas de basses boomy, du tout).
Corps / substance ; le casque a du corps, mais il manque d'impact. En d'autres termes, l'ensemble du spectre sonore sonne bien "plein", "substantiel", en tout cas bien davantage qu'un DT 1350 mal amplifié), mais le son n'est pas très impacté. C'est du niveau d'un DT 1350 moyennement bien amplifié - donc pas terrible pour du rock bien crade par exemple. En revanche c'est à mon avis une qualité sur du classique par exemple (avez vous déjà entendu un violoncelle vous claquer à la gueule lors d'un concert symphonique ?). Ou bien sur du jazz : je trouve les basses au violoncelles très bien rendues avec juste ce qu'il faut d'impact. Le tout est très réaliste dans ces cas là.
Timbres : je garde le meilleur pour la fin. Tout simplement car le P5 est à mon avis le seul casque nomade, à ma connaissance, qui fasse un presque sans faute sur ce point. C'est bien simple, les instruments sonnent naturels. Là où je trouve le HD-25 catastrophique sur du piano (j'en joue depuis mes sept ans, c'est ma référence en terme de timbre, et ca tombe bien car un des instrument les plus difficile à reproduire), les Beyers moyennement correct, et les Audio Technica trop colorés, le P5 est très, très bon. Ca sonne tout simplement "juste". Les voix sont absolument superbes, presque parfaites (essayez Medulla de Bjork pour vous en convaincre). Les percussions, bien que manquant d'impact, sont très réussies, sans doute grâce à l'excellent damping du casque, avec juste ce qu'il faut de decay. C'est pour cette raison que, malgré ses défauts de précision, détails, rapidité, séparation des instruments, je le trouve excellent sur de la musique classique, les voix, le jazz, etc. A noter qu'une bonne reproduction des timbres n'est pas pour autant la clef d'un son réussi. Par exemple, je préfère les guitars accoustiques sur les deux Beyers, malgré des timbres perfectibles : leur rapidité exceptionnelle leur donne cette qualité presque électrostatique de reproduire le plus fidèlement du monde le moindre "zing" et "tang" du frappement des cordes. Mais vraiment, je le répète, les timbres du P5 sont exceptionnels pour un casque nomade. Et rien que cela peut être à même de compenser pour certains les autres défauts cités ci-dessus.
Différences avec un paire acheté le jour de la sortie du casque :
- la différence principale est que la première paire me semblait, de mémoire, moins rapide, plus brouillonne. Autant j'aurais véritablement considéré cette première paire comme une arnaque eut égard à son prix de vente, autant le modèle que j'ai entre mes mains me semble correct. Les aléas des premiers batchs fabriqués ?
Conclusion :
Le p5 aurait été un casque parfait - si seulement son driver était plus rapide. L'aspect extérieur, la qualité de construction et l'intelligence du design industriel frôlent la perfection et à eux seuls justifient le prix. Pour un premier jet de la part de B&W, c'est excellent sur ce point et donne une belle déculotté aux fabricants allemands et japonais qui fabriquent des casques depuis belle lurette. En revanche au niveau du son, ce qui reste l'essentiel, le P5 n'est pas une réussite aussi franche. Autant B&W a fait tous les bons choix "artistiques" - avec une signature sonore de premier plan, des médiums sexy au possibles, un son raffiné, des basses rondes et chaleureuses mais pas baveuses, etc., autant on ressent un très net manque sur le plan technologique : le driver est lent, lent, lent, beaucoup trop lent. Et c'est bien dommage, car c'est le point qui sera pour certain l'épouvantail d'un casque presque parfait.
C'est donc un casque que je recommande sous conditions :
- il est excellent sur du jazz, point. Et très bon sur du classique, malgré des défauts qui auraient pu le rendre très mauvais sur ce genre.
- il est parfait pour quelqu'un possédant un iDevice, et ne souhaitant pas utiliser d'ampli. La télécommande est un confort indéniable.
- il est particulièrement réussi du point de vue du "nomadisme" : costaud, bonne isolation, câble détachable, se replie à plat, housse très bien conçue - les possesseurs de sac messenger vont apprécier.
- il atténue l'effet désagréable des défauts d'enregistrement - utile pour ceux écoutant des vieux enregistrements
- malgré ses défauts, il n'est jamais horrible sur les genres qui ne sont pas son domaine de prédilection.
- on peut l'écouter des heures sans fatigue.
- parce qu'il ne met pas le moindre détail en avant, sans pour autant le masque complètement, c'est un très bon "casque de travail". J'ai remarqué avoir beaucoup de difficultés à me concentrer sur mon boulot avec ma paire de DT 1350, car toujours déconcentré par la capacité de ce casque à retranscrire le moindre détail en avant. Le p5 au contraire, ne me déconcentre pas du tout. Il joue son rôle de "fond sonore" à la perfection.
Ce casque n'est donc pas une arnaque comme les Monster Beats et autres mochetés. C'est un vrai casque, avec de vraies qualités.
Maintenant, LA question : vaut-il son prix ? Strictement sur le plan de la qualité sonore, c'est débattable. Oui, dans la mesure ou il ne demande pas d'amplification pour donner tout son potentiel. En effet, les autres casques de sa catégorie ne sont pas spécialement meilleurs que le P5 sans un bon ampli derrière. De plus le P5 est très bon sur certains genres que des casques de prix inférieur ne reproduisent pas très correctement : jazz, classique. Un amateur de ce genre de musique n'aura donc pas d'hésitation à avoir pour payer la différence. Si on ajoute à cela la question de la portabilité et de la qualité de fabrication, le P5 décolle dans les comparaisons. C'est pourquoi je trouve son prix actuel (plus proche des 275 euros si vous cherchez bien) tout à fait correct, même par rapport à, par exemple, un HD-25 à 150 euros. Tout dépend de l'utilisation et des besoins de chacun. Si par contre vous possédez déjà un bon ampli (c'est à dire puissant, avec un joli chiffre en mW), le P5 est mis à mal par le DT 1350 - qui fait tout ce que fait le P5, mais en mieux, et sur tous les plans, et est bien plus versatile. Et pour moins cher en plus.
Pour résumer :
- il vaut son prix si 1) vous n'avez pas d'ampli costaud en votre posséssion, 2) vous correspondez à la cible (possésseur d'iMachin, amateur de jazz ou classique, etc.). Si vous ne répondez pas à ce petit "2", d'autres casques, même non amplifiés, seront plus appropriés.
- il ne vaut pas son prix du tout si vous possédez déjà un bon ampli. A ce petit jeu d'autres casques vous en donne plus pour votre argent. Le DT 1350 tout particulièrement, puisque qu'il est meilleur que le P5 dans ses deux domaines de prédilection (classique et jazz).