Hop, un premier retour :
EARMEN - Angel
Présentation :
Sorti récemment, le Earmen Angel présente bien. Bien fini, tout en aluminium recouvert d’une peinture (bleue dans le cas qui nous intéresse) métallisée du plus bel effet (pour peu que vous tolériez le bleu). Pas de bavure notable, les jointures sont maîtrisées, on sent le bel objet au regard et en main. Il est néanmoins nettement plus volumineux qu’un Alo Rx Mk3b+ sans parler du lilliputien RSA SR-71b. On ne boxe clairement pas dans la même catégorie en terme de transportabilité. Là où j’arrive à sortir dehors avec le Alo et le RSA dans la poche (large) d’une veste, je ne me vois absolument pas le faire pour le Earmen.
En terme de construction les anciens ne peuvent pas teste, leurs boîtiers sont fonctionnels et solides, mais on est à des années-lumière de la précision d’un boîtier plus de 10 ans plus moderne.
Sur le plan des fonctionnalités non plus la différence d’âge se fait fortement ressentir. Déjà, les 2 vieux ont une prise très pénible à trouver : un kobicon Alo/RSA (ça ne s’invente pas). Un fois le connecteur adéquat dans la besace, tout va mieux, mais il faut accepter de passer un peu de temps (et d’argent) à commander des adaptateurs pas immédiatement disponibles. Le 4,4 n’existait pas à l’époque.
Et surtout, avec sa connectique moderne (chargeur USB C, données sur un 2e USB C également, on peut donc ET charger ET écouter en même temps, bien que la situation ne soit pas recommandable) il entre de plein pied dans le monde des années 2020. Se faisant, il exhibe fièrement ce qui fait sa différence face à ces amplis portables : un DAC. Car oui, le Earmen Angel peut tout faire seul à part héberger votre musique. Donnez-lui des 0 et des 1, il saura quoi en faire, là où les 2 ancêtres, cantonnés à leur condition de simples amplis, doivent se brancher à des sorties analogiques. Avantage collatéral, ils peuvent changer de saveur selon l’électronique en amont.
Atout indéniable aux yeux de certains, couteau suisse impeccable pour quiconque armé d’un smartphone, tablette ou PC. Et il sera toujours possible de profiter uniquement de la partie ampli (pour peu que vous soyez équipés de la connectique adéquate en SPDIF ou coaxial, ce qui n’est pas mon cas malheureusement…).
Les écoutes et comparaisons faites seront donc entièrement basées sur l’ensemble DAC + ampli de l’Angel, malgré une source qui variera au gré des turpitudes de l’existence entre mon Hiby R8, le PC ou l’Ipad pro. Ledit R8 servira également de DAC (de très haut niveau) pour les amplis.
A noter, j’ai tenté de brancher le Angel sur l’USB C de mon smartphone. Ça a fonctionné sans problème (même si ledit smartphone ne daignait pas continuer lire la musique une fois l’écran éteint… mais rien à voir avec le Earmen), mais j’ai remarqué une forte disparité dans le volume d’écoute à potard identique. Le Hiby R8 semble envoyer bien plus de jus via son USB C. Malheureusement sa prise USB C capricieuse m’a contraint de passer par l’Ipad pro ou le PC pour des écoutes sans souci. Le résultat ne donne pas de différence flagrante, le Earmen se chargeant de toute la partie décodage et de l’amplification. On partira du principe qu’il n’y a pas de différence indue au transport.
Au rayon utile : l’allumage du DAC/amp peut s’avérer étonnant. Il le fut pour ma personne. J’ai mis quelques minutes à comprendre qu’il faut appuyer plusieurs secondes sur le potard (qui s’enfonce donc) afin de mettre sous tension. Autre subtilité, le potard tourne à l’infini et le volume débute toujours à 0. C’est assez déconcertant lorsqu’on est habitué à naviguer de silence à « à fond ».
Dans le tour du propriétaire, il y a un bouton High gain (pas de medium ou extra high). Et la connectique en entrée admet donc le SPDIF ou le coaxial en plus de l’USB C. Les sorties sont en asymétrique 3,5 ou symétrique 4,4 que ce soit pour la prise intras/casques ou pour les sorties ligne.
Enfin, sur le plan logistique, pensez à conserver une prise pas trop loin de vous avec l’Angel car s’il peut tenir quelques heures, ce n’est pas un champion d’autonomie, les 2 anciens le laissant loin derrière sur ce niveau. Comptez 4-5h, surtout en utilisant le high gain.
L’écoute :
Korn – Here to Stay
Angel
Vérité Closed
Les basses sont autoritaires et les détails bien présents. La production du titre imposant ces caractéristiques de toute manière. On sent que l’Angel drive bien le casque et ne se démonte pas face à l’impédance élevée (300ohms) pour une sensibilité correcte à 99dB/mW. Les 2W disponibles fonctionnent ici très bien.
La sensation de clarté est poussée, probablement en surplus. Cela donne l’impression que le Earmen cherche à en mettre plein les oreilles à ce niveau, au détriment léger du réalisme. Le produit se place sur le segment équilibré tendance montant de la force, même s’il n’y a pas de déséquilibre flagrant. A noter que la scène sonore ne paraît pas étonnamment large ou incroyablement profonde, on se situe dans la moyenne dans les 2 cas.
HE-6
High gain
Les basses paraissent relativement timorées (face à ce dont est capable le HE-6 bien sûr, pas dans l’absolu). La présentation set belle, les détails présents. On sent cependant que le casque en a encore sous la chaussette. Le manque d’impact dans le bas (toujours comparativement à) ainsi que la dynamique légèrement en berne sont des signaux qui ne trompent pas. La tonalité devient assez claire, on perd le soyeux des mediums qui opèrent dans une veine plus agressive que par rapport à un Alo.
Dans l’ensemble, cette approche donne à penser que le casque est trop gourmand pour le DAC/amp même s’il est possible de se faire saigner les oreilles en poussant le potard (de la différence entre sonner fort et driver correctement).
SR-71b
Vérité Closed
Medium gain, potard à un tiers.
La caisse claire et la grosse caisse sont bien sèches, le RSA à cette orientation sonore reconnaissable.
Les guitares conservent le gras propre au mix énorme de Korn, sans débordement coupable. La facilité à restituer les multiples couches malgré un mix parfois confus dû à l’enchevêtrement des fréquences indique une séparation superbe. Les splash des cymbales lointaines s’entendent sans pousser l’attention plus que de raison. On sent un couple qui s’apprécie, le Vérité Closed se nourrissant des mediums charnus tout autant que de la rapidité pour exprimer ses qualités naturelles à ce niveau.
Les sub maintiennent un bel impact pour un casque qui n’en est de toute manière pas un champion à la base.
HE-6
Passage en high gain et augmentation du potard (mais toujours à moins de la moitié)
On passe au niveau supérieur pour le slam des subs, qui devient plus marqué. La scène est plus large tandis que les guitares sont en retrait. La représentation globale est moins dense, le Hifiman portant en lui plus de sécheresse. Son agressivité naturelle dans le haut medium est subtilement mise en avant, sans brillance cependant. On note un beau détourage du trio cymbales/grosse caisse/scratches dans le passage le plus chargé du titre. Par rapport au Vérité Closed, on perd en faculté à restituer les cymbales lointaines.
L’ensemble s’avère plus soyeux (pour un HE-6 s’entend) que sur le Alo mais la puissance en moins sous le capot coupe (un poil) la dynamique. Et l’amateur de sévices professionnels regrettera la puissance non contenue et maîtrisée délivrée par le Alo.
Alo Rx Mk3b+
Vérité Closed
Medium gain, potard au quart
Les subs paraissent plus sèches tout comme on perçoit plus d’agressivité dans les haut mediums (ou bien le volume est trop fort ?). L’écoute en devient moins plaisante que sur le SR-71b. Net avantage au petit RSA sur le Vérité Closed qui y exprime bien mieux ses qualités dans les mediums. Quand on parle de couple, d’appairage, en voilà un bel exemple.
HE-6
High gain potard à un quart (!!!)
Le son est moins agressif, même s’il semble donner plus de micro-détails. Le Alo prouve une maîtrise dans le HE-6 à laquelle ses 2 compères ne peuvent prétendre. Le tonalité devient légèrement plus douce, ce qui permet (pousse ?) de monter le volume sans que nos tympans ne se plaignent. Le HE-6 reste un HE-6 toutefois, et n’en attendez pas qu’ils deviennent un gentil cocker. Enfin, il convient de noter que le slam des subs passe un cap et est encore plus impressionnant que sur le SR-71b.
Daft Punk – Get Lucky
Angel
Vérité Closed
Gain de base
Le titre et sa production désormais légendaire conviennent bien mieux au DAC/amp de Earmen manifestement. Le son ultra détaillé de base trouve un beau couple ici. Le détourage naturel créé par Daft Punk baigne confortablement dans les caractéristiques de clarté de l’Earmen. La basse est autoritaire d’autant qu’elle n’est pas franchement mise en concurrence par la grosse caisse ce qui permet une ségrégation des instruments aisée. On entend toutefois bien la réverb et le coffre des kicks lorsque la grosse caisse est seule à s’exprimer.
La guitare funk de Nile Rogers s’exprime parfaitement tout comme les cymbales douces et délicates. La science de la production des Versaillais fait le plus grand bien et donne une seconde constatation : le Angel se nourrit de la qualité de la production de la musique qu’il diffuse. La dynamique est bonne sans en faire des tonnes.
HE-6
High gain, potard plus poussé
Parmi les changements marquants, les claps d’arrière-plan manquent de dynamique. Ils ont du mal à ressortir correctement à l’écoute et n’apportent plus le surplus d’énergie attendu. La basse ronronne bien cependant, confirmant que sur les productions modernes et pas trop chargées, le détourage de l’Angel est plus à son aise.
L’ensemble sonne malgré tout plus terne que ce à quoi on pourrait s’attendre. Tout est affaire de nuances comme d’habitude mais le constat est là, le HE-6 est capable de plus, entérinant la perception déjà faite sur le titre de Korn.
SR-71b
Vérité Closed
Le ZMF s’amuse sur ce titre qui semble taillé pour mettre en avant ses qualités de dynamique couplées à une signature équilibrée avec une légère emphase dans le medium. Le RSA met en lumière les petits manquements de l’Angel sur la dynamique et sa capacité à extraire les micro détails de la corde de basse dont on entend les vibrations métalliques.
Encore une fois, la comparaison permet de mettre en évidence la volonté manifeste côté Earmen de mettre en avant une clarté non nécessaire. Le caractère plus organique que donne le couple R8/SR-71b demeure plus agréable à l’oreille, d’autant que cela ne se fait pas au détriment des détails. Enfin, les fameux claps ressortent avec plus de pêche.
Alo x Mk3b+
HE-6
On retrouve des basses plus tendues, une dynamique plus appuyée et une représentation générale plus soyeuse qui n’oublie pas pour autant les détails. Le détourage plus important appuie la théorie du manque de jus côté Earmen (et aussi des qualités indéniables de cet Alo couplé au DAC du R8).
Dredg – The Pariah
Vérité Closed
Même constat que précédemment, certes la production très détaillée de ce superbe album est aisément rendue, cependant cela se fait encore au prix d’une clarté trop poussée qui rend difficile l’écoute à fort volume. La caisse claire est encore plus sèche que la vision initiale de l’album tandis que les cymbales sont à la limite de l’agressivité. Les variations de volume sonore de la chanson sont bien rendues.
HE-6
L’écoute paraît forte et presque agressive. On retrouve tout ce qui a déjà été écrit. La représentation globale semble également un peu trop plate en comparaison de ce dont le HE-6 est capable. Certainement, sans connaître le potentiel du casque on pourrait se contenter de ce qui est ici proposé, modulo cet avertissement sur le haut du spectre. Pourtant demeure cette sensation du caractère artificiel des détails projetés de manière proéminente à nos tympans, d’autant plus dommageable que cela découle d’un haut medium très brillant.
Emperor - Ye Entrancemperium
Vérité Closed
Trop agressif. Les guitares sont ultra tranchantes, clairement pas adaptées à une écoute à volume élevé. Si on baisse le son, la dynamique se tasse, mettant à mal l’impact de ce titre implacable. L’impact de la basse lors des premières mesures se retrouve noyé dans l’ensemble.
HE-6
Là ça se passe mal. L’agressivité non contenue de l’Angel met à mal notre seuil de tolérance. Ce titre extrême ultra rapide ne lésine pas sur des guitares au timbre relativement haut perché accompagnées d’une batterie épileptique. Qu’on ne reconnaît pas. La grosse caisse est un ton trop haut, mécanique. La caisse claire a quasiment disparue.
Conclusion :
Au-delà de ces comptes-rendus plus ou moins détaillés, les 4 chansons sélectionnées l’ont été pour leur capacité à mettre en lumière des points précis :
- Détourage du message dans un chanson très chargée sur toute la gamme de fréquence (Korn)
- Capacité à rendre les détails et la dynamique d’un titre excellemment produit (Daft Punk et Dredg)
- Encaisser la rapidité et rendre l’agressivité d’un titre extrême (Emperor)
J’ai également écouté d’autres chansons, dans ma veine de prédilection, à savoir le metal avec préférence pour l’extrême. Le constat global ne change pas malgré les différences de production et d’enveloppes sonores. Earmen a sorti un produit très bien fini capable de sortir du bon son de tous vos appareils modernes (bluetooth excepté).
Partez néanmoins prévenus de ces limites : malgré les watts annoncés, il se montrera trop juste pour les casques les plus gourmands, les basses et la dynamique baisseront d’un cran, comme tassées. Sur les autres casques, il se débrouille mieux sauf que le choix d’opter pour une représentation basée sur la clarté apporte certes une sensation (peut-être bienvenue pour certains) d’aération et de mise en avant des détails, au prix d’une sonorité artificielle à mes oreilles. Autre fâcheuse contrepartie, elle pousse les casque vers une agressivité mal contenue rendant malaisée l’écoute à fort volume tout en les faisant sonner faux dans le pire des cas.
Est-ce affaire de goût et d’habitude d’écoute ? L’hypothèse est tentante tant notre cerveau est malléable et capable de s’habituer. Avec mes habitudes et mon matériel cependant, cela ne correspond pas à mes attentes. Et ne me donne pas envie de continuer l’aventure car sur le terrain de l’extraction des plus petit des détails, ça n’apporte pas l’avantage attendu. Il ne suffit pas seulement d’avoir une signature montante pour être le roi. La dynamique est importante dans le détourage, et celle-ci n’est pas au firmament.
Sur les autres points que sont la scène sonore et l’étagement, je me rends qu’étonnamment je ne les ai jamais évoquées, signe qu’il ne s’y passe rien d’exceptionnels. Corolaire, on peut en déduire également que rien n’est mal fait. Attendez-vous simplement à une bulle homogène dans les 2 axes, sans esbrouffe ni émerveillement.
Pour ajouter un peu plus de nomade, j’ai branché mes Spiralears SE6 en sortie du DAC/amp. Là, la question du jus ne se pose plus et les SE6 sont plus que correctement drivés. Cependant, et en comparaison à ce que j’entends en sortie de mon Hiby R8, le plaisir est moindre car encore une fois, bien que la signature ne soit pas rendue agressive, la dynamique est moindre. Le gain en puissance ne joue pas de manière notable sur les basses et les subs, là où cela se note le plus en général.
A 800€ nous sommes en droit d’être exigeant, et la seule qualité perçue de l’objet ou ses nombreuses entrées/sorties ne suffisent pas. L’audiophile difficile que nous devenons alors veut plus. Alors certes un Hiby R8 neuf est 2 fois plus onéreux, mais les Alo et RSA étaient à ce prix à leur sortie, il y a plus de 10 ans. Et oui, ce ne sont pas des DAC, et en ajoutant le R8 on obtient un ensemble à un niveau de prix stratosphérique si tout est neuf. Néanmoins le marché de l’occasion est là pour adoucir tout cela, et si on reste à quasi 2 fois le prix de l’Angel, les curseurs sont poussés plus loin avec une communion musicale d’un autre niveau.
La force de ce DAC/amp pour moi réside dans sa polyvalence. Capable de se brancher aux appareils modernes, d’en faire sortir un bon son qu’ils soient smartphone, tablette ou PC et d’alimenter à leur juste valeur vos casques (faisant fi de cette agressivité malvenue).
Ses carences sont tapies dans le domaine qui nous touche le plus : le son. Loin d’être mauvais, que mes propos ne soient pas mal interprétés. J’ai la chance d’avoir en ma possession après des années dans ce hobby des appareils parfaitement adaptés à mes goûts et d’un niveau de gamme plus élevé que l’Angel. Reste que les promesses étaient trop belles sûrement.
Plus à l’aise avec des intras ou des casques relativement efficaces, qu’importe leur impédance (je n’ai pas testé un HD800 toutefois), il ne rendra pas justice aux démons insensibles du type HE-6, et par extension non testée (et sûrement de manière moins flagrante) mais que j’entraperçois, le monde du planar, gourmand en intensité en règle générale. Il est indéniable que vous pourrez brûler vos tympans à pousser le son, mais ce sera sans la maîtrise nécessaire pour une appréciation pleine et entière.