Avec plus d'une semaine de retard, voici enfin le compte-rendu promis.
J'ai été assez occupé, donc je n'ai pu résumer mes impressions que maintenant. D'autre part, je n'ai pas pu rester très longtemps chez la personne qui m'a accueilli, en raison d'impératifs divers. Ca sera donc assez concis et synthétique, même si j'aurais aimé les essayer plus longtemps, et sur des genres musicaux plus variés.
Cependant, j'ai également eu l'occasion d'écouter un Alessandro MS-Pro. Et on va donc commencer par celui-ci.
Je rappelle que je suis loin d'avoir l'expertise technique de certains membres notables, bien que j'ai pu écouter un bon nombre de casques il y a quelques années de ça. Mais je vais essayer de faire au mieux.
La source / amplification utilisée pour tous les essais est un Audio-GD NFB-27. J'ai également apporté mon iBasso D12 pour comparer avec une source nomade d'entrée de gamme.
Alessandro MS-Pro
Celui-là, c'est clairement un gros coup de cœur.
C'est un peu comme si les timbres étaient recouverts d'une légère couche de sirop sucré. Sans que cela ne rajoute une quelconque impression de son voilé, bien au contraire. Les voix sont texturées, enivrantes et les aigus filent de manière douce et naturelle, un peu comme l'écoulement d'une rivière. Les guitares sonnent de manière flamboyante, et ont une tension dont l'oreille ne parvient pas à se détacher. C'est vraiment du très bon. Je pense ceci dit qu'il s'en sortirait encore mieux avec un ampli à lampes.
Cousin de Grado oblige, on a également un son très énergique, capable de grande rapidité et de suivre le rythme du batteur le plus énervé. Cela reste toujours diablement bien tenu, comme un cavalier expert qui parvient à garder les rennes de son mustang fougueux. Évidemment, le casque a également les défauts de ses qualités, car les morceaux plus calmes donnent l'impression de vouloir aller plus vite que la musique. Notamment les batteries qui sonnent trop sec sur le jazz ou la folk typée vers la restitution des voix féminines.
La scène sonore est également assez étriquée. Il ne faudra pas trop compter sur ce casque pour restituer toute l'ampleur d'un orchestre symphonique. Mais les instruments ont une très bonne séparation.
Alors oui, c'est un casque qui est très loin d'être neutre, mais pour ceux qui apprécient ce type de son, le potentiel "eargasmique" est vraiment de tout premier ordre. Je pense que c'est un casque parfait pour la restitution de la musique, comme on se l'imaginait dans les années 70. Règne de l'analogique, guitares saturées, envolées lyriques des chanteurs aux hormones hypertrophiées, etc...
Et dire qu'il paraît que ce casque est une bonne alternative pour ceux qui trouvent que le Grado RS1 est trop typé et agressif. Bigre... je serais bien curieux d'entendre ça.
Dommage que le confort ne soit pas vraiment au rendez-vous. On ressent très vite une irritation assez gênante, et le pavillon est quasiment en contact avec le driver. Mais j'ai vu que beaucoup de monde remplace les pads par des modèles plus confortables de chez Beyer ou AKG. Donc il va falloir que je creuse cette piste.
Sennheiser HD800
Bien que ce casque soit objectivement très classe, je dois bien admettre que je ne suis pas très fan de son design. Par contre, les matériaux employés renforcent clairement le côté premium de ce casque. Ca a le mérite de sortir des sentiers battus, mais rien n'a été laissé au hasard pour autant.
Parlons peu mais bien, le son : et on va commencer en fanfare avec ce qui est censé être le royaume souverain de ce casque : la musique classique et le symphonique.
Wow, quelle extension et quelle ampleur ! Ce casque me fait penser à un séducteur qui cherche à mettre en avant ses atouts pour emballer le plus vite possible. On a une dynamique et une séparation de folie, qui va mettre en valeur la moindre petite nuance. L'articulation est excellente, et les envolées lyriques de certains passages sont ressenties jusqu'aux tripes. Gros coup de cœur d'entrée de jeu.
L'ensemble de l'orchestre est ressenti dans toute sa magnificience, que ce soit les grands ensembles de contrebasses ou les modestes alignements de flûtes. L'auditeur est plongé au cœur de la musique, et va ressentir toute l'énergie que la production cherche à transmettre.
Après cette mise en bouche tonitruante, passons à d'autres styles musicaux. Ce sens de la dynamique et de l'envolée lyrique est toujours très présent, mais le casque n'en est pas moins très rigoureux et analytique. La coloration est quasiment inexistante, et toute la plage de fréquences reste à sa place.
Les médiums me semblent manquer un poil de texture sur les voix, mais s'en sortent bien mieux sur les instruments, en particulier les cuivres. Les graves bénéficient de l'extension naturelle du casque, et proposent un jeu de nuances que je n'avais jamais entendu à ce jour. C'est du très haut niveau.
L'énergie déployée au sein de la musique est toujours à sa juste place. Ni trop nerveuse, ni trop indolente.
Si il fallait cependant citer un défaut, je dirais que le registre aigu est loin d'être le plus reposant qui soit. Ce n'est pas non plus du marteau piqueur, mais on ressent parfois une certaine tendance à la sécheresse et à la brillance qui teinte désagréablement aux oreilles. À voir ce que ça donne avec une autre association.
Je n'ai malheureusement pas vraiment le temps de m'attarder plus longtemps, mais ce casque me laisse indubitablement une très bonne impression.
Beyer T1
J'apprécie beaucoup le premier contact avec ce casque. Il est sobre, sans fioritures et de conception très sérieuse. Ca ne réinvente pas la roue, mais ça reste plutôt classieux, et sans pour autant devenir austère. On pourra trouver qu'il manque de personnalité, mais perso j'aime bien.
Il est essentiellement en plastique de qualité, mais certaines parties sont en aluminium. Même si que la sensation au toucher donne plutôt l'impression de toucher du plastique froid. On ne ressent pas vraiment le côté alu. Pas de différence fondamentale avec le Beyer T90 qui a fait un bref séjour chez moi il y a peu.
Passons maintenant à table :
D'emblée, je constate qu'il semble plus énergique et rapide que le Sennheiser. Il analyse la musique à une vitesse folle, et est d'une transparence exemplaire. Il va restituer la musique telle qu'elle est, sans chercher à apporter sa propre interprétation. Aucune fréquence ne déborde, et son côté Speedy Gonzales du scalpel le rend adapté aux genres musicaux les plus pêchus. (Il me fait un peu penser au Sony SA-5000 de ce côté là, bien que ce dernier soit encore plus froid et ciselé.)
Les aigus restent sagement à leur place et, malgré le tempérament du casque, je n'ai pas constaté la moindre sibilance ni tintement agressif. Du moins sur de bons enregistrements, car il va de soi qu'un tel casque est impitoyable. C'est bien découpé, articulé et lisible en toutes circonstances.
Les graves ont beaucoup d'extension, tapent secs et soutiennent très efficacement les morceaux de tous les styles. Ils s'adaptent en fonction de la musique, et ne vont jamais déborder ni se mettre en retrait. C'est clairement un très gros point fort de ce casque.
Après, on arrive aux choses qui me plaisent moins : le manque de vie et de caractère de ce casque. Le plaisir d'écoute vient beaucoup moins de l'émotion ressentie, que des qualités intrinsèques des morceaux, que l'on admire comme les pièces rutilantes d'une belle bagnole. Il me donne l'impression de réciter froidement sa leçon, comme un élève doué face à son professeur. Le son est désincarné et propose de grandes qualités techniques, mais il a une approche jusqu-auboutiste qui sacrifie trop la musicalité à mon goût. Le niveau de détail me semble également un poil inférieur au Sennheiser, en dépit de ce tempérament analytique et froid.
Je trouve en outre que ce manque d'âme est particulièrement préjudiciable sur du symphonique, où le Sennheiser propose un meilleur compromis. C'est clairement sur de la musique moderne plutôt pêchue que le Beyer se sentira le mieux. La musicalité viendra de l'énergie apportée sur ces genres, et le casque aura donc plus de mal sur le classique ou le jazz.
Écoute plutôt instructive, mais qui me laisse un arrière-goût un peu amer.
AKG K812
Passons maintenant à notre grand précieux autrichien.
Je pense que la plupart des membres de TN auront déjà noté que le design du casque fait un clin d'œil évident à celui du mythique K340. Les deux produits sont très proches, même si le nouveau venu fait indubitablement plus moderne. Les matériaux sont plus nobles, et il en ressort une impression Premium très poussée. (Bandeau en cuir, certains composants en alu, etc...)
Le casque est fourni avec un stand en bois du plus bel effet, en forme de symbole Omega. Il est certes très beau, mais je trouve que ça ne s'accorde pas vraiment avec l'aspect du casque. Ca aurait été mieux de l'associer avec un woody du genre Grado RS1 ou ATH W5000. On pourra cependant saluer l'effort, même si il n'est pas vraiment envisageable de se servir de la boîte comme d'une malette de transport. (Contrairement au Beyer T1.) Je trouve d'ailleurs que la boîte fait un peu cheap, contrairement à celle de ses rivaux. Pas de lit de satin ou de fioritures d'aucune sorte.
Il ne fait pas se fier à l'aspect léger et filliforme du casque, car il pèse un bon gros 390 grammes tout mouillé. (Sans le câble bien sûr.) Pas de quoi gêner le port cependant, il est très confortable et sait parfaitement se faire oublier. Il a un clamping légèrement plus fort que celui des HD800 / T1, mais rien de désagréable pour moi, alors que je porte des lunettes. Les mousses sont très confortables, et ne dégagent aucune chaleur d'aucune sorte.
Maintenant, le son.
La première chose qui me surprend est le grand naturel de ses médiums. L'aspect chirurgical et analysé de ses rivaux laisse la place à des timbres plus incarnés et plus charnus. On reste clairement du côté analytique de la force, mais il y a un petit supplément de vie dans ce registre, et c'est particulièrement notable sur les voix. Les instruments sont particulièrement ennivrants, surtout les cuivres et les violons.
En gros, pour décrire la sonorité d'ensemble, il me semble qu'on est plus ou moins dans le même type de signature que celle inaugurée avec la nouvelle gamme de 2011, dont le K550 était le principal représentant. À savoir un son légèrement montant, plutôt sec sur les percussions et avec un soundstage live, typé "In your Face". Il me semble également qu'il est plus accomodant sur la qualité de la source et / ou de l'amplification, car j'ai pu avoir un très bon son avec mon iBasso D12.
Le niveau de résolution me semble équivalent à celui du HD800. Je n'ai pas remarqué de différence notable dans un sens comme dans l'autre, peu importe le style de musique écouté. Le T1 est un léger cran en dessous sur cet aspect.
Les aigus sont à l'image des médiums, à savoir naturels et fluides, sans accrocs d'aucune sorte. Ils ont une texture plus liquide sur sur le T1, et ça semble couler comme de l'eau de roche, sans pour autant avoir un registre trop sirupeux, coloré ou voilé sur les fréquences les plus hautes. Je pense que le DAC / Ampli Audio GD n'y est pas étranger, et l'association semble particulièrement fonctionner.
Les mauvaises langues diront que les basses sont enfin de retour sur les AKG haut de gamme. On reste certes sur une sonorité plutôt lumineuse, mais les graves savent malgré tout être au rendez-vous. Et de fort belle manière. Je noterai tout de même un léger manque de nervosité dans ce registre, et une texture parfois un poil légère avec certains instruments. On n'a pas vraiment le côté "bottage de derrière" du T1, ni l'extension du HD800. La profondeur de l'infra-grave est cependant équivalente à celle des deux autres, et on garde une très belle restitution.
Pour citer le principal défaut de ce casque, je le trouve moins enjoué sur les styles musicaux les plus rapides. Rien de bien dramatique, mais le potentiel de "tapage de pieds" du casque me semble légèrement moindre que pour ses concurrents. Il manque également un peu d'extension dans son soundstage, et aura un peu de mal à restituer toute l'ampleur d'un orchestre symphonique de 200 instruments. Ca sonne légèrement confus, et la dynamique tend à se tasser un chouia.
En revanche, il excelle particulièrement sur du jazz ou de l'instrumental calme, où son sens de la poésie est vraiment d'excellente facture. Là où un Beyer T1 va tout restituer froidement, l'AKG va chercher à mettre en valeur les qualités musicales des voix ou des instruments. Il a un sens de la nuance qui va toujours joliment mettre en valeur les timbres. La coloration reste très minimale malgré tout, mais c'est un équilibre subtil qui me plaît beaucoup plus.
Bref, un très bon produit, qui se pose comme un successeur naturel du K701. Il est certes plus analytique et "monitoré", mais la richesse des registres est incontestablement supérieure à tous les niveaux. Et il est également beaucoup moins "Bass-light" que ce dernier, sans que ça ne soit excessif pour autant. Maintenant, il ne faut pas oublier que ce casque est destiné avant tout aux professionnels du monitoring. Donc à voir ce qui se passera le jour où AKG se décidera à sortir une version grand public du casque. (Un peu comme le Focal Spirit Classic face au Spirit Pro.)
Je pense cependant qu'il n'est pas fondamentalement supérieur à ses deux rivaux germaniques, et qu'il serait vital pour AKG d'aligner le prix de son flagship sur celui de la concurrence. Car il est facilement 300€ trop cher à l'heure actuelle. (Quitte à faire des concessions, comme envoyer le dispendieux support boisé aux oubliettes.)
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Et ainsi se termine cette instructive session d'écoutes intensives.
Si je devais faire un choix entre HD800, T1 et K812, je pense que ça se jouerait entre le Sennheiser et l'AKG. Je pense avoir cependant une préférence pour le HD800, grâce notamment à son exceptionnelle articulation tonale sur le symphonique.
En revanche, il va sérieusement falloir que j'envisage de près le MS-Pro. La polyvalence est loin d'être son point fort, mais il m'a quand même mis une jolie claque.
Config sédentaire : Audio-GD NFB 1.32 >> Câbles Schiit PYST >> La Figaro 339 retubé Tung Sol 5998 + RCA 5693 >> Hifiman HE-6
Config nomade : OnePlus One >> iBasso D12 en OTG >> Westone W40