Un casque peu ordinaire: l'Abyss
Publié : 09 déc. 2013 12:47
J'ouvre ici un sujet sur ce casque, dont certains ont déjà entendu parler, pour y poster le CR que j'ai également posté sur HCFR:
http://www.homecinema-fr.com/forum/post ... p177900249
Vous trouverez les quelques info disponibles sur ce casque sur différents sites:
http://www.homecinema-fr.com/forum/post ... p177831334
http://www.head-fi.org/t/666765/the-jps ... ons-thread
http://www.innerfidelity.com/content/jp ... headphones
http://www.hifiplus.com/articles/first- ... es/?page=2
http://www.abyss-headphones.com/
Le site de l'importateur: http://www.alteraudio.fr/ - ne comporte pour l'instant aucune information.
Écoutes abyssales: ceci n’est PAS un test…
Pierre Paya, que certains connaissent ici, m’ayant proposé d’essayer à domicile l’Abyss de JPS Lab, j’ai évidemment cédé à la tentation: comment faire autrement? – Non sans avoir bien précisé par avance que je pourrais en aucun cas en faire l’acquisition (il coûte 6000€ sans compter le tarif de l'ampli qu'il faudra lui adjoindre), mes modestes moyens étant ce qu’ils sont, et que ce que j’en dirai ne fera que refléter mes impressions subjectives, lesquelles sont à la fois relatives à mes propres goûts et au type de matériel que j’emploie dans la vie courante. Ces deux points étant susceptibles d’être mal compris, voire de faire polémique, j’en rends compte vers la fin du CR.
Pour alors, cet Abyss est-ce qu’il est vraiment si tant excellent que ça? – du calme, ça vient
Tiens, je vais commencer par t’annoncer le «résultat des courses», quoi que ça ne soit pas très important et que ça n’ait guère de sens, ça te fera peut-être patienter ami lecteur qui apprécie les compétitions olympiques. L’Abyss est très très loin devant le HD800, très loin devant l’AMT. Vis-à-vis du K1000, à une ou deux petites restrictions près, il est au même niveau sur presque tous mes critères de préférence et loin devant sur pas mal d’autres et, si on prend l’écoute dans l’ensemble, tout bien compris avantages et inconvénients, il passe devant sans problème. Pour ma part, je n’ai donc pas d’hésitation: c’est une écoute de très très haut niveau et, si je peux me fier à mes souvenirs (par ex. vis-à-vis du Jecklin Float, ou de l’Orpheus que j’avais pu entendre en démo à Lille au début des années 90), on se situe tout en haut de l’échelle.
Il est construit comme un panzer qui offrirait le confort d’une paire de charentaises
Tout d’abord sur son confort. Ça a déjà été dit plusieurs fois, contrairement à ce que l’image peut faire croire, c’est un casque très confortable, dont les pads à orientation et clipsage magnétique rendent très facile l’obtention de la meilleure position; il faut juste prendre soin de jouer sur la position de l’arceau pour adapter la direction de l’arrière des pads et jouer sur l’image obtenue. Son poids n’est pas du tout sensible (pour mémoire, j’ai encore un Koss ESP8 qui pesait 780g et qui était bien plus pénible à porter) et il ne bouge quasiment pas une fois mis en place. Sa structure d’arceau rigide est semblable à celle du K1000 et seuls ceux qui ont du mal avec les bandeaux cuir pourront peut-être lui faire des reproches.Après cela, évidemment, on ne peut pas «oublier» qu’on porte un casque autant qu’avec un K1000 ou une paire d’intra moulés sur mesure, mais ça reste beaucoup moins inconfortable qu’un grand nombre d’autres casques (qui tantôt exercent une forte pression d’arceau, tantôt comme les supra-oraux irritent le pavillon de l’oreille, tantôt sont munis de pads en matière allergène spécialement conçues pour donner de l’eczéma en moins de 30 mn).
Les jeux de câbles fournis sont: une paire de câbles principaux: miniXLR/XLR 3 points pour un branchement symétrique sur deux prises XLR en façade d’ampli casque. Y sont ajoutés: un adaptateur 2XLR 3 points vers 1 XLR 4 points et 2XLR 3 points vers un jack assymétrique. On pourra donc brancher ce casque sur n’importe quel ampli casque et la longueur des câbles principaux est suffisante pour ne pas avoir besoin de se coller la tête dans le meuble où on range son ampli casque. Dans l’absolu, on pourrait regretter de n’avoir pas tout simplement 3 jeux des câbles avec les trois terminaisons 2XLR 3 points; 1XLR 4 points et 1 jack assymétrique au lieu d’avoir des adaptateurs (le poids des 2XLR mâles et des 2XLR femelles pèse sur le jack comme sur la XLR 4 points! On peut aussi regretter que la paire de câbles principaux ne disposent pas de clips mobile permettant de les solidariser pour éviter que ça traîne trop (ou alors ils existent mais je ne les ai pas trouvés). L’ensemble est aussi vendu avec un support pour casque.
Aucune surprise non plus côté technique, c’est un casque à faible sensibilité (impédance annoncée comme faible, mais je ne sais pas si elle est ou non régulière) et il lui faut un ampli puissant. De ce point de vue, le WA22 n’est pas l’ampli idéal à lui accoupler si on est amateur d’écoute à fort niveau (ce qui n’est pas mon cas): on n’obtiendra qu’une écoute à niveau modéré ou faible. Vu les résultats obtenus avec mon Eartubes et avec mon RKV, c’est àmha de ce côté là qu’il faut creuser. L’idéal serait sans doute soit la version mk2 de l’Eartubes (qui est fait pour les casques à basse impédance), soit un RKV mkIII utilisé en mode OTL et en branchement symétriques (évidemment la version mkII avec un impédanceur pour s’adapter l’impédance basse de l’Abyss peut s’envisager, mais sans branchement symétrique)…
De toutes façons, à ce niveau là, vu le prix et le profil probable de l’acheteur potentiel, il est évident que le but sera de déterminer les éléments d’un ensemble «sans concession» — et non pas de rechercher la meilleure écoute au meilleur rapport qualité/prix. Autrement dit, la discussion sera infinie et impossible à conclure par voie de démonstration géométrique sur une vérité apodictique… Chacun verra midi à sa porte en fonction de sa propre position par rapport au soleil et du type de montre qu’il emploie.
C’est pas le tout, mais sur quoi je le branche le bidule?
Comme il n’est pas question de le brancher via le sélecteur du K1000 ou via celui de l’AMT ni à l’Audio-Innovation ni aux Denon POA-S10, j’ai dédoublé les essais en deux séries :
a) d’abord en liaison symétrique en écoute à volume modéré et uniquement sur le WA22 pour comparer l’Abyss, le K1000 et le HD800 (et dans une moindre mesure l’AMT)
b) puis, plus systématiquement, l’Abyss en liaison assymétrique sur le EarTubes1 qui lui convient admirablement (mon RKV “0” aussi, mais avec un tout petit manque de transparence dans l’aigu sur les petits détails comme les extinctions de notes qui m’a fait l’éliminer car le défaut est probablement à attribuer soit au montage, soit au tubage, soit à quelque chose qui n’est pas lié au casque mais à mon ampli), comparé au K1000 (sur Audio Innovation), au Sennheiser sur HD800 sur WA22 et à l’AMT sur mes POA-S10.
Il faut donc garder à l’esprit que mes impressions sont liées d’une part à mes propres goûts en matière d’écoute (je préfère un casque coloré qui me donne du plaisir à l’écoute à un casque neutre qui me donne un sentiment d’emmerderie prolongée), d’autre part au matériel dont je dispose et qui n’est pas prévu pour ce casque mais (au contraire) pour d’autres casques. Sans compter que j’ai optimisé mes trois systèmes habituels et, en particulier, celui que j’utilise pour le K1000 et celui que j’utilise pour le HD800. La première série d’écoute, en symétrique, doit être considérée comme peu significative vis-à-vis de ce qu’on obtiendrait avec un ampli casque choisi pour l’Abyss et (peut-être même exclusivement) pour lui…
Commençons par un truc simple, histoire de se dégourdir les oreilles
Je laisse de côté les impressions détaillées, j’y reviendrai. J’ai commencé par écouter un peu de tout, un peu au hasard sur le couple Abyss/WA22 en symétrique (après avoir enclenché l’option «random» sur ma liste de morceaux tests créée sous itunes et zapette à la main), histoire de chercher la meilleure position pour le port de ce casque et d’avoir une petite idée par rapport à ce que j’entends d’habitude et en faisant quelques comparaisons uniquement sur le WA22.
Comment qu’il cause!
Sur les voix (Jojo, Nougaro), sur les cordes des violons (Chosta, Dvorak), c’est frappant de présence et en même temps de douceur: à la première écoute, ça fait penser aux qualités que j’entends d’habitude avec le HD800 ou l’AMT, mais à la comparaison directe, c’est très cruel de repasser de l’Abyss au Senn ou à l’Ergo, ou inversement. Beaucoup plus de transparence et de précision et beaucoup plus de matière avec l’Abyss qu’avec le Senn et plus de transparence qu’avec l’AMT, qui reste moins détaillé dans l’aigu.
Certains enregistrements par ex. anciens (la voix de Brel, celle de Gréco) ou destinés à produire des effets (certains morceaux de musique contemporaine comme Crumb) proposent des passages qui peuvent irriter les oreilles (des sifflantes accentuées, des duretés dans le médium etc.). Certains casques permettent d’arrondir les angles (HD800, AMT), d’autres au contraire ne «pardonnent» rien (K1000, Grado) et il faut souvent choisir entre une écoute d’un sensualisme libertin et une écoute d’une rigueur toute janséniste… Ici, de ce point de vue, je trouve qu’on n’a pas besoin de choisir. On peut profiter d’une très grande précision sans avoir besoin de s’infliger les douleurs de la perfection en même temps que d’une large satisfaction, sans les défauts de l’approximation. À mes yeux, le problème n’est pas, en matière de casque, d’avoir le casque le plus «précis» (ou «parfait», ou «neutre») que d’avoir celui qui procure le meilleur équilibre par rapport à ses propres goûts, dans la mesure où il s’agit de d’écouter de la musique chez soi et non de disséquer du son. Si on veut couper un steak, on peut le faire avec un bistouri laser, on peut aussi utiliser un couteau à étaler le beurre – mais ça va aussi bien avec un couteau correctement aiguisé… Bref, quant à moi, le principal est de pouvoir écouter sur la durée sans que ça m’ennuie à force de tout aplatir et sans que ça m’irrite à force de tout souligner. Or ici, ni ennui, ni frustration et j’ai écouté le Jazz Club jusqu’à minuit vendredi soir (comme tous les vendredi) avec énormément de plaisir et sans aucune fatigue auditive à la clef.
Comment qu’il est space?
Sur l’image stéréo, en utilisant mes premières impressions sont plus contrastées. L’image stéréo est nettement meilleure que celle du HD800, en particulier en hauteur, mais aussi en profondeur (en 3D) et ce, même sans tenir compte des autres avantages, dont l’ampleur apportée par l’extension très nette de la réponse dans le grave. Un morceau comme Money for nothing de Dire Straits passe nettement mieux avec l’Abyss qu’avec le HD800, qui donne plus l’impression d’avoir deux morceaux d’image audio.
Vis-à-vis de l’AMT, c’est peut-être un tout petit peu mieux côté image, tout dépend des morceaux. On a bien l’impression d’avoir une image un peu devant le visage et non dans la tête (comme c’est le cas avec à peu près tous les casques du marché), ce qui est l’essentiel car ça ne s’entend pas souvent. Mais le principal avantage est sans doute dû à l’impact dans le grave, qui donne plus d’ampleur et contribue à plus de réalisme (le début de la Symphonie 6 de Mahler donne une plus grande impression de réalité), et pas spécialement à une image mieux construite. L’AMT étant plus difficile à positionner sur la tête que l’Abyss, ce dernier est quand même un peu devant me semble-t-il (on peut jouer sur l’inclinaison du casque pour modifier un peu l’image).
Vis-à-vis du K1000, en revanche, l’image reste quand même un peu moins large à l’horizontale. Par exemple sur la première plage de l’album Altre Folia de Savall, les percussions sont situées «plus loin devant» avec le K1000 qu’avec l’Abyss. Dans l’extension générale de l’image, ça reste un peu en retrait sur ce type de morceaux qui permettent de se faire une idée très nette sur ce point (c’est mieux étagé en profondeur, d’avant en arrière).
C’est encore plus net avec un morceau de Waters tiré d’Amused to Death, par exemple Too much Rope. Ce disque propose un mixage qui embarque un trucage de la spatialisation (procédé Qsound) donnant une spatialisation «impossible» (certains sons seront localisés comme provenant de derrière la position d’écoute ou d’en dehors de l’espace entre les enceintes). Là dessus, la reproduction au casque s’avère difficile en général et ici, le K1000 fait mieux que l’Abyss – et cela reste le cas, même en changeant de branchement, et en utilisant l’Eartubes la fonction «cross feed» enclenchée).
Cela étant, ce léger retrait doit être pris pour ce qu’il est et dans le contexte d’une comparaison directe. Et sur le chapitre de l’image stéréo, dans tout ce que j’ai entendu depuis une bonne dizaine d’années (Stax, Sennheiser Unipolar et Koss ESP compris), c’est le seul casque que je rangerais quasi à égalité avec le K1000. Ceci sans compter, mais j’en reparle après, que ce sont deux types d’écoutes assez différentes et que l’Abyss présente d’autres avantages qui le font passer devant mes casques.
Quoi qu’il en soit, l’Abyss ne donnant pas son maximum avec le WA22 mais, comme je l’ai dit, avec le RKV et le Eartubes1 – et c’est ce dernier que j’ai choisi pour faire des comparaisons plus systématiques. Pour ce qui est des écoutes en liaison symétrique donc, vu ce que j’ai entendu sur ces deux derniers amplis, je parierais volontiers que des amplis comme le RKV MkIII dont la sortie est annoncée pour début 2014, ou, en beaucoup moins cher, comme le Little Dot MkVIII SE Balanced, devraient donner des résultats excellents. Et j’ajoute que, par rapport à ce que j’ai pu entendre, àmha le passage à la liaison symétrique donne avec l’Abyss le même petit plus qu’avec le HD800 (ou d’autres casques comme le HD600 ou le K701) câblé en symétrique: meilleure localisation des détails, un peu plus d’aération et élargissement net de la scène sonore
Valsez musettes et changez de partenaires
Comment qu’il claque grave!
Je n’ai pas commencé par la caractéristique la plus évidente de l’Abyss, à savoir le registre grave (je l’ai fait exprès rien que pour faire mon énervant). Mais le premier point qui frappe, en dehors de la spatialisation, avec l’Abyss, c’est qu’il rend des points à tout ce que j’ai pu entendre sur le registre grave. Sans doute l’Audeze LCD2 et le Hifiman présentent-ils des qualités sur ce point, du moins j’en garde le souvenir, mais avec à la clef d’autres caractéristiques (comme un certain manque de vie dans le haut médium aigu et un côté descendant) qu’on peut certes aimer, mais aussi regretter. Que ce soit sur la Sixième de Mahler par Boulez ou sur du King Crimson, du Pink Floyd, ou des passages tirés de Makrokosmos de Crumb, ça n’est pas seulement que ça descend bas, c’est que ça descend bas en modulant et en conservant de l’impact: ça permet de reproduire la «taille» d’une salle de concert de musique classique aussi bien qu’une ligne basse dans un concert rock. Et le tout, sans pour autant avoir ni d’effet de masque sur le médium ni de perte dans l’aigu et dans les micro détails.
Grave abyssale donc (ben oui, celle-là fallait bien la faire). Sur le Requiem pour un con de Gainsbourg comme sur Sorry Angel, en dehors du fait qu’on a (comme sur l’AMT ou le K1000) une présence très forte de la voix (ça me rappelle Gainsbourg en scène dans le milieu des années 80), c’est très net. La basse sur le Requiem (à droite) claque à peu près comme sur une paire d’enceintes avec de l’impact, là où avec mes autres casques, ça rend en descendant plus ou moins, mais sans cet effet d’impact. Même effet sur le pied de grosse caisse et la basse dans Sorry Angel. Par rapport au HD800, sur ces deux morceaux c’est évidemment l’étagement des instruments (percu, caisse claire, basse – voix bien au centre – puis guitare à gauche pour le premier). Le tout début du second morceau montre ça très clairement : on entend bien le pied grosse caisse et la caisse claire, puis la basse qui est bien devant, et non «dedans». Même chose avec Fat Old Sun et grosse impression d’ampleur, d’assise et de masse sonore.
Contrairement aux idées reçus, ça n’est pas, pour moi, le K1000 qui est le plus à la traîne de ce point de vue. Ça serait plutôt le HD800, qui triche en en rajoutant dans le haut grave, là où l’AKG n’essaie pas et se contente de manquer d’impact, mais détache mieux les différents instruments les uns des autres. Les casques qui en rajoutent dans ce registre peuvent être plaisants en donnant une impression d’ampleur, mais ça n’est pas pour autant qu’ils descendent plus bas – et souvent, ça produit un effet de masque, sans pour autant donner un grave plus distinct et bien modulé. À tout prendre je préfère le K1000, qui ne triche pas de ce côté là (ça reste «lisible») en proposant sur tout le reste une écoute que mon goût perçoit comme aérée, fluide, précise et sans aucune dureté… Du coup, ça n’est pas tant la qualité du grave de l’Abyss qui me frappe que le fait que le reste du signal demeure propre et sans perte de détails, en particulier dans le haut médium et l’aigu, ainsi que sur les sons les plus faibles.
Comment qu’il ventile côté aération?
Côté transparence et détails, une idée me vient après avoir réécouté High Hopes dans la version en concert par Gilmour (pour entendre ce que ça donne au point de vue ampleur): réécouter le même morceau dans la version remasterisée plus récente. Et effectivement, on entend très distinctement le «Hello! Charlie» suivi du cliquetis de téléphone à la toute fin de la plage. Évidemment, on doit pouvoir entendre ça avec un casque correctement construit, mais il y a entendre et entendre. On peut l’entendre distinctement mais à très faible volume, ou on peut l’entendre moins bien et plus confusément. La différence entre distinct mais faible et confus (et fable), c’est en gros, la différence entre d’un côté des casques comme les AT, les Grado, les Stax, certains Sony et bien sûr le K1000, et d’un autre côté, la plupart des Senn (600, 650), des Beyer, des AKG comme le 701, et aussi de l’AMT (et des Ergo 1 et 2). Ça peut être plus ou moins marqué, mais pour moi, ça s’entend. On peut d’ailleurs obtenir des progrès sur ce chapitre quand on branche un casque en symétrique (ce que je peux entendre sur les HD600 et 650 et sur le K701 câblés en symétrique que je possède).
Autre manière de revérifier ce point, des morceaux comme ceux de Crumb (Makrokosmos ou encore, mais là, pour les âmes sensibles, prière de s’abstenir, Black Angels) ou ceux de Savall contiennent suffisamment d’extinctions de notes pour faire l’essai: on doit entendre non seulement la note s’estomper distinctement jusqu’au bout, mais aussi en entendre les modulations). Ça n’a l’air de rien, d’un petit détail, d’ailleurs c’est le cas – mais mine de rien ça donne un effet d’aération et de réalisme qui permet «d’oublier qu’on écoute au casque» et de se rapprocher d’une écoute sur enceintes. Sur ce point, je dois dire que j’étais un poil sceptique face à l’Abyss, car les ortho que j’ai pu entendre jusqu’à maintenant (AMT compris) ont tendance à effacer ce type de détail – voire, dans certains cas, à chuter en réponse dans l’aigu, ce qui n’arrange rien. Du coup, j’ai réécouté la fin de la plage 1 d’Altre Folia et si l’on entend très distinctement la petite extinction de notes qui dure. C’est aussi net et précis qu’avec le K1000 et beaucoup plus qu’avec aucun autre casque. On a ici peut-être, si je peux me fier à mes souvenirs, le meilleur de ce dont Grado, ou AT ou Sony, sont capables dans ce registre de l’écoute – avec plus de matière dans le médium, je le rappelle.
Et au milieu, est-ce que la rivière coule?
J’en ai déjà parlé sur la première comparaison, le médium est extrêmement bien réussi pour mon goût: c’est très présent, sans aucune projection ni dureté dans le haut médium. Avec en plus la capacité à bien localiser chaque son et chaque instrument, à les séparer les uns des autres. C’est peut-être avec Jojo de Brel que c’est le plus spectaculaire: d’abord la guitare à gauche, puis la voix au milieu, puis la seconde guitare au milieu, derrière la voix, tout y est bien détaché et bien en place, comme avec le K1000 ou avec l’AMT. Pour me rendre compte de ce point, je n’ai pas besoin de chercher midi à quatorze ni de réinventer la pendule à treize coups: il me suffit d’écouter sur la durée, par ex l’émission Le Bleu La Nuit sur France Musique le Samedi soir (ça fait coucher tard mais comme le lendemain je ne vais pas à la messe…). Si un casque en fait trop dans le haut médium, s’il scintille, présente des sibilances (je ne donnerai pas de nom de marques car chacun a les siennes qui sont relatives à sa propre sensibilité en la matière), il me fatiguera vite et j’aurai envie d’en changer. Mettons les morceaux Money et Time du Pink Floyd: on a envie de les écouter à niveau confortable, mais pas forcément pour autant se faire déchirer les oreilles sous prétexte de précision. Si au contraire, il efface trop les détails et si, en particulier, il manque de vie dans le haut médium et dans l’aigu sous prétexte de neutralité (même remarque), il m’ennuiera vite et j’aurai aussi envie d’en changer. Le bon casque, pour moi, c’est celui qui me permet d’écouter du jazz jusqu’à une heure du matin (ou minuit le vendredi), sans rien regretter… Et là, c’est le cas. Mais il y a peut-être un petit trucage ou une certaine signature particulière à la clef.
Car, si l’Abyss présente bien une excellente image stéréo, plus d’ampleur dans le grave, un superbe médium et beaucoup de précision, de détail, etc., C’est en s’accompagnant d’un petit effet de matité dans le haut médium. Si je reprend la chanson Jojo de Brel, les notes de la seconde guitare sonnent un peu plus «feutré» qu’avec le K1000 tout en restant nettement plus transparent et précis qu’avec l’AMT (comme il m’arrive de triturer un peu de prise de son et de bricoler avec ma guitare jazz, j’ai refait la comparaison avec un ou deux fichiers personnels: il manque un tout petit peu de poids pour reproduire exactement ce que j’entends avec une guitare manouche). Et le tout avec un médium aussi plaisant dans les trois cas: je dirais avec autant de matière que celui de l’AMT, peut-être un poil moins aéré qu’avec le K1000, mais ça se joue à trois fois rien. Dans la sixième de Mahler, même chose, tout est bien en place et l’effet de masse orchestrale est très réussi, mais je retrouve cette petite impression d’un médium aigu un peu estompé, sans pourtant que ça nuise au détail et à la précision. C’est un peu comme sur l’AMT, mais en beaucoup moins prononcé. Ça donne le même effet en passant directement de l’Abyss au HD800 (et évidemment, si je rebranche mon Grado 325, on est aux antipodes). Autrement dit cette petite matité, avec l’image, l’impact dans le grave et la richesse du medium représentent à mon goût les éléments de la signature de ce casque.
Cette petite matité très localisée qui me semble propre à l’Abyss me fait penser à des casques qui «sonnent un peu comme ça»: l’AMT, je l’ai dit, mais aussi mon vieux Koss ES8 (il est certes en panne, mais je m’en souviens tout de même), un Sennheiser Unipolar, et aussi les Stax que j’ai pu entendre. Vis-à-vis de ces derniers, je n’ai évidemment pas fait de comparaison directe, mais des souvenirs que je garde des modèles 007 et 009 essayés en magasin (à Paris), je pense que l’Abyss donne une meilleure image car je n’avais pas été frappé de ce côté-là. D’autre part, il y a plus de vie dans le haut médium/aigu (j’avoue franchement qu’avec les Stax, selon le modèle et la gamme de prix, soit je trouve que le haut médium manque de fluidité et de douceur voire projette et provoque des duretés, soit je m’ennuie rapidement à cause d’un côté monotone et d’un manque de peps).
C’est cette petite particularité et le petit retrait sur l’image qui fait une différence avec mon casque préféré, c’est-à-dire le K1000. Mais tout ici est une question de goût et ceux qui trouveront le K1000 trop âpre préfèreront ce type de restitution, là où, pour ma part, je trouve que ça nuie à l’aération générale. Ça n’empêche pas que l’Abyss soit nettement meilleur globalement que mon K1000, car l’impact dans le grave compense très largement le très léger retrait sur l’image et sur l’aération générale ainsi que la petite matité dans le haut médium (laquelle pourrait peut-être se compenser en changeant de tubes, soit dit en passant). Les qualités ajoutées les unes aux autres, si on arrête de couper les cheveux en quatre, procurent une écoute qui, prise dans son ensemble, est nettement supérieure à mon goût à tout ce que j’ai pu entendre jusqu’à maintenant et à laquelle il n’y a rien à redire. Aucune fatigue auditive, aucune lassitude et une impression de stéréo «comme avec des enceintes».
Cdlt
http://www.homecinema-fr.com/forum/post ... p177900249
Vous trouverez les quelques info disponibles sur ce casque sur différents sites:
http://www.homecinema-fr.com/forum/post ... p177831334
http://www.head-fi.org/t/666765/the-jps ... ons-thread
http://www.innerfidelity.com/content/jp ... headphones
http://www.hifiplus.com/articles/first- ... es/?page=2
http://www.abyss-headphones.com/
Le site de l'importateur: http://www.alteraudio.fr/ - ne comporte pour l'instant aucune information.
Écoutes abyssales: ceci n’est PAS un test…
Pierre Paya, que certains connaissent ici, m’ayant proposé d’essayer à domicile l’Abyss de JPS Lab, j’ai évidemment cédé à la tentation: comment faire autrement? – Non sans avoir bien précisé par avance que je pourrais en aucun cas en faire l’acquisition (il coûte 6000€ sans compter le tarif de l'ampli qu'il faudra lui adjoindre), mes modestes moyens étant ce qu’ils sont, et que ce que j’en dirai ne fera que refléter mes impressions subjectives, lesquelles sont à la fois relatives à mes propres goûts et au type de matériel que j’emploie dans la vie courante. Ces deux points étant susceptibles d’être mal compris, voire de faire polémique, j’en rends compte vers la fin du CR.
Pour alors, cet Abyss est-ce qu’il est vraiment si tant excellent que ça? – du calme, ça vient
Tiens, je vais commencer par t’annoncer le «résultat des courses», quoi que ça ne soit pas très important et que ça n’ait guère de sens, ça te fera peut-être patienter ami lecteur qui apprécie les compétitions olympiques. L’Abyss est très très loin devant le HD800, très loin devant l’AMT. Vis-à-vis du K1000, à une ou deux petites restrictions près, il est au même niveau sur presque tous mes critères de préférence et loin devant sur pas mal d’autres et, si on prend l’écoute dans l’ensemble, tout bien compris avantages et inconvénients, il passe devant sans problème. Pour ma part, je n’ai donc pas d’hésitation: c’est une écoute de très très haut niveau et, si je peux me fier à mes souvenirs (par ex. vis-à-vis du Jecklin Float, ou de l’Orpheus que j’avais pu entendre en démo à Lille au début des années 90), on se situe tout en haut de l’échelle.
Il est construit comme un panzer qui offrirait le confort d’une paire de charentaises
Tout d’abord sur son confort. Ça a déjà été dit plusieurs fois, contrairement à ce que l’image peut faire croire, c’est un casque très confortable, dont les pads à orientation et clipsage magnétique rendent très facile l’obtention de la meilleure position; il faut juste prendre soin de jouer sur la position de l’arceau pour adapter la direction de l’arrière des pads et jouer sur l’image obtenue. Son poids n’est pas du tout sensible (pour mémoire, j’ai encore un Koss ESP8 qui pesait 780g et qui était bien plus pénible à porter) et il ne bouge quasiment pas une fois mis en place. Sa structure d’arceau rigide est semblable à celle du K1000 et seuls ceux qui ont du mal avec les bandeaux cuir pourront peut-être lui faire des reproches.Après cela, évidemment, on ne peut pas «oublier» qu’on porte un casque autant qu’avec un K1000 ou une paire d’intra moulés sur mesure, mais ça reste beaucoup moins inconfortable qu’un grand nombre d’autres casques (qui tantôt exercent une forte pression d’arceau, tantôt comme les supra-oraux irritent le pavillon de l’oreille, tantôt sont munis de pads en matière allergène spécialement conçues pour donner de l’eczéma en moins de 30 mn).
Les jeux de câbles fournis sont: une paire de câbles principaux: miniXLR/XLR 3 points pour un branchement symétrique sur deux prises XLR en façade d’ampli casque. Y sont ajoutés: un adaptateur 2XLR 3 points vers 1 XLR 4 points et 2XLR 3 points vers un jack assymétrique. On pourra donc brancher ce casque sur n’importe quel ampli casque et la longueur des câbles principaux est suffisante pour ne pas avoir besoin de se coller la tête dans le meuble où on range son ampli casque. Dans l’absolu, on pourrait regretter de n’avoir pas tout simplement 3 jeux des câbles avec les trois terminaisons 2XLR 3 points; 1XLR 4 points et 1 jack assymétrique au lieu d’avoir des adaptateurs (le poids des 2XLR mâles et des 2XLR femelles pèse sur le jack comme sur la XLR 4 points! On peut aussi regretter que la paire de câbles principaux ne disposent pas de clips mobile permettant de les solidariser pour éviter que ça traîne trop (ou alors ils existent mais je ne les ai pas trouvés). L’ensemble est aussi vendu avec un support pour casque.
Aucune surprise non plus côté technique, c’est un casque à faible sensibilité (impédance annoncée comme faible, mais je ne sais pas si elle est ou non régulière) et il lui faut un ampli puissant. De ce point de vue, le WA22 n’est pas l’ampli idéal à lui accoupler si on est amateur d’écoute à fort niveau (ce qui n’est pas mon cas): on n’obtiendra qu’une écoute à niveau modéré ou faible. Vu les résultats obtenus avec mon Eartubes et avec mon RKV, c’est àmha de ce côté là qu’il faut creuser. L’idéal serait sans doute soit la version mk2 de l’Eartubes (qui est fait pour les casques à basse impédance), soit un RKV mkIII utilisé en mode OTL et en branchement symétriques (évidemment la version mkII avec un impédanceur pour s’adapter l’impédance basse de l’Abyss peut s’envisager, mais sans branchement symétrique)…
De toutes façons, à ce niveau là, vu le prix et le profil probable de l’acheteur potentiel, il est évident que le but sera de déterminer les éléments d’un ensemble «sans concession» — et non pas de rechercher la meilleure écoute au meilleur rapport qualité/prix. Autrement dit, la discussion sera infinie et impossible à conclure par voie de démonstration géométrique sur une vérité apodictique… Chacun verra midi à sa porte en fonction de sa propre position par rapport au soleil et du type de montre qu’il emploie.
C’est pas le tout, mais sur quoi je le branche le bidule?
Comme il n’est pas question de le brancher via le sélecteur du K1000 ou via celui de l’AMT ni à l’Audio-Innovation ni aux Denon POA-S10, j’ai dédoublé les essais en deux séries :
a) d’abord en liaison symétrique en écoute à volume modéré et uniquement sur le WA22 pour comparer l’Abyss, le K1000 et le HD800 (et dans une moindre mesure l’AMT)
b) puis, plus systématiquement, l’Abyss en liaison assymétrique sur le EarTubes1 qui lui convient admirablement (mon RKV “0” aussi, mais avec un tout petit manque de transparence dans l’aigu sur les petits détails comme les extinctions de notes qui m’a fait l’éliminer car le défaut est probablement à attribuer soit au montage, soit au tubage, soit à quelque chose qui n’est pas lié au casque mais à mon ampli), comparé au K1000 (sur Audio Innovation), au Sennheiser sur HD800 sur WA22 et à l’AMT sur mes POA-S10.
Il faut donc garder à l’esprit que mes impressions sont liées d’une part à mes propres goûts en matière d’écoute (je préfère un casque coloré qui me donne du plaisir à l’écoute à un casque neutre qui me donne un sentiment d’emmerderie prolongée), d’autre part au matériel dont je dispose et qui n’est pas prévu pour ce casque mais (au contraire) pour d’autres casques. Sans compter que j’ai optimisé mes trois systèmes habituels et, en particulier, celui que j’utilise pour le K1000 et celui que j’utilise pour le HD800. La première série d’écoute, en symétrique, doit être considérée comme peu significative vis-à-vis de ce qu’on obtiendrait avec un ampli casque choisi pour l’Abyss et (peut-être même exclusivement) pour lui…
Commençons par un truc simple, histoire de se dégourdir les oreilles
Je laisse de côté les impressions détaillées, j’y reviendrai. J’ai commencé par écouter un peu de tout, un peu au hasard sur le couple Abyss/WA22 en symétrique (après avoir enclenché l’option «random» sur ma liste de morceaux tests créée sous itunes et zapette à la main), histoire de chercher la meilleure position pour le port de ce casque et d’avoir une petite idée par rapport à ce que j’entends d’habitude et en faisant quelques comparaisons uniquement sur le WA22.
Comment qu’il cause!
Sur les voix (Jojo, Nougaro), sur les cordes des violons (Chosta, Dvorak), c’est frappant de présence et en même temps de douceur: à la première écoute, ça fait penser aux qualités que j’entends d’habitude avec le HD800 ou l’AMT, mais à la comparaison directe, c’est très cruel de repasser de l’Abyss au Senn ou à l’Ergo, ou inversement. Beaucoup plus de transparence et de précision et beaucoup plus de matière avec l’Abyss qu’avec le Senn et plus de transparence qu’avec l’AMT, qui reste moins détaillé dans l’aigu.
Certains enregistrements par ex. anciens (la voix de Brel, celle de Gréco) ou destinés à produire des effets (certains morceaux de musique contemporaine comme Crumb) proposent des passages qui peuvent irriter les oreilles (des sifflantes accentuées, des duretés dans le médium etc.). Certains casques permettent d’arrondir les angles (HD800, AMT), d’autres au contraire ne «pardonnent» rien (K1000, Grado) et il faut souvent choisir entre une écoute d’un sensualisme libertin et une écoute d’une rigueur toute janséniste… Ici, de ce point de vue, je trouve qu’on n’a pas besoin de choisir. On peut profiter d’une très grande précision sans avoir besoin de s’infliger les douleurs de la perfection en même temps que d’une large satisfaction, sans les défauts de l’approximation. À mes yeux, le problème n’est pas, en matière de casque, d’avoir le casque le plus «précis» (ou «parfait», ou «neutre») que d’avoir celui qui procure le meilleur équilibre par rapport à ses propres goûts, dans la mesure où il s’agit de d’écouter de la musique chez soi et non de disséquer du son. Si on veut couper un steak, on peut le faire avec un bistouri laser, on peut aussi utiliser un couteau à étaler le beurre – mais ça va aussi bien avec un couteau correctement aiguisé… Bref, quant à moi, le principal est de pouvoir écouter sur la durée sans que ça m’ennuie à force de tout aplatir et sans que ça m’irrite à force de tout souligner. Or ici, ni ennui, ni frustration et j’ai écouté le Jazz Club jusqu’à minuit vendredi soir (comme tous les vendredi) avec énormément de plaisir et sans aucune fatigue auditive à la clef.
Comment qu’il est space?
Sur l’image stéréo, en utilisant mes premières impressions sont plus contrastées. L’image stéréo est nettement meilleure que celle du HD800, en particulier en hauteur, mais aussi en profondeur (en 3D) et ce, même sans tenir compte des autres avantages, dont l’ampleur apportée par l’extension très nette de la réponse dans le grave. Un morceau comme Money for nothing de Dire Straits passe nettement mieux avec l’Abyss qu’avec le HD800, qui donne plus l’impression d’avoir deux morceaux d’image audio.
Vis-à-vis de l’AMT, c’est peut-être un tout petit peu mieux côté image, tout dépend des morceaux. On a bien l’impression d’avoir une image un peu devant le visage et non dans la tête (comme c’est le cas avec à peu près tous les casques du marché), ce qui est l’essentiel car ça ne s’entend pas souvent. Mais le principal avantage est sans doute dû à l’impact dans le grave, qui donne plus d’ampleur et contribue à plus de réalisme (le début de la Symphonie 6 de Mahler donne une plus grande impression de réalité), et pas spécialement à une image mieux construite. L’AMT étant plus difficile à positionner sur la tête que l’Abyss, ce dernier est quand même un peu devant me semble-t-il (on peut jouer sur l’inclinaison du casque pour modifier un peu l’image).
Vis-à-vis du K1000, en revanche, l’image reste quand même un peu moins large à l’horizontale. Par exemple sur la première plage de l’album Altre Folia de Savall, les percussions sont situées «plus loin devant» avec le K1000 qu’avec l’Abyss. Dans l’extension générale de l’image, ça reste un peu en retrait sur ce type de morceaux qui permettent de se faire une idée très nette sur ce point (c’est mieux étagé en profondeur, d’avant en arrière).
C’est encore plus net avec un morceau de Waters tiré d’Amused to Death, par exemple Too much Rope. Ce disque propose un mixage qui embarque un trucage de la spatialisation (procédé Qsound) donnant une spatialisation «impossible» (certains sons seront localisés comme provenant de derrière la position d’écoute ou d’en dehors de l’espace entre les enceintes). Là dessus, la reproduction au casque s’avère difficile en général et ici, le K1000 fait mieux que l’Abyss – et cela reste le cas, même en changeant de branchement, et en utilisant l’Eartubes la fonction «cross feed» enclenchée).
Cela étant, ce léger retrait doit être pris pour ce qu’il est et dans le contexte d’une comparaison directe. Et sur le chapitre de l’image stéréo, dans tout ce que j’ai entendu depuis une bonne dizaine d’années (Stax, Sennheiser Unipolar et Koss ESP compris), c’est le seul casque que je rangerais quasi à égalité avec le K1000. Ceci sans compter, mais j’en reparle après, que ce sont deux types d’écoutes assez différentes et que l’Abyss présente d’autres avantages qui le font passer devant mes casques.
Quoi qu’il en soit, l’Abyss ne donnant pas son maximum avec le WA22 mais, comme je l’ai dit, avec le RKV et le Eartubes1 – et c’est ce dernier que j’ai choisi pour faire des comparaisons plus systématiques. Pour ce qui est des écoutes en liaison symétrique donc, vu ce que j’ai entendu sur ces deux derniers amplis, je parierais volontiers que des amplis comme le RKV MkIII dont la sortie est annoncée pour début 2014, ou, en beaucoup moins cher, comme le Little Dot MkVIII SE Balanced, devraient donner des résultats excellents. Et j’ajoute que, par rapport à ce que j’ai pu entendre, àmha le passage à la liaison symétrique donne avec l’Abyss le même petit plus qu’avec le HD800 (ou d’autres casques comme le HD600 ou le K701) câblé en symétrique: meilleure localisation des détails, un peu plus d’aération et élargissement net de la scène sonore
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Comment qu’il claque grave!
Je n’ai pas commencé par la caractéristique la plus évidente de l’Abyss, à savoir le registre grave (je l’ai fait exprès rien que pour faire mon énervant). Mais le premier point qui frappe, en dehors de la spatialisation, avec l’Abyss, c’est qu’il rend des points à tout ce que j’ai pu entendre sur le registre grave. Sans doute l’Audeze LCD2 et le Hifiman présentent-ils des qualités sur ce point, du moins j’en garde le souvenir, mais avec à la clef d’autres caractéristiques (comme un certain manque de vie dans le haut médium aigu et un côté descendant) qu’on peut certes aimer, mais aussi regretter. Que ce soit sur la Sixième de Mahler par Boulez ou sur du King Crimson, du Pink Floyd, ou des passages tirés de Makrokosmos de Crumb, ça n’est pas seulement que ça descend bas, c’est que ça descend bas en modulant et en conservant de l’impact: ça permet de reproduire la «taille» d’une salle de concert de musique classique aussi bien qu’une ligne basse dans un concert rock. Et le tout, sans pour autant avoir ni d’effet de masque sur le médium ni de perte dans l’aigu et dans les micro détails.
Grave abyssale donc (ben oui, celle-là fallait bien la faire). Sur le Requiem pour un con de Gainsbourg comme sur Sorry Angel, en dehors du fait qu’on a (comme sur l’AMT ou le K1000) une présence très forte de la voix (ça me rappelle Gainsbourg en scène dans le milieu des années 80), c’est très net. La basse sur le Requiem (à droite) claque à peu près comme sur une paire d’enceintes avec de l’impact, là où avec mes autres casques, ça rend en descendant plus ou moins, mais sans cet effet d’impact. Même effet sur le pied de grosse caisse et la basse dans Sorry Angel. Par rapport au HD800, sur ces deux morceaux c’est évidemment l’étagement des instruments (percu, caisse claire, basse – voix bien au centre – puis guitare à gauche pour le premier). Le tout début du second morceau montre ça très clairement : on entend bien le pied grosse caisse et la caisse claire, puis la basse qui est bien devant, et non «dedans». Même chose avec Fat Old Sun et grosse impression d’ampleur, d’assise et de masse sonore.
Contrairement aux idées reçus, ça n’est pas, pour moi, le K1000 qui est le plus à la traîne de ce point de vue. Ça serait plutôt le HD800, qui triche en en rajoutant dans le haut grave, là où l’AKG n’essaie pas et se contente de manquer d’impact, mais détache mieux les différents instruments les uns des autres. Les casques qui en rajoutent dans ce registre peuvent être plaisants en donnant une impression d’ampleur, mais ça n’est pas pour autant qu’ils descendent plus bas – et souvent, ça produit un effet de masque, sans pour autant donner un grave plus distinct et bien modulé. À tout prendre je préfère le K1000, qui ne triche pas de ce côté là (ça reste «lisible») en proposant sur tout le reste une écoute que mon goût perçoit comme aérée, fluide, précise et sans aucune dureté… Du coup, ça n’est pas tant la qualité du grave de l’Abyss qui me frappe que le fait que le reste du signal demeure propre et sans perte de détails, en particulier dans le haut médium et l’aigu, ainsi que sur les sons les plus faibles.
Comment qu’il ventile côté aération?
Côté transparence et détails, une idée me vient après avoir réécouté High Hopes dans la version en concert par Gilmour (pour entendre ce que ça donne au point de vue ampleur): réécouter le même morceau dans la version remasterisée plus récente. Et effectivement, on entend très distinctement le «Hello! Charlie» suivi du cliquetis de téléphone à la toute fin de la plage. Évidemment, on doit pouvoir entendre ça avec un casque correctement construit, mais il y a entendre et entendre. On peut l’entendre distinctement mais à très faible volume, ou on peut l’entendre moins bien et plus confusément. La différence entre distinct mais faible et confus (et fable), c’est en gros, la différence entre d’un côté des casques comme les AT, les Grado, les Stax, certains Sony et bien sûr le K1000, et d’un autre côté, la plupart des Senn (600, 650), des Beyer, des AKG comme le 701, et aussi de l’AMT (et des Ergo 1 et 2). Ça peut être plus ou moins marqué, mais pour moi, ça s’entend. On peut d’ailleurs obtenir des progrès sur ce chapitre quand on branche un casque en symétrique (ce que je peux entendre sur les HD600 et 650 et sur le K701 câblés en symétrique que je possède).
Autre manière de revérifier ce point, des morceaux comme ceux de Crumb (Makrokosmos ou encore, mais là, pour les âmes sensibles, prière de s’abstenir, Black Angels) ou ceux de Savall contiennent suffisamment d’extinctions de notes pour faire l’essai: on doit entendre non seulement la note s’estomper distinctement jusqu’au bout, mais aussi en entendre les modulations). Ça n’a l’air de rien, d’un petit détail, d’ailleurs c’est le cas – mais mine de rien ça donne un effet d’aération et de réalisme qui permet «d’oublier qu’on écoute au casque» et de se rapprocher d’une écoute sur enceintes. Sur ce point, je dois dire que j’étais un poil sceptique face à l’Abyss, car les ortho que j’ai pu entendre jusqu’à maintenant (AMT compris) ont tendance à effacer ce type de détail – voire, dans certains cas, à chuter en réponse dans l’aigu, ce qui n’arrange rien. Du coup, j’ai réécouté la fin de la plage 1 d’Altre Folia et si l’on entend très distinctement la petite extinction de notes qui dure. C’est aussi net et précis qu’avec le K1000 et beaucoup plus qu’avec aucun autre casque. On a ici peut-être, si je peux me fier à mes souvenirs, le meilleur de ce dont Grado, ou AT ou Sony, sont capables dans ce registre de l’écoute – avec plus de matière dans le médium, je le rappelle.
Et au milieu, est-ce que la rivière coule?
J’en ai déjà parlé sur la première comparaison, le médium est extrêmement bien réussi pour mon goût: c’est très présent, sans aucune projection ni dureté dans le haut médium. Avec en plus la capacité à bien localiser chaque son et chaque instrument, à les séparer les uns des autres. C’est peut-être avec Jojo de Brel que c’est le plus spectaculaire: d’abord la guitare à gauche, puis la voix au milieu, puis la seconde guitare au milieu, derrière la voix, tout y est bien détaché et bien en place, comme avec le K1000 ou avec l’AMT. Pour me rendre compte de ce point, je n’ai pas besoin de chercher midi à quatorze ni de réinventer la pendule à treize coups: il me suffit d’écouter sur la durée, par ex l’émission Le Bleu La Nuit sur France Musique le Samedi soir (ça fait coucher tard mais comme le lendemain je ne vais pas à la messe…). Si un casque en fait trop dans le haut médium, s’il scintille, présente des sibilances (je ne donnerai pas de nom de marques car chacun a les siennes qui sont relatives à sa propre sensibilité en la matière), il me fatiguera vite et j’aurai envie d’en changer. Mettons les morceaux Money et Time du Pink Floyd: on a envie de les écouter à niveau confortable, mais pas forcément pour autant se faire déchirer les oreilles sous prétexte de précision. Si au contraire, il efface trop les détails et si, en particulier, il manque de vie dans le haut médium et dans l’aigu sous prétexte de neutralité (même remarque), il m’ennuiera vite et j’aurai aussi envie d’en changer. Le bon casque, pour moi, c’est celui qui me permet d’écouter du jazz jusqu’à une heure du matin (ou minuit le vendredi), sans rien regretter… Et là, c’est le cas. Mais il y a peut-être un petit trucage ou une certaine signature particulière à la clef.
Car, si l’Abyss présente bien une excellente image stéréo, plus d’ampleur dans le grave, un superbe médium et beaucoup de précision, de détail, etc., C’est en s’accompagnant d’un petit effet de matité dans le haut médium. Si je reprend la chanson Jojo de Brel, les notes de la seconde guitare sonnent un peu plus «feutré» qu’avec le K1000 tout en restant nettement plus transparent et précis qu’avec l’AMT (comme il m’arrive de triturer un peu de prise de son et de bricoler avec ma guitare jazz, j’ai refait la comparaison avec un ou deux fichiers personnels: il manque un tout petit peu de poids pour reproduire exactement ce que j’entends avec une guitare manouche). Et le tout avec un médium aussi plaisant dans les trois cas: je dirais avec autant de matière que celui de l’AMT, peut-être un poil moins aéré qu’avec le K1000, mais ça se joue à trois fois rien. Dans la sixième de Mahler, même chose, tout est bien en place et l’effet de masse orchestrale est très réussi, mais je retrouve cette petite impression d’un médium aigu un peu estompé, sans pourtant que ça nuise au détail et à la précision. C’est un peu comme sur l’AMT, mais en beaucoup moins prononcé. Ça donne le même effet en passant directement de l’Abyss au HD800 (et évidemment, si je rebranche mon Grado 325, on est aux antipodes). Autrement dit cette petite matité, avec l’image, l’impact dans le grave et la richesse du medium représentent à mon goût les éléments de la signature de ce casque.
Cette petite matité très localisée qui me semble propre à l’Abyss me fait penser à des casques qui «sonnent un peu comme ça»: l’AMT, je l’ai dit, mais aussi mon vieux Koss ES8 (il est certes en panne, mais je m’en souviens tout de même), un Sennheiser Unipolar, et aussi les Stax que j’ai pu entendre. Vis-à-vis de ces derniers, je n’ai évidemment pas fait de comparaison directe, mais des souvenirs que je garde des modèles 007 et 009 essayés en magasin (à Paris), je pense que l’Abyss donne une meilleure image car je n’avais pas été frappé de ce côté-là. D’autre part, il y a plus de vie dans le haut médium/aigu (j’avoue franchement qu’avec les Stax, selon le modèle et la gamme de prix, soit je trouve que le haut médium manque de fluidité et de douceur voire projette et provoque des duretés, soit je m’ennuie rapidement à cause d’un côté monotone et d’un manque de peps).
C’est cette petite particularité et le petit retrait sur l’image qui fait une différence avec mon casque préféré, c’est-à-dire le K1000. Mais tout ici est une question de goût et ceux qui trouveront le K1000 trop âpre préfèreront ce type de restitution, là où, pour ma part, je trouve que ça nuie à l’aération générale. Ça n’empêche pas que l’Abyss soit nettement meilleur globalement que mon K1000, car l’impact dans le grave compense très largement le très léger retrait sur l’image et sur l’aération générale ainsi que la petite matité dans le haut médium (laquelle pourrait peut-être se compenser en changeant de tubes, soit dit en passant). Les qualités ajoutées les unes aux autres, si on arrête de couper les cheveux en quatre, procurent une écoute qui, prise dans son ensemble, est nettement supérieure à mon goût à tout ce que j’ai pu entendre jusqu’à maintenant et à laquelle il n’y a rien à redire. Aucune fatigue auditive, aucune lassitude et une impression de stéréo «comme avec des enceintes».
Cdlt