Ces braves gendarmes de 1940...
IDA GRINSPAN est juive. Elle a été arrêtée en 1944, à 14 ans, et envoyée à Auschwitz. Le 29 avril dernier, pour la Journée nationale de la déportation, une prof des Deux-Sèvres lui demande d’écrire un texte à lire à ses élèves. Elle accepte volontiers, Ida. Depuis son retour de camp, elle ne cesse de courir les écoles pour raconter son expérience. Elle en a même fait un livre -
J’ai pas pleuré - avec
Poirot-Delpech.
Alors elle écrit son petit mot : «
Le 31 janvier 1944, j’ai été arrêtée par trois gendarmes... » L’ancienne déportée ne rentre pas dans le détail de son arrestation. Elle n’évoque pas la phrase prononcée par les pandores à sa nourrice : « On vient arrêter la petite Juive qui vit chez vous. » Ni le sourire d’un officier allemand de Niort qui lui a répondu en souriant qu’il ne pouvait s’opposer à une arrestation opérée par les Français.
Pourtant, lorsque
Michel Birault, adjoint au maire de Parthenay «
chargé des relations avec les associations patriotiques », valide le texte, il tique. Le mot «
gendarme » le dérange. Ancien pandore lui-même, il propose que ce terme trop cru soit remplacé par «
homme ». «
J’ai été arrêté par trois hommes... » C’est vrai que cela sonne mieux... Et ça épargne ce beau symbole de la force publique.
La mort dans l’âme, la prof s’exécute. Birault passe alors le texte à
Xavier Argenton, son maire. Qui balance le témoignage au panier. «
Ne stigmatisons pas une catégorie professionnelle qui, dans ces temps troubles, avait obéi aux ordres de l’autorité légitime », clame l’élu du
Nouveau Centre. Avant d’interdire tout bonnement la lecture aux élèves.
Tollé. La prof, socialiste, crie à la censure. La presse locale s’en empare, obligeant le maire à une retraite prudente. «
Il s’agit là d’une maladresse, d’une erreur d'appréciation », soupire aujourd’hui Argenton. Il s’excuse auprès de la dame, se dit «
effondré devant l’ampleur prise par les événements », taclant au passage «
la vindicte populaire ». La faute aux médias, en fait. Qui n’ont d’ailleurs pas forcément relevé la deuxième partie de la phrase sur «
l’autorité légitime » de Vichy.
Encore une maladresse ?
Une autre erreur d’appréciation?
Sorg Chalandon