Et malgré ça on a gagné. C'est que la marge de manœuvre était assez large...jprenaud78 a écrit :On parle de l’arbitrage ? Parce qu’hier !!!!
Y'a pas que le foot, y'a d'autres sports aussi!
Au Bistrot, on parle de tout et de rien... Mais surtout de rien !
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Message par Buzthafuzz »
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Message par jprenaud78 »
Ouais les 5 dernières minutes étaient stressantes mais très bon match. Après comme d’habitude je trouve dans ce sport que les essais ne sont pas assez récompensés
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C'est un équilibre difficile à trouver. Si on mettait l'essai à 9 points (7+2), il y aurait énormément de fautes pour éviter un essai adverse. Le jeu serait haché et, paradoxalement, on verrait moins d'essais. Les plus anciens se souviendront que l'essai est déjà passé de 4+2 à 5+2...
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Ouverts électro : Focal Utopia, Audio-Technica ATH-ADX5000, Sennheiser HD800S, Grado GS1000i, Beyerdynamic T1, Kennerton Vali
Fermés : Fostex TH900 mkII, Audeze LCD-XC, MrSpeakers Ether C, Hifiman Sundara Closed
Amplis tubes : Auris HA2-SE, Pathos Aurium, Icon Audio HP8 MkII, LittleDot MkVI+, RSA Emmeline II "The raptor ", Feliks Audio Echo mkII, La Figaro 339
Amplis transistors : Audio-gd HE-9, Auralic Taurus mkII, Meier Corda Classic, Nuprime STA-9
DAC+Amp : Soekris dac1541, RME ADI-2 Pro, Focal Arche, Wyred 4 Sound Intimo
DAC : Audio-gd Master 7 NOS, Oppo Sonica DAC, PS Audio NuWave, Cayin iDAC-6
Nomade : Pioneer XDP-300R, Qudelix-5K, ISN Audio H40, AKG N40 & N400, Audeze Sine
Accessoires : Auralic Aries, Mutec MC-3+ Smart Clock USB
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Message par jprenaud78 »
Ou inversement ça ;-)Buzthafuzz a écrit :Plutôt que les pénalités le sont trop...
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Dans les compétitions à classement, oui, mais que ce soit le Top 14 ou la Coupe du Monde, ça se termine en matchs à élimination directe, et là il faut juste gagner...Gédéon Molle a écrit :Il y a le bonus offensif aussi, non ?
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Message par jprenaud78 »
Bon et bien on a toutes nos chances de gagner le grand chelem ... l’Irlande n’a rien montré .
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Résumé de la X Alps 2019 qui s'est déroulée fin juin 2019 et gagnée une fois de plus par Chrigel Maurer, mais animée par les francais.
[video]https://www.youtube.com/watch?v=XOrxbOZdVDE[/video]
Le récit de Max Pinot qui a terminé 2eme:
[video]https://www.youtube.com/watch?v=XOrxbOZdVDE[/video]
Le récit de Max Pinot qui a terminé 2eme:
récit paru sur son FB
Red Bull X-Alps, Acte 1:
Ce récit dort dans ma tête depuis tant de mois, comme un fantôme.
Je me suis souvent lancé dans les premières lignes sans pouvoir les poursuivre. Sans réussir à trouver la musique qui accompagne chaque écrit mais aussi chaque aventure. Comment expliquer à vous qui lirez cette idée qui germe un jour, au détour d'une conversation avec un pote. Puis qui fait son chemin, qui s''éloigne, revient, pour devenir une obsession. On dit souvent que les idées sont plus fortes que tout. Je crois en avoir une preuve, inscrite dans ma tête et dans ma chaire. Elles peuvent changer tant de choses, faire basculer une vie.
Peut-être ai-je enfin trouvé comment raconter la X-Alps, à deux voix. Celle du passé, et celle du présent. En sélectionnant les moments. Car comment raconter dix jours qui ont été comme une petite vie ? Je voudrais frénétiquement tout dire, raconter les trois années qui ont précédé cette course. Dire comment un type frêle, qui n'y connait rien en endurance, qui malgré tout a pour lui le vol quand il arrive à aligner les étoiles, peut entreprendre de performer sur une course de 1100 kilomètres. Mais je ne me lancerai pas là dedans, pas maintenant.
Si j'écris aussi seulement aujourd'hui, c'est que j'ai envie d'essayer de retrouver les frissons de la course. Les transmettre aussi, d'une certaine manière. Savoir pourquoi je vais y retourner aussi, me relancer sur deux années qui tendront vers ce but. Ce récit ne dira aussi jamais assez combien Jerem, Nans, Mathias et Ju portent à bout de bras la course. Et je m'en excuse d'avance.
"A la fin de la première journée, je me souviens être allongé dans mon lit, enfin, après une journée passée sous le gris et la bruine, entre les nuages. Je sens les battements de mon cœur dans poitrine, ceux là même qui vont m'empêcher de fermer les yeux avant un petit moment. Malgré tout, il est plus calme qu'avant de franchir la ligne de départ, là où je tenais à peine sur mes jambes, où je retenais difficilement mes larmes devant mes amis.
Mais cette fois, la course était lancé, je pouvais enfin savourer la fin de cette attente si longue, presque insupportable.
À 5h, nous voilà déjà en train de marcher le long de la route qui mène au TP2 de Wagrain avec Nans, pendant que le reste de la troupe plie le campement. J'essaye d'avaler mon bol de Muesli tant bien que mal à une heure si matinale.
Nous passons Wagrain, et montons sur les pistes de ski qui surplombent le petit village autrichien.
Je me rappelle sentir mon corps engourdi, endormi. L'effort de la montée me faisait mal ce matin là.
Une première fléchette, un deuxième bout de petit dej avant de repartir pour une longue montée.
Mon corps ne répond pas correctement. Je mets la musique, pour éloigner les mauvaises pensées du type : « on est seuelement le 2ème jour, et tu es déjà cuit ! ».
Un deuxième petit vol, une troisième montée avec Jerem, à petits pas, pour laisser revenir les sensations.
Nous sommes légèrement en retard sur un pack de 3 ou 4 pilotes qui attendent au décollage l'établissement des conditions thermiques. Chrigel décolle juste avant que nous arrivions au sommet. C'est la ronde des petites bulles évanescentes. J'ai le temps de me poser un peu, regarder, écouter les copains, discuter. Une belle journée s'annonce. Il faut déjà rejoindre Aschau.
Après 45 minutes d 'un début de vol poussif, nous formons un groupe de 4 sur la route du nord-ouest : Benoit, Paul, Chrigel et moi naviguant le long des grandes faces sud du Parc du Berteschgaden. La masse d'air est plutôt humide, avec une tendance nord, nord-est.
Tout le monde se regarde un petit peu, la situation est typique d'un petit groupe de compétition ce qui est confortable.
Au raccrochage de Lofer, Benoit prend un peu de retard. Puis Paul.
De concert avec Chrigel, nous accélérons le rythme dans cette masse d'air plutôt bonne. Il ne faudrait pas en manquer une miette.
L'expérience en Coupe du Monde sur des parties de vol plutôt aisées, où il faut jouer la vitesse de vol, ne pas être trop attentiste, est inestimable. Et rapidement nous débouchons sur la plaine allemande, et Aschau est en finesse, poulies soudées. Nous devons, à crève cœur, aller signer le panneau à l'atterrissage.
Au sol, je retrouve toute l'équipe pour un bref arrêt signature, autographe, speech. Assez inhabituel pour une compétition de parapente. C'est festif. Mais il est encore tôt, il faut tout faire pour tirer partie de la convection et nous quittons nos hôtes rapidement.
Dans les 1000m qui nous séparent du décollage, enfin mon corps répond bien et nous pouvons avaler le dénivelé au plus vite avec Nans.
Doute d'aiguillage, doute du bon décollage font partie du lot habituel en marche et vol. Une dizaine de minutes de perdue, un bout de colère, et voilà Chrigel en l'air, et Paul qui nous rejoint. Il est temps de s'activer.
Je peux rapidement lâcher Paul, bien trop conservateur, et chasser Chrigel sur la route de l'Italie. Je le recolle à la faveur de quelques bons placements dans du vol de vallée atypique, sous plafonds bas.
Je bafouille un raccrochage, puis un départ en transition en regardant trop l'animal. Conséquence : je dois me replier sur un plan B pendant que je le vois sortir dans un bout de combe.
L'heure avance, le vent présent en basses couches tend à lessiver les faces.
Je me récupère une première fois. La deuxième est encore plus laborieuse sur la montagne d'Hohé Salve, où le bleu règne en maitre.
Dans ces situations, il y a toutes ces émotions qui veulent nous submerger, l'imagination qui se fait la malle. Il faut la ramener ici, et maintenant. Retrouver la concentration. Même quand rien ne monte, même quand de simples nuelles décharnées trônent comme des ombres au-dessus de la montagne. Cette montagne trop conique pour être honnête. Où tout fuit sur les bords.
Grâce aux encouragements de Jerem et toute l'équipe, je trouve enfin la porte de sortie sur le plateau de la face sud pourtant bien ombragé. Mais je ne demande pas mon reste et peux m'enfuir de ce piège.
Une superbe combe ouest me fait de l'oeil alors que le soleil revient d'un jeu de cache cache derrière la nimbe de cunimbs qui commencent à se développer un peu partout. Je me jure d'écraser tout le débattement de mon accélérateur jusqu'à taper dans l'ogive nucléaire.
Elle est bien là et je peux me remettre en orbite. Chrigel est juste 3 kilomètres devant. Je peux laisser retomber mon rythme cardiaque. Souffler, boire.
Les énormes faces nord de la crête frontière sont dans le noir. Quelques éclairs commencent à fendre le ciel. Poser au pied marquerait la fin d'une belle journée de vol. Mais avant cela, nous devons sauter un col. En fin de cycle, je pars 200m sous l'ami suisse.
Je commence une infernale partie de speed riding, à plus de 70 km/h au fond d'une vallée suspendue quasi imposable. Mon salut se fera par le vol. Je tente des appuis à gauche et à droite du vallon, pour me dire finalement que je maximiserai ma vitesse en plein milieu du flux, comme un kayakiste. Ma finesse s'améliore... mais je constate avec horreur que ma vallée est fermée par une énorme ligne haute tension. Aucun choix possible, il faut que ça fasse. Je rentre les bras, respire. Et laisse la ligne quelques mètres sous ma sellette. Je suis presque content de voir l'orage gronder sur les faces qui me surplombent.
Notre jeu dangereux s'arrête ici, à Krimml. Un peu de marche nous amène au départ des sentiers menant à l'Italie. Ceux que nous emprunterons demain, en direction de Kronplatz.
La marche s'avère belle, mais longue malgré tout. Il nous faudra cinq heures pour rejoindre un décollage sur les imposantes faces sud-est italiennes. Nous ne sommes pas loin d'Antholz et de son site à record, mais nous allons devoir faire du saute mouton. La X-Alps n'emprunte que peu les grands axes. J'abandonne Nans et Jerem qui redescendront en biplace, sur notre décollage baigné dans la neige, à 3000m.
S'engage un jeu du plus malin avec Chrigel. Trop timide, trop timoré, je fais une énorme erreur en allant rechercher mon ami helvète qui s'était cacher entre les nuages. En me voyant faire, il part sur sa transition alors que je finis de rebrousser chemin. Bien sûr, le thermique n'est plus là et j'ai maintenant un déficit de 200 mètres qui seront cruciaux au raccrochage.
Je le vois partir, alors que mon travail dans la brise de pente naissante devient un long calvaire. Avec le recul, assis confortablement au fond de mon canapé, je fais encore des bonds en repensant à ce moment.
Malgré tout, enfin sorti de mon trou, je peux voler seul, efficacement, en suivant mes lignes. Les montagnes sont si imposantes ici, je dois trouver les failles pour remonter au vent. Un jeu excitant, dans un ciel marqué de gros joufflus qui m'inquiètent pour la suite de la journée qui contient déjà son lot d'énormes difficultés.
Je repasse sous Chrigel avant la grande transition vers Kronplatz. Je lâche un peu vite mon 3m/s, et vais aller échouer dans les basses couches de la face sud sous le vent un bon moment. Je transpire à grosses gouttes. Je ne peux en aucun cas me permettre de poser ici, ce serait la certitude de voir Chrigel s'envoler, et les autres me revenir dessus.
Enfin je peux à mon tour poser et signer le panneau dans un état avancé de frustration. Je n'ai pas bien volé. Mais il faut maintenant prendre une énorme décision : contourner la zone aérienne d'Innsbruck par l'est ou l'ouest. Une décision majeure dans cette course : les deux lignes sont séparées de plus de 60 kilomètres.
Ensemble, nous nous décidons pour l'est, au vu du ciel plus menaçant à l'ouest. Mais aussi pour avoir la route ouverte par Chrigel.
Le ciel est incroyable, les conditions fortes mais saines. Je peux repasser la chaine centrale assez aisément. Mais la vallée de Zell Am Ziller est truffée de zones aériennes. Je lève, contre mon gré, le pied essayant d'imaginer quelle ligne est à la fois safe et directe. J'ai les yeux fixés sur la carte, et le ciel m'importe bien peu. Enfreindre une zone équivaudrait à un arrêt de mort pur et simple.
Traverser la vallée d'Innsbruck représente le summum du vol en zone réglementé : je suis à moins de 500m de la CTR que je laisse sur ma gauche, et limité en altitude par la TMA. Je ne vis plus mais je sais qu'une fois cette difficulté passée, je pourrai retrouver ma sérénité. Encore faut-il raccrocher la maudite face sud au-dessus de Jenbach qui est à la croisée de trois vallée, sous le vent.
Mon gps hurle alors que j'enroule à moins de 400m de la CTR. Mais bientôt je peux passer au-dessus du plafond de celle-ci, basculer hors TMA et me voilà sauvé.
J'accuse maintenant une petite heure de retard, ayant été bien trop hésitant. Mais me voilà sur la route du Zugspitze, au milieu de ces montagnes si particulières, taillées dans la roche, aux dénivelés si imposants. Les conditions sont viriles, et je peux utiliser toute la vitesse de la Zeo.
Que c'est beau. J'aime beaucoup voler en terrain inconnu. L'imagination est sollicité à chaque seconde. C'est moins reposant, mais c'est stimulant. Ouvrir les yeux, imaginer les écoulements au milieu de ces pyramides de pierres. Imaginer les zones qui surchauffent, et à l'inverses les pièges.
L'ombre d'un énorme congestus en passe de devenir cunimb sur Garmisch met tous mes voyants en alerte. Je dois absolument passer pour rejoindre Lermoos. Les brises de pentes sont très affectées, et la pluie s'abat sur la ville que je laisse à main droite. Une belle tache de soleil me fait de l'oeil. Je maximise mon plané. Ma Zeo commence à gigoter, je retiens mon souffle puis entre enfin dans le tube, monte, et m'échappe de ce passage compliqué.
Je navique maintenant sous le Zugspitze et suis en finesse de TP5, après 200 kilomètres de vol ! Jerem en radio :
« - Chrigel vient de redécoller
Oui, il a bien du prendre de l'avance... fais chier
Non mais il vient de redécoller devant toi !
Quoi devant moi ?... Ah putain oui je le vois ! Mais qu'est ce qu'il a foutu ?!
Je sais pas, mais on l'a recollé ! »
C'est ainsi que nous arrivons l'un derrière l'autre à Lermoos après un vol exceptionnel, durant lequel nous avons pu faire le trou sur le reste de la meute.
Mais à la X-Alps, il n'y a aucun répit. Aucun. Nous venons de faire 200 kms, mais nous voilà à devoir choisir entre remonter à un décollage 1000m plus haut pour le vol du soir... ou oublier cette option à cause des cunimbs qui nous cernent.
Finalement, nous remontons.
Jerem m'accompagne. Je me sens en pleine forme et j'ai envie de lâcher les chevaux dans la montée. Doucement, ce n'est que le troisième jour...
Nous sommes de nouveau en l'air avant 19h. Le soleil de juin est encore puissant pour nous offrir une belle heure et demie de vol. Mais le ciel est menace, perturbé. Nous avons la zone de bleu pour nous, mais elle pourrait ne pas s'éterniser.
A la faveur d'un bon recentrage, je peux enfin prendre un bon contrôle de 200m sur Chrigel. A moi maintenant d'essayer de mener la danse. Je me jure de ne pas craquer cette fois !
Je lance les hostilité en direction de la grande vallée qui mène à Landeck. Le soleil se cache derrière les gigantesques nimbes. Il ne reste plus qu'un étrange flux de nord-ouest, étonnamment fort.
En me jetant dans la vallée, je n'ai que le temps d'apercevoir Chrigel qui effectue un quart de tour droite en direction d'un petit sommet. Sur cet axe, la route est barré par d'imposants sommets. Il est 20h. Je continue sur ma lancée.
Bien-sur de l'autre côté du massif, c'est le toboggan. Tout le flux vient s'écraser sur ma tête. Mais j'ai une dernière carte à jouer : les ressauts sous le vent.
En basse couche, d'étranges bulles pulsent régulièrement, et poussé par le vent, je grappille kilomètre après kilomètre. Je pose enfin, juste après 20h. Avec cette impression d'avoir fait le job. Je n'ai pas encore allumé le tracking. L'orage approche. Je me dis que je n'aurais pas pu faire beaucoup mieux. Je ne sais pas ce qu'est allé faire Chrigel dans la montagne. Pas encore.
Je profite de rigoler un peu avec Mathias, de décompresser, souffler. Mais rapidement, la petite troupe de pilotes venue à notre rencontre nous informe qu'il est en l'air. Il a posé, marché et redécollé.
Et le voilà qui passe au-dessus de notre tête alors que je commence à marcher le long de la route. J'aurais envie de me mettre à sprinter, ce qui n'aurait aucun sens. Je suis battu. Il s'en va poser une petite dizaine de kilomètres plus loin. Il m'aura eut toute la sainte journée !
Le front orageux, d'une puissance incroyable, finira de recouvrir l'amertume de cette fin de journée. Une marche sous la pluie jusqu'au court repos.
Jour 4 commence par une longue marche sur le goudron. Quasiment 30 kilomètres, à nous amuser de nos cernes de plus en plus marqués avec Nans. Le manque de sommeil est une épreuve difficile. Chaque matin ressemble au précédent, en pire. Mathias est le plus solide pour réveiller tout le monde à 4h30. Chaque matin, j'ouvre les yeux et je me demande pourquoi cette obsession pour une course de maso. Ce que je ne sais pas encore, c'est que le plus dur est devant.
Au bout de ces 30 kilomètres, il est temps de se mettre en route droit dans la pente direction un décollage. Luc, au téléphone, nous presse : « ça va être bon plus tôt que ce que vous ne pensez les gars ! Allez ! ».
Jerem est malade, et la montagne que nous avons choisie, quelques combes avant celle de Chrigel, est vraiment inappropriée! Entre blocs et brounchous en tout genre, c'est le vietnam.
Entre deux blocs, nous parvenons à faire tenir l'aile. Je peux m'arracher du sol un peu après 10h30. Avec une clef, et la fermeture de mon cocon arrachée. Je parviens à me défaire de la clef... Mais pour le cocon, il va falloir faire avec jusque Davos, à un peu moins de 60 kilomètres.
Les imposantes faces sud-est sont placées sous un fort vent de secteur ouest, d'environ 25 km/h. C'est du bien fort en l'air. Deux thermiques plus loin, je ne fais plus façon de ma Zeolite qui reste ouverte tant bien que mal alors que je cherche juste à suivre ses mouvements.
Les plafonds montent, et je commence à beaucoup souffrir du froid, en short sans pouvoir fermer mon cocon. J'essaye de me concentrer pour ne pas penser aux tremblements qui me secouent.
Je dois me placer avec beaucoup de subtilité dans ce vent, et anticiper assez en avance mes lignes. Le secteur avant Davos est fait de hautes montagnes et de hautes vallées suspendues. Il est encore très enneigé, tellement que nous avons du prévenir en amont l'organisation de notre route, et glisser des petits crampons dans la sellette. Mais mes yeux sont sidérés par la beauté de ce qui s'étend sous moi.
Là où Chrigel a fermé sa trajectoire sous le vent et eut des difficultés, j'ouvre au vent. Un superbe cumulus me fait de l'oeil et pourrait bien être ma porte de sortie.
Je trouve la superbe colonne et me sattellise à 3700m. Je meurs littéralement de froid mais je peux enfin passer cette zone compliquée, négocier deux thermiques, et poser au TP6 de Davos.
La foule me happe, et j'aurais presque envie qu'elle m'enveloppe pour me réchauffer malgré le grand soleil. Ju et Nans me rejoignent après une course contre la montre. Contourner de si hauts massifs n'est pas mince affaire pour eux. Aucun temps pour la réparation, juste le temps de prendre mon pantalon de ski de rando pour le vol de l'après midi. J'aimerais tant profiter de ce cadre idyllique pour une ou deux heures de relâche. Même trente minutes à vrai dire. Mais c'est impossible. Chrigel est déjà en train de déplier 400 ou 500m au dessus de nos têtes. Il est temps de se remettre en mouvement.
Nous attaquons la montée sur les faces sud-est de Davos alors que notre suisse décolle. Il n'a pas creusé le trou depuis hier soir. Il faut s'accrocher.
En l'air, enfin. En direction de Chur, je suis tellement heureux de retrouver des lieux familiers, que j'ai exploré en Coupe du Monde. Mentalement, c'est un avantage énorme. Je peux me relâcher un peu, me rappeler les bons souvenirs de course, et les points clefs.
3600 avant de traverser Chur, 3600 à Calanda la montagne des rodéos inoubliables. Le vent d'ouest est moins sensible ici. Mon esprit omettrait presque ces nuages qui viennent obscurcir mon horizon.
C'est d'abord leur ombre qui me gêne et j'ai du mal à trouver le bon placement. Elle me met rapidement en difficulté. Je perds du temps à retrouver un noyau.
Je monte mais je vois l'horrible scénario se jouer sous mes yeux. La cellule au sud de ma position rejoint celle au-dessus de ma tête. Je vois la nimbe du nuage sous lequel je vole taper la tropopause. Puis la pluie, puis la grêle, tout ça dans un thermique bien puissant. Je n'ai plus beaucoup de temps pour analyser la situation, de peser le poids entre performance et sécurité. La route de l'ouest est barrée. Celle du sud aussi. Je ne peux me dérouter qu'au nord mais je dois encore un peu monter : le haut plateau du Glarner Vorab rend ma situation difficile. La grêle s'intensifie.
Enfin, la mort dans l'âme je peux me jeter dans les faces nord. J'ai espoir de pouvoir trouver une autre route. Quelques petits cumulus trônent au large.
Mais rapidement, tous s'évanouissent. Comme si l'énorme zone active venait vider de son énergie les alentours. Comme c'est souvent le cas. Je n'ai d'autre choix que de poser en altitude, sur un chemin menant à un col.
Moi qui venait de retrouver des lieux connus, me voilà de nouveau hors des sentiers battus. Je marche jusqu'au col, contemplant l'orage qui s'abat maintenant sur la vallée menant à Disentis. Quelle cruauté ces 45 minutes de retard. Et cette foutue neige qui m'engloutie à chaque pas, rendant mon avancée si pénible.
Je récupère un peu de réseau au col. Je peux appeler l'équipe, décider quoi faire. Je suis bien placé pour ce soir. Titlis, où a posé Chrigel, est à moins de 60 kilomètres. Le soleil revient. Il me reste encore un peu d'espoir de combler un peu de retard.
Je redécolle. Une succession de belles faces nord-ouest s'offre à moi. Il n'est que 17h30.
Mais je déchante rapidement. Tout est poussif. Tout a été lessivé.
Je réussis tant bien que mal un plein à 3000m. Ce qui sera le dernier thermique de la journée, un peu après 18h.
Puis mes rebonds dans les restes de brises de pente, ressemble à une lente agonie, mais je peux finalement me jeter dans le Klausenpass. Un nouveau cunimb s'annonce par l'ouest et il fait maintenant sombre partout. Je ne peux que me laisser glisser le plus loin possible.
Un cable repéré au dernier moment m'oblige à m'écraser dans une infame contre pente au-dessus d'un village.
Je suis secoué par le choc, autant que par la claque de la journée. Je déambule avec ma voile en boule et mon casque de travers, à la recherche d'un improbable décollage. Heureusement, les copains me rejoignent et me raisonnent. Il n'y a aucun décollage à proximité, la journée de vol est terminée. Elle ne pouvait pas se finir comme ça. C'était presque injuste. .
Le frère du premier vainqueur de la X-Alps, Kaspar Henny, vient à notre rencontre. Nous pouvons échanger un peu pendant quelques minutes de repos. L'orage gronde de nouveau, il pleut.
A nos pieds s'étend la vallée d'Altdorf. Titlis a vol d'oiseau est si proche. Mais si loin à la force des jambes. Monter au Surenenpass, déboucher dans la vallée d'Engelberg, enchainer sur les 2000m de dénivelé du Titlis. Le cinquième jour ne pourra être qu'une épreuve colossale. Dans une physionomie de course chamboulée"
La suite:
Le soleil n'est pas encore levé sur le cinquième jour. Et Ju, Mat' et moi sommes déjà en route pour le Surenenpass. 1700m de dénivelé nous séparent de cette faille vers le Titlis. Un échauffement dantesque pour une journée qui s'annonce particulièrement longue. Le ciel pré frontal n'augure rien de bon.
Malgré tout, les rayons du soleil filtrent à travers les nuages. Je crois à un petit créneau qui m'économiserait de précieux mètres. Mais notre avancée dans la neige est fastidieuse. Enfin au col, nous devons escalader la congère qui fait deux bons mètres de haut. Le soleil continue de donner un peu d'énergie : de petites barbules forment, accrochant les pentes. Vite, un décollage. Nous en trouvons un, si raide que j'ai du mal à tenir debout sans l'aide de Mathias. Je manque un gonflage et réussis à ne pas débarouler dans la pente. Le deuxième est le bon. Il n'est que 8h45, mais je suis gonflé d'espoir.
Les faces est comment à délivrer quelques bulles. Je navigue le long de la pente en évitant plusieurs câbles tirés de manières aléatoires par les locaux. Après ce petit cheminement, j'ai tout juste de quoi me jeter aux pieds des falaises du Rostockli, une face est si abrupte qu'elle est en dévers... Je retiens mon souffle mais rapidement les effluves de chaleur me happent. Je peux remonter, profiter un peu de cette petite réussite après la claque de la veille. Bien-sur je ne poserai pas en haut : mes chers petits cumulus ne sont qu'à 2200m. Le sommet est 1000m plus haut.
Mais en posant sur les pistes de ski du Titlis, j'économise à mes jambes et mon cœur 1000m.
De nouveau à pieds vers le sommet, je peux voir le ciel se fermer complètement. Le créneau aura duré moins d'une heure.
Je suis si heureux de retrouver Nans et Jerem à mi chemin du sommet. Je peux me délester du matériel non obligatoire (eau, nourriture, doudoune, 2ème GPS, etc.) ce qui allège considérablement mon sac. Au bout de cinq jours de courses, chaque gramme a une importance considérable pour le physique, mais peut-être encore plus pour la tête.
Enfin le panneau est en vue ! Dans une ambiance étrange : la sommet est surpeuplé par les touristes, notamment indiens. En voyant quelques caméra se masser autour de moi, beaucoup devienne curieux et c'est rapidement la ronde des selfies qui n'ont aucun sens. Ils doivent penser que je suis une star, ou quelque chose comme ça.
Ce qui nous préoccupe plus, c'est que le sommet est dans le blanc. Impossible de décoller. Nous trouvons refuge dans le restaurant du sommet pour réfléchir. Et si ça ne s'ouvrait pas ? Que faire ? Endurer une descente à pied infernale ? Très rapidement, l'idée du nightpass se pose. Nous devons informer les organisateurs avant midi : le temps presse alors que la neige s'abat maintenant sur le sommet.
Jerem téléphone à Laurent, notre meteoman, puis Luc, pendant que j'essaye d'avaler difficilement quelques frites. J'ai beaucoup de mal à m'alimenter depuis le matin.
Jerem raccroche et me présente les choses de cette manière : « Bon Luc dit que la Zeolite vole très bien sous la pluie. Si tu décolles, tu accélère à fond jusqu'à sortir du rideau et tu secoues de temps en temps les élévateurs. Puis mollo sur les commandes le temps que ça sèche. Sinon, ils disent qu'il devrait y avoir un créneau dans l'heure ». Facile !
Nous décidons tout de même d'utiliser le night passe au cas où et l'annonçons à Christoph, le directeur de course. Je m'allonge quelques minutes à même le sol sous le regard amusé des touristes. J'aimerais pouvoir m'endormir. Mais je ressens mon cœur taper contre ma poitrine, entre l'effort, l'altitude et le stress de ce qui m'attend.
D'un coup, une percée. C'est le branle bas de combat. Dehors, la neige fouette mon visage, ainsi que le vent. Nous basculons au-dessus de la barrière qui interdit l'accès à la face sud. La pente est très raide et ennéigée ; 1800 mètres de falaises tombent à pic jusqu'au fond de vallée. Le nuage qui se déverse sur nous est sombre. L'atmosphère est insoutenable. J'attrape fébrilement mes commandes et mes avants, pendant que Jerem tient ma brave Zeo ancrée au sol.
Je souffle un grand coup, et monte la voile qui m'arrache du sol à peine retourné. J'attrape l'accélérateur dans la seconde en me jurant de ne pas le lâcher. Je sors du venturi fond de cale, et sens rapidement la neige se transformer en pluie abondante. Je fonce droit devant, où se profile une fichue zone aérienne sous laquelle je vais devoir passer. Je secoue les élévateurs par intermittence alors que j'arrive enfin sur le bord du nuage. Je peux commencer à voir le soleil filtrer.
Je dois maintenant perdre 400 mètres pour passer sous la zone aérienne active jusqu'à 18h. Accélérateur sous le pied, je commence mes 3/6 jusqu'au plancher de la TMA, d'où je peux commencer ma session speed flying de fond de vallon. Aucun répit.
Je pose enfin, heureux d'avoir pu déjouer le piège du Titlis. Les copains sont vite à mes côtés, ainsi qu'un couple suisse très sympa. Je peux me changer, encore trempé de toute cette pluie. Mathias me prépare une soupe car je n'arrive rien à avaler de solide.
Et nous voilà de nouveau à user le bitume. Le col qui permet de basculer sur Grindelwald est à une quinzaine de kms, avec un dénivelé de nouveau conséquent : 1400m.
Nous bavardons avec Ju de tout et de rien sur la route. Il faut éviter à tout prix de prendre conscience du temps, des kilomètres qui passent trop lentement, des mètres qui s'égrainent trop doucement. Mais au bout, il y a toujours l'espoir de pouvoir aligner quelques kilomètres de vol.
Mathias m'accompagne pour la fin du chemin. Enfin, nous débouchons au col. Une vallée de merveilles s'étend devant nous : Grindelwald au fond, et toutes les faces nord mythique à notre sud. L'Eiger en point de mire, juste là. Le soleil perce mais l'ombre prédomine.
En l'air, je choisis de me coller dans les faces nord, nord-ouest. Une infime brise de pente monte le long des parois et me permets de jolies finesses. Je peux me poser sur le chemin menant au pied de l'Eiger.
Ce chemin monte et descend, et je commence à manquer de relance après déjà 4500m avalés depuis ce matin. Jerem me rejoint pour un ravitaillement et prises de décisions tactiques. Nous décidons qu'il serait judicieux d'utiliser notre nightpass sur le plat en direction du Niesen, superbe tremplin pour une journée prometteuse demain. Puis il m'abandonne pour retrouver l'équipe.
Je continue seul en direction du col de Scheidegg et le temps presse. Je dois trouver un dernier décollage avant la fin du temps réglementaire pour le vol. Je cours dès que je le peux alors que le ciel s'assombrit de nouveau, accompagné d'une infecte bruine.
Je traverse la station de ski fantôme. Il n'y a pas un bruit, personne, alors que je cours comme un dératé vers un décollage potentiel.
Je me prépare en toute hâte et m'arrache du sol. Je peux souffler un peu. Dans mon cocon, je sens le sang traversée mes jambes fatiguées par les 5300m avalés aujourd'hui.
Au bout de la vallée du Lauterbrunnen, la pluie tombe fort. Je lève les yeux, et autour de moi des nuelles forment. Puis mon vario se met à biper de manière constante. Soudain, je prends peur que le front au loin ne fasse rentrer du vent fort. Je fais quelques 3/6, qui me crèvent le cœur tant j'aimerais pouvoir économiser des pas, mais préfère retrouver une zone plus sécuritaire, un peu plus bas.
Au posé, je ne sais que penser. J'aurais aimé planer plus loin pour m'économiser. Mais je suis fatigué de la journée, les nerfs à vif. Mais je peux voir arriver toute l'équipe, puis des gens du coin venus dire bonjour et bravo, l'helico team qui nous suit et qui est à fond. Cette bonne humeur, ainsi que les pâtes concoctées par Ju, me redonnent du baume au cœur. Il est incroyable de constater l'effet de la chaleur et de l'attention des autres envers soi dans ces moments de grosse fatigue.
Et alors que nous prenons la route du Nightpass avec Nans, je ne suis pas au bout de mes surprises. C'est d'abort Petsch Nuenschhander (vainqueur de la Superfinale 2011) qui vient partager quelques kilomètres avec Nans et moi, partageant son expérience du secteur.
Puis s'en suit un véritable cortège alors que nous traversons la petite ville de Wilderswil.
Enfin Steve Bramfitt arrivera avec un ravitaillement cinq étoiles pour les derniers kilomètres, avant que finalement, la raison et la fatigue viennent signifier l'arrêt de la journée : malgré le nightpassa activé, il me paraît peu envisageable de faire une grosse journée de vol sans dormir.
A l'aube du jour 6, nous longeons les bords du Lac de Thoune du fameux Niesen. Le réveil a été si dur ce matin. Je suis content de marcher pour le moment à plat, sans réel effort.
Après une dizaine de kilomètres et un petit dej, nous nous lançons à l'assaut des 1700m de la pyramide sous un ciel baché. Mais il est encore tôt.
Aussitôt la pente me saisit à bras le corps. La journée de la veille a laissé des traces, mon corps est au ralenti. Derrière Jerem au téléphone avec notre meteoman, je déambule comme un zombie, pendu sur mes bâtons.
Les nouvelles ne sont pas bonnes : le ciel ne s'ouvrira certainement pas. Un énorme cunimb a beaucoup humidifié la masse d'air et la journée devrait rester grise.
Cela n'arrange rien à mon état. Je ne me suis jamais vu si pitoyable. Mettre un pied devant l'autre devient une épreuve, et à chaque instant j'ai envie de dire à Jerem que je n'arriverai pas au sommet. Je n'ai jamais ressenti une tel faiblesse auparavant en sport. Je tente de m'alimenter, de boire. Mais a simple idée de monter là haut pour un plouf me mine.
Je me répète de mette un pied devant l'autre, un geste simple si dur en cet instant.
Mathias a pris le funi et redescend dans notre direction vu la lenteur de notre avancée. Je peux donc découper l'objectif : « Nous avons fait la moitié, maintenant il faut rejoindre Mat' qui est peut-être 300 ou 400m plus haut. Et après il restera l'équivalent d'une montée à Planfait ce que tu sais bien faire même en étant en mode zombie. Accroche toi, ça va revenir »
J'engloutie tous les gels et autres barres apportés par Mathias. Il faut refaire monter ma glycémie. Nous continuons tous les trois, doucement pour enfin sentir mon corps se réveiller de nouveau. Mes jambes retrouver leurs puissances, mon cœur capable de réaccélérer. Et le mental remonter en flèche. Que ces deux dernières heures furent difficiles.
Au sommet, l'accueil est de nouveau cinq étoiles et la Suisse remporte la palme de l'hospitalité. Café et croissant au sommet, sous le ciel d'acier. Je suis résolu à tirer ce qu'il sera possible de tirer de cette journée.
Je décolle, fais un plané de 8 kilomètres et me pose sur une arête arrondie pour remonter 700m vers le sommet.
Décollage, 10 kilomètres de plané, et de nouveau 700m jusqu'au décollage d'Adelboden, fief de Chrigel.
Le ciel reste de marbre, et rien de bouge dans le ciel.
Nouveau plané, nouvelle remontée. Nouveau décollage. Nouvel alpage, où je retrouve Mathias et Jerem. Déjà 4000m dans les jambes alors que nous nous dirigeons vers un nouveau col.
L'orage gronde aux alentours, les radars s'affolent alors que Mathias doit rebrousser chemin pour récupérer un de nos véhicules.
Nous trouvons refuge dans une grange en ruine avec Jerem, alors que grêle, pluie et vent font rage dehors. J'aimerais pouvoir m'étaler de tout mon long au milieu des planches jonchant le sol. Mais nous devons rester aux aguets du créneau qui nous permettra de nous échapper d'ici.
Le pluie se calme, le vent reste. Une cellule au loin approche de nouveau. Il faut faire vite. Je décolle face au vent d'est et me jette en ouest pour un glide à haute vitesse, pour me poser sous un nouveau col. Tous ces efforts mis dans la bataille pour couvrir si peu de distance. Je regrette tant la grande vallée du valais.
Je plie rapidement alors que la pluie revient, accompagnée de Nans et Ju qui sont d'excellent humeur. Ca tombe bien, j'avais bien besoin de rire !
Nous enfilons les Kway et autres ponchos pour la fin de journée et grimpons au dernier col qui marque une nouvelle journée juste sous la barre des 5000m de D+ pour mes pauvres gambettes. La pluie s'intensifie et nous sommes contraints de descendre vers Gsteig où la promesse d'un camping tout confort emmène nos foulées joyeuses, sous les sifflements mélodieux dans le lointain d'un authentique montagnard qui semble vouloir saluer notre passage depuis son balcon.
La douche et le petit restaurant sont des moments de confort exquis et permettent de décompresser un peu et poser le choses pour la suite de nos péripéties. Demain s'annonce encore compliqué niveau météo...
Malgré tout le confort de cette douce nuit, le réveil à 4h30 le 7ème jour d'une telle course devient une épreuve. Je me souviens me demander : « et si je restais là après tout ? »
Mais la raison revient. Mathias me tend des vêtements que j'enfile comme un robot. J'engloutie mon bout de brioche au nutella et mon jus avant le vrai déjeuner un peu plus tard dans la matinée. Et revoilà la route, et le goudron.
Le premier glide se fait sous la pluie pour changer, sous des aurores que nous ne verrons pas, cachées derrière les nuages. Je m'écrase lamentable dans mon champs de posé après avoir sous estimé le taux d'humidité de ma voile. Cette météo commence à me rendre complètement dingue.
Une nouvelle marche face au Mont Blanc au sud, et un nouveau glide, me permettent de poser sur les hauteurs de Monthey, aux portes du Chablais. Un nouveau comité d'accueil super sympa m'y attend. Mais je dois les abandonner rapidement pour exploiter le court créneau météo de la mi journée.
De nouveau en super forme physique, je hausse le train accompagné d'un local très sympa qui connait les chemins de son secteur. Le val D'Illiez est bien trop humide alors que le chablais commence à s'allumer de belle manière. Vite !
Bonne ambiance à la pointe des Corbeaux, au-dessus de Chatel où je me prépare pour entrer enfin dans mon domaine ! Foutu Chablais, que je suis content d'être là !
Le ciel est prometteur, tout autant qu'il est promesse de surdéveloppements.
J'aligne sur le trait Mont de Grange, Col de Bossochaux, Super Morzine, Le Pleney et débouche dans la vallée de Samoens. Mais le ciel se bouche, des cellules sur les Aravis obscurcissent de nouveau l'horizon. L'activité thermique s'arrête. Je suis obligé de poser dans les pentes des Esserts après une petite erreur qui m'énerve passablement.
Je suis forcé de remonter au décollage des Carroz... qui s'emmitoufle dans les nuages. Une cellule passe en grondant. J'hésite à me lancer mais décide de laisser passer encore un peu de temps. Je me glisse dans ma voile pour me réchauffer... et m'endors à l'abri des arbres.
Quelques minutes plus tard, le téléphone sonne. Jerem m'annonce un créneau vu d'en bas! Je me prépare et m'y jette !
Je me glisse dans les combes sous la croix de Fer, Varan mais rien ne monte vraiment. Il ne semble n'y avoir que du vent, somme toute assez fort, qui lèche le relief, sans appui.
Je dérive une misérable bulle au-dessus de Sallanches, et peux me poser en-dessous de Combloux.
Mon terrain de jeu ne veux pas fêter notre retour...
Nous nous posons quelques minutes à Combloux, le temps d'avaler quelques pâtes, de réfléchir.
Le ciel prend de nouveau de superbes allures. Le Mont d'Arbois est le sommet envaseable le plus proche pour un vol du soir même si sa topographie est moyenne... il faut le tenter.
Une force nouvelle s'empare de mes jambes et dans les pentes de la montagne, je dépose Jerem, Nans et un local venu gentiment nous voir, et Tarquin. Après 7 jours de courses, je ne pensais pas pouvoir tenir des rythmes supérieurs à 1000m/h. Mais apparemment si !
Préparation ultra rapide au sommet et jeté dans la masse d'air avant 19h. Je rêve de Bisanne, et d'un long plané le long plané du soir le long de l'Ebaudiaz. Qui sait ? Les cumulus sont beaux.
Mais, cette masse d'air est quasi inerte, les pentes trop faibles. J'ai beaux être patient, rien ne sort et je me lance dans un glide désespéré.
J'échoue lamentablement à Praz sur Arly, sur le parking du supermarché local. J'enlève ma sellette. Et j'ai le choix entre rire ou pleurer. Sous les yeux écarquillés de Ju, je m'allonge au milieu du parking, crie un bon coup et choisis de rire un bon coup de ce coup dans l'eau ! On ne peut choisir de vivre uniquement les bons moments et les réussites. Il faut pouvoir accueillir les échecs cuisants comme celui-ci, ce qui je vous l'accorde n'est pas le plus facile, après avoir encaissé 4600m de D+ supplémentaire pour finalement avancer trop peu à notre goût.
La route qui descend doucement vers Flumet est une petite bénédiction, alors que Pierre et Vincent se relayent à mes côtés. J'accepte deux ou trois gorgées de bières, pour le mental ! Avant de monter notre campement si proche de la maison, après un repas en compagnie d'Eric et Jean-paul."
Red Bull X-Alps, partie 3 et fin:
"5h, il faut reprendre la route. Je rêve d'une longue journée de vol pour laisser mon corps se reposer un peu, et mon esprit reprendre quelques couleurs après trois jours à lutter contre les éléments.
Mais sur le chemin de notre petit site fétiche de Praz Vechin, les indications météo se confirment : la stabilité entre dans le jeu.
Arrivé au sommet avec Jerem, je décide au vu de la fatigue cumulée de ne pas me lancer dans un glide suivi d'une nouvelle montée à pieds. Un choix difficile alors que Paul remonte dans notre dos, que Chrigel file de plus en plus vers le goal.
Je m'endors quelques minutes sous le soleil qui commence à chauffer les faces est, en espérant récupérer un peu d'énergie. Monaco est comme un la vision d'une oasis en plein désert, si loin si proche, ou un mirage. On ne sait ce que la course nous réserve encore.
10h, dans le thermique de Praz Vechin. Je laisse mes amis au sol et espère les voir le plus tard possible.
Je dis au revoir à la belle pyramide du Charvin, la Tournette et la maison. Et j'entame la descente des faces est des bauges. Je suis presque heureux de m 'engager sur cet itinéraire, espérant un peu de répit.
Mais rapidement c'est l'alerte : Dent de Cons, Belle Etoile, Parc à Mouton... La stabilité baigne les faces et je descends lentement, rebondissant de temps à autre dans une bulle famélique.
Néanmoins je survie dans le petit pied convectif de très basse couche, sous les 1000m, en avançant. Je m'engage en direction de l'Arclusaz. C'est la première partie où il m'est interdit de faire une erreur. Le premier décollage est bien loin de là.
Paul se rapproche et moins de trente kilomètres nous séparent : les Aravis ont été généreux avec lui. Mais je ne suis pas très inquiet, le vrai passage à niveau approche.
Je me réfugie à Montlambert. Je connais la leçon : tu t'accroches dans la combe, tu montes ce que tu peux, tu te jettes sur la face est de la Galoppe dès que possible et ça devrait le faire.
C'est simple en apparence, mais il faut des nerfs d'acier. Un petit 1300m me permet de basculer sur la galoppe, où j'entame de nouveau un long travail de sappe. J'attrape le sommet, puis la longue attente du cycle commence... Un premier thermique me permet de mieux scruter la transition clé sur la chartreuse. Il s'effondre. C'est trop bas, je ne peux pas me lancer. Demi-tour, il faut trouver mieux.
Je centre et recentre une nouvelle bulle, qui me laisse à 1900m. Allez, c'est maintenant ou jamais !
Je me lance dans les 11 kilomètres qui mènent à la Chartreuse. Je mange, bois mais surtout rassemble ma concentration pour le raccrochage.
Je rejoins tout juste la première marche de Bellecombe, à moins de 600m. Je ne vais avoir quarante cartouches pour sortir de là, et mon apnée commence. La frontière entre le bon et le mauvais choix est si ténu. J'essaye un bout de face sud sous le vent de la brise qui ne donne rien.
Maintenant, c'est soit je fuis vent arrière dans l'espoir d'allonger mon spectre de prospection, soit j'ovalise au vent.
J'ovalise au vent, tenté par les infimes frémissements de ma brave Zéo, par la forêt sous moi, légérement en pente qui pourrait décrocher d'éventuelles bulles. Le suspense est insoutenable, et je sais qu'il est le même pour les copains au camion.
Je laisse ma voile chercher, sens une aspiration. Allez ma belle ! Et je rentre dans une bulle étroite mais salvatrice, qui me permet de récupérer les faces est menant à St Hil sous les ouf de soulagement de toute l'équipe.
Je ne peux tout de même de m'empêcher de râler dans les appuis finalement peu généreux de la forêt. Jerem me rappelle vite fait à l'ordre en m'encourageant à attraper mon barreau plutôt que de me répandre en mots d'oiseaux.
Je passe St Hil en vol sous la clameur d'un petit groupe bien installé au déco nord. Il me faut maintenant rassembler toute mon énergie pour me sortir de la stabilité des basses couches et rejoindre Belledonne. Pas question de passer par le classique St Genix et consort. Je file au Manival, et verrai bien comment la suite se profile.
Le pied de la Dent de Crolles me voit multiplier les aller-retour, pestant et rageant contre cette oppressante soupe de chaleur. Je commence à me battre contre moi-même, plus qu'avec les éléments.
Mais bientôt je peux sortir la face ouest. Mon thermique plafonne à 2400m. Je contemple la vallée du Grésivaudan, qui n'attend qu'à me happer de nouveau. Mais je dois me lancer plein est direction Prapoutel et de la grande faille du Pas de la Coche, porte des hauts massifs, sur Belledonne.
La transition est gigantesque : 13 kilomètres de rien. Le temps de se poser et reposer la question « est-ce que ça va le faire ? ». Je réceptionne un zéro sur les premières buttes qui me permet d'analyser la situation l'espace de quelques secondes, d'identifier les zones de raccrochages potentielles, d'échaffauder les plans A et B. Il n'y aura pas la place pour plus, ça va être très chaud !
Je me rattrape à une centaine de mètres du sol sous Prapoutel. La pente est faible, et je surfe un morceau d'éperon tel un funambule. Un pas de travers et je serai posé.
Je peine à m'introduire dans ces bulles trop petites, mais néanmoins elles me gardent en l'air.
L'une d'elles, plus puissante, me ramène au niveau de la station.
Après maints recentrages, quelques mètres de gagner, je peux me laisser glisser sur la face sud-ouest menant au col. La pente gagne quelques degrés d'inclinaison, je vois la brise enfin secouer l'herbe de la prairie. Je me glisse dans le thermodynamique et m'en vais patiemment percer l'inversion.
De retour au plafond à 2600m, j'annonce aux copains que je peux enfin me jeter vers l'Alpe d'Huez. Un cum trône sur Vaujany. Le raccrochage est facile et je peux exulter dans un excellent 4m/s qui m'emmène valser à 3200m ! Bye bye les Alpes du Nord !
Mais ma joie est de courte durée. Les Grandes Rousses ne délivrent qu'un suradiabatique qui me permet difficilement de me hisser au niveau des crêtes. Toute cette caillasse et pas un thermique digne de ce nom !
Je m'en vais par la face sud, en direction du plateau d'Emparis. Je commence à retrouver les vautours qui semblent aussi désemparés que moi. A grand coup d'appuis dynamiques et de jetés en bonne et due forme, je passe Emparis dans le plus pur style Fosbury !
Mais je peux me réceptionner aux pieds des belles faces menant au col du Lautaret.
J'approche de Briançon. Au loin, je vois quelques cumulus paver le ciel de belle manière. Je me prends à rêver d'un hold-up final, le passage du Viso aux dernières lueurs du jour alors que Chrigel est coincé dans les fortes brises d'Ubaye. Après 8h de vol, cette idée me rebooste.
Je remets le mode vitesse à l'approche des faces impressionnantes du col. Ca monte le long. Je veux atteindre cette vallée de Briançon le plus vite possible et m'y satteliser. J'ai fait cette partie sur Google Earth des dizaines de fois. Monétier, Briançon, Cervières, la grande face sud-ouest menant au col Agnel dans les brises du soir, la balise du Viso et un posé à la nuit... J'ai tout dans la tête. Tout.
Mais je n'anticipe pas que l'ouest se jette dans le col du Lautaret et je ne trouve pas vraiment d'appui dans les faces sud-ouest. Je sombre. Je tente chaque combe, chaque arête, recoin. Mais rien n'y fait.
Je touche maintenant la brise de Briançon. Je joue mon va-tout en vallée, en espérant trouver la confluence des deux flux opposés. Je ne trouve que des miettes inexploitables. La terre n'a plus qu'à recueillir ma colère.
Je rentre dans une fureur noire, décuplée par la fatigue. Je fais déguerpir le pauvre Christopher, le cameraman sympa qui nous suit depuis un bon moment. Je pourrais balancer tout ce qui se trouve à porter de mes mains.
Rapidement, les copains prennent le relais pour prendre soin de mon matos que j'aurais envie de faire brûler ici. Sous la chaleur, je regarde désespérément les deux derniers cumulus présents dans le ciel. Le sol tangue encore sous mon corps, après 9h de vol.
La colère et la frustration passent petit à petit alors que je refais quelques réserves de glucides avec les pâtes de Clem. Les locaux, Christophe en tête, sont venus nous rendre visite avant que nous ne reprenions la route du Viso.
Luc Alphand passe nous faire lui aussi un petit coucou dans Briançon, avant que nous nous enfoncions vers le col de l'Izoard. Le soleil s'en va en laissant de longues traces oranges, roses et violette dans le ciel. Toujours aucune gêne musculaire pour moi, même si je ne peux plus vraiment me dépouiller quand il faut accélérer le rythme. Ce qui me semble plutôt normal.
Nous nous posons à Cervières pour la nuit. Laurent est optimistes quant aux prévis pour le lendemain. Nos rêves sont faits de Méditerrané, et de repos mérité.
Jour 8, et le soleil brille. Laurent confirme un début de convection poussif, mais une bonne amélioration et de gros plafonds dans un vent d'ouest tout de même marqué.
Nous profitons d'une montée au col de L'Izoard pour décompresser un peu. Ca sent la mer. L'un de nos gros dilemme est quand activer notre dernier Nightpass disponible, et il se pourrait que si tout se passe vite et bien, nous devions l'activer aujourd'hui (avant 12h, comme le veut la règle). Nous remettons la décision à plus tard.
Nous patientons au décollage, lorsque Luc nous apporte un autre éclairage météo bien moins optimiste : ça sent l'énorme stabilité.
À une trentaine de kilomètres, le Viso nous nargue. Je laisse mes amis pour m'envoler un peu après 10h.
Je me bats pour prendre 200 pauvres mètres, avant de me lancer sur les faces idéalement exposées en direction d'Abries et de la frontière italienne. J'ai bon espoir de pouvoir remonter le Vallon de Guil en vol jusqu'au Viso.
Mais les conditions ne s'installent pas vraiment et chaque saut de crête est suivi d'une très lente remontée. Les faces est délivrent juste de quoi me permettre de survivre.
Je m'enfonce toujours plus à l'est. Les pentes s'adoucissent et bientôt mes appuis fondent. Puis rien. Un long glide et me voilà posé dans les pentes ouest au-dessus d'Abries pour rejoindre au plus vite un décollage.
Nous marchons avec Jérem, essayant de rester dans de bonnes dispositions mentales pour la suite. La journée de vol est encore longue mais nous décidons malgré tout de ne pas activer le nightpass car trop d'aléas semblent sur notre chemin vers la mer.
Au sommet de la crête de Gilly, la brise souffle et regonfle notre motivation. Me voilà de nouveau en l'air à la première heure de l'après midi. Mais il n'y a que du vent. Les thermiques ont déserté ce ciel laiteux, poisseux. Je vole dans une soupe de laquelle rien ne s'échappe. Encore moins moi et ma pauvre petite voile.
Je saute de bout de soaring en bout de soaring vers le fond du vallon. Une belle combe bien orientée me permet de sortir à 2700 dans le vent d'ouest. Mais toujours pas l'ombre d'un thermique. L'italie baigne sous une mer de nuage impénétrable. Au fond du vallon, la route s'arrête et je sais que toute l'équipe devra faire un long détour pour me retrouver. Je suis seul.
Tout le flux finit par emprunter le canal principal : le cœur du vallon. Mes reliefs, pourtant d'imposantes faces sud, ne sont plus que turbulences inexploitables tant le vent les fuit. Et je suis contraint de poser sur le sentier menant au col de Valante et à la balise, 6 kms plus loin et 1000m plus haut.
J'essaye d'accélérer le rythme sur le plat pour rejoindre au plus vite la partie raide du col. Mais les 500 derniers mètres de dénivelé croulent sous la neige. Après chaque pas j'enfonce jusqu'aux genoux. L'enfer sur Terre dans un paysage si magnifique ? Le Viso m'écrase de toute sa majesté alors que j'avance à pas de fourmi, pendu sur mes batons.
Arrivé au col de Valante, je peux être soulagé d'effacer enfin la balise du Viso mais le Queyras ne me laissera pas partir comme cela. La mer de nuage s'insinue par chaque faille, comme un virus, et je sens l'air humide remonter jusqu'à moi. Je cours jusqu'au col de Losetta où je peux enfin donner quelques news aux copains après plusieurs heures de stress pour tous.
Je m'arrache du sol et glisse dans la mélasse pour poser au pied du col Agnel où je pense remonter.
Ju et Nans sont là, et me récupère affamé. Désemparé aussi. Presque en colère contre tout ceux qui m'ont depuis toujours venté les mérites de Queyras qui ne veut finalement pas de nous.
Luc avait raison. La masse d'air est inerte.
Après des dizaines de minute à se concerter, il apparaît que remonter au col Agnel n'a aucun sens sur cet fin d'aprem. Il faut rejoindre le col de Longet pour basculer en Ubaye.
J'effectue donc un tout petit vol sous la mer de nuage qui s'épaissit de plus en plus pour poser au pied du col. Bien sûr du mauvais côté de la rivière. Je dois redescendre pour attaquer ensuite la montée.
Me voilà en train d'attaquer les 1000m sous un ciel de novembre. 1000 mètres à l'entrainement ce n'est rien. Après 8 jours de X-Alps, c'est un long cheminement. Le corps et l'esprit commencent à vouloir résister. Cela demande de la volonté de se mettre en marche, de compter pas après pas jusqu'à ce que la tête veuille bien se focaliser sur autre chose que la fatigue et l'appel du confort. C'est une sorte de retour à un état primaire. Il faut duper l'esprit, lui faire croire que c'est vital de monter là haut. Alors que l'on pourrait tout poser ici, arrêter.
Je débouche enfin au-dessus des nuages. Je vois le Mont Viso, qui aurait bien voulu ma peau mais qui me laisse finalement repartir de son territoire désolé mais magnifique. Le col n'est pas encore tout à fait là.
Mais je passe enfin la succession de petits lacs qui marque le plateau du col. Mais le plateau est long, très long. Je décide donc de monter sur les crêtes pour poser un glide qui me permettra de le passer.
Après une nouvelle journée à 4000m de D+, je suis étonné que mes jambes acceptent encore ce petit supplément. Enfin, j'étale ma voile et décolle aux lueurs du soir.
Je peine à trouver le bon positionnement, en essayant un côté du vallon puis l'autre, pour optimiser mon plané. Et c'est à ce moment qu'un aigle vient me montrer le placement parfait, au milieu, et ma finesse se stabilise autour des 11. Un peu de bienveillance me fait chaud au cœur et je remercie mon ami ailé qui s'en va comme il est venu.
Mon vallon se termine par un étranglement très marqué et ma finesse se détériore de nouveau. Est-ce que cela passe pour économiser quelques kilomètres ? Un énorme torrent coule au fond et il n'y a aucun posé. Je fais mine de tenter, puis me ravise pour m'écraser dans le dernier champ envisageable. La garce de fatigue a failli m'avoir !
Je redescends un petit chemin à flan de montagne. Nous sommes pas vraiment à la plage, comme nous l'espérions aux premières heures du matin. Il n'y a jamais rien de très prévisible sur cette course, il faut simplement parer aux aléas, prendre des décisions rapides et claires. Ce qui n'est pas toujours simples tant le spectre peut être large.
Je retrouve avec joie Ju, Mathias, Jerem, Nans et Damien qui est venu nous rendre visite avec son fameux : « en 15 ans dans le Queyras, je n'ai jamais vu une telle stabilité ! ». Merci Damien pour le réconfort !
Un local super sympa nous propose la douche après notre repas dans son petit village de Maljasset, où nous passerons la nuit. Mais je suis tellement fatigué, que la douche n'aura pas mes honneurs, au grand dam des copains surement.
Nans m'accompagne au petit matin pour notre première montée. Mon corps ne répond plus très bien à l'effort, je ne peux plus vraiment accélérer et cela me rend irascible. Le vent qui descend de la montagne n'arrange pas mon état d'esprit. Mais Nans reste optimiste, me montre ce qui semble être pour lui le spot parfait pour notre premier glide. J'acquiesce sans entrain.
Des chamois au-dessus de nous font rouler des pierres en prenant peur et nous nous cachons derrière des rochers un peu plus gros pour ne pas nous faire assommer. Les gars, il s'agirait de ne pas en rajouter.
Enfin, nous débouchons au décollage pointé par Nans : il est parfait, el guido, de son surnom, avait raison. Je décolle et lance un grand merci à Nans qui lui va aussi pouvoir redescendre en volant auprès de Ju.
Mon glide est très rentable et me voilà aux portes de St Paul en Ubaye où Mathias prend le relais pour la deiuxème montée. Il m'annonce la couleur : 7 kms, 1200m de D+. A l'annonce, je manque de défaillir mais me ressaisit. C'est parti pour mon 35 000m de dénivelé de la course...
Mon esprit a envie de lâcher, plus que jamais. Mais il n'y a pas d'autres voies. Mathias, malin, utilise la technique suivante : « tu vois le sommet est juste là ». Et une fois arrivé au sommet de la bosse, « non mais c'est encore un peu plus haut ». Et ainsi de suite. Il découpe l'objectif. Je me cale dans ses talons et essaye de ne plus réfléchir.
Je m'assois enfin sous le sommet du Paneyron. Les veines de mes jambes commencent à être bien trop visibles.
Nous recevons les dernières infos météo de Luc et Laurent : c'est encore assez stable, tout de même moins que la veille, avec de l'ouest marqué.
Au fond de moi, je sais que tout le challenge est de passer au vent de la Blanche. Après je serai dans mon second jardin. Et je sais que si j'arrive là-bas, il n'y aura plus de fatigue, plus de lassitude. Je serai heureux.
Je quitte Mathias et me lance à l'assaut de l'imposante face est de la Tête de Vallon Claous. Je remonte le long de toute la caillasse surchauffée par les rayons du matin. Mais je tape sous l'inversion à 2600m.
Je glisse sur le plateau de St Anne de Condamine pour me récupérer sur Pointe Fine, et déboucher dans la vallée de Barcelonette.
Ma remontée à l'ouest vers le Grand Bérard est vite stoppée par le vent. Et je n'ai d'autre choix que de transiter sur Praloup. Je me bas tant bien que mal sur le village mais la stabilité de basse couche me force à poser pour remonter le plus vite possible au décollage de Péguiéou.
Nous forçons le train avec Nans, et Bubulle le local parti en éclaireur. Nous forçons autant que je le peux. Il faut arriver avant que l'ouest n'envahisse les faces sud.
Les cycles sont toujours vigoureux et je me jette au plus vite dans la bataille.
Je sors le Peguieou, et entame le mythique verrou de la blanche. Je commence par forcer la Grande Soléane. Ma voile jamais n'abdique face aux coups de boutoirs de la masse d'air et je me jure de ne lâcher la barre que si je prends tout sur la gueule.
Je passe au vent de la Soléane pour entrer dans Lavercq. Le flux est toujours trois quart face, mais j'ai bon espoir qu'il y ait un effet de rotation dans le fond du vallon pour passer le col de Vautreuil. Je force tant qu'est plus, en arrache ma sellette mais petit à petit, je sens le flux doucement changer de direction. La masse d'air se met à porter, puis à me pousser. Le col est de plus en plus bas dans mon champ de vision. Je reste concentré jusqu'au dernier coup de Trafalgar que pourrait m'offrir la Blanche. Mais il n'y en aura pas. Me voilà sur la longue crête rassurante, en terrain connu. Je crie ma joie aux copains. Elle est véritable.
L'espace de quelques instants, je suis plongé dans une sorte de torpeur. Je glisse dans un dynamique doux le long des faces ouest encore tièdes. Il n'y a toujours personne dans le ciel, sauf les planeurs et les vautours. Toute la tension accumulée commence à disparaître et tout ça sent la fin.
Carton est endormi. Cote longue beaucoup moins. Je passe la balise du Cheval Blanc et enquille Lambruisse, puis les antennes sans mal.
Alors que je passe au-dessus du décollage de St André où personne ne vole, je me fais happer par l'émotion. Cela semble irréel d'être ici après être parti du fin fond de l'Autriche. J'ai beaucoup de peine à retenir mes larmes tant cela revête un sens profond, qu'il serait vain de vouloir décrire. Mais c'est le ventre qui se serre, et la sensation de partir. Un peu.
La douce voix d'Antoine me sort de la marmite alors que j'aligne la crête des Serres. Il me donne quelques indications et encouragement. Ainsi que Luc qui commence à bien exciter mon portable avec ses conseils précieux. Je suis bien entouré.
Vauplane n'est pas extrêmement généreux et Luc me pousse à avancer sur Soleilhas. « Tu devrais trouver une confluence par ici ». Deux minutes plus tard, m'y voilà ! Merci maître Luc !
Je retrouve la crête menant au Col de Bleine. La stabilité s'intensifie dans l'humidité de la côte. Je ne distingue pas encore la mer dans l'atmosphère laiteuse.
Après avoir exploité une bulle poussive, je peux me jeter sur Gréolières. Mais les brises se meurt et je suis forcé de poser sur le chemin menant à Coursegoule.
Nous faisons rapidement un point par téléphone avec Jerem et Luc. Si je veux être dans la vallée du Var à 21h, je dois encore placer deux vols. L'un à Coursegoule, l'autre... sur un décollage potentielle qu'a repéré Luc sur Google Earth. La course contre la montre commence.
Sous la chaleur, je cherche mes dernières gouttes d'énergie. Le chemin pour Coursegoule me paraît interminable et c'est presque avec plaisir que j'entame les zig zag raides vers le décollage. Je décolle, suivi d'Arthur qui va m'aider pour trouver le dernier décollage.
Je peux enfin voir la mer, une vision quasi mystique.
Nous posons sur le long plateau du Gourbel. Il est plus de 20h. Je cours dès que possible entrainé par Arthur. Il faut faire vite. Une descente, et la terrible montée finale. Il y a 100m. Il est 20h45. Mes jambes attrapent littéralement le reste de mon corps, et je m'explose une dernière fois le cardio à grand coups de batons rageurs. Arthur ne peut suivre. J'ai le temps de jeter mon matériel au sol attraper mes avants et courir comme un dératé sur la pente trop plate, quand je le vois déboucher dans mon dos alors que je quitte le sol. Il est 20h52. Je plonge vers le fond de vallée.
Au sol, je rejoins une équipe heureuse. L'aventure se termine bientôt. Nous savourons une pizza et une bière, avec Mathieu et Simon qui nous ont rejoint, comme lors du départ de la X-Pyr.
Puis nous repartons dans la nuit, utiliser notre dernier nightpass, pour profiter de la fraicheur nocturne. Il reste un peu plus de 30 kilomètres de chemins vallonnés pour rejoindre le Mont Gros.
Après quelques heures de sommeil, viennent les dernières heures de course sur les chemins de l'arrière pays niçois. Mon esprit commence à s'évader au fil des émotions qui passent. La conjonction des choix et des situations est toujours une alchimie indéchiffrable.
A l'aube d'un choix, tout peut glisser ou à l'inverse s'enrayer. Chacun nous mène souvent sur des voies inattendues, ou en tout cas par des voies inattendues pour rejoindre le bon port.
Je me rappelle mes yeux dans le vague, des sentiments forts et parfois contraires. Celui d'avoir achevé quelque chose de beau, sans avoir atteint une forme de perfection. Déjà une mélancolie des jours passés les cinq ensemble, et le soulagement d'en finir, et de donner le repos mérité à mon corps fatigué par les 467 kilomètres et 37 000m de dénivelé parcourus à la force des jambes. L'envie de me jeter dans le bras des copains qui ont fait tant dans la réussite de cette course, et à la fois l'envie de rentrer en moi. Essayer de fixer tout ça dans un coin de ma tête, car je sais que bientôt l'euphorie et la joie, qui ne sont pas source de bonheur durable, s'effaceront. S'effaceront parce qu'on ne peut rester dans l'immobilisme des moments et des souvenirs, et que c'est parfois injuste de penser que tout cela ne sera plus que poussière quelques jours plus tard. Mais c'est le socle pour bâtir, repartir vers des horizons similaires, différents. Comme Sisyphe et son rocher. Monter au sommet de la montagne, redescendre. Monter à nouveau.
Sous l'arche de l'arrivée, Jerem, Mathias, Ju, Nans et moi sommes comme des marins du ciel et des montagnes face à l'infini de la mer."
Red Bull X-Alps, Acte 1:
Ce récit dort dans ma tête depuis tant de mois, comme un fantôme.
Je me suis souvent lancé dans les premières lignes sans pouvoir les poursuivre. Sans réussir à trouver la musique qui accompagne chaque écrit mais aussi chaque aventure. Comment expliquer à vous qui lirez cette idée qui germe un jour, au détour d'une conversation avec un pote. Puis qui fait son chemin, qui s''éloigne, revient, pour devenir une obsession. On dit souvent que les idées sont plus fortes que tout. Je crois en avoir une preuve, inscrite dans ma tête et dans ma chaire. Elles peuvent changer tant de choses, faire basculer une vie.
Peut-être ai-je enfin trouvé comment raconter la X-Alps, à deux voix. Celle du passé, et celle du présent. En sélectionnant les moments. Car comment raconter dix jours qui ont été comme une petite vie ? Je voudrais frénétiquement tout dire, raconter les trois années qui ont précédé cette course. Dire comment un type frêle, qui n'y connait rien en endurance, qui malgré tout a pour lui le vol quand il arrive à aligner les étoiles, peut entreprendre de performer sur une course de 1100 kilomètres. Mais je ne me lancerai pas là dedans, pas maintenant.
Si j'écris aussi seulement aujourd'hui, c'est que j'ai envie d'essayer de retrouver les frissons de la course. Les transmettre aussi, d'une certaine manière. Savoir pourquoi je vais y retourner aussi, me relancer sur deux années qui tendront vers ce but. Ce récit ne dira aussi jamais assez combien Jerem, Nans, Mathias et Ju portent à bout de bras la course. Et je m'en excuse d'avance.
"A la fin de la première journée, je me souviens être allongé dans mon lit, enfin, après une journée passée sous le gris et la bruine, entre les nuages. Je sens les battements de mon cœur dans poitrine, ceux là même qui vont m'empêcher de fermer les yeux avant un petit moment. Malgré tout, il est plus calme qu'avant de franchir la ligne de départ, là où je tenais à peine sur mes jambes, où je retenais difficilement mes larmes devant mes amis.
Mais cette fois, la course était lancé, je pouvais enfin savourer la fin de cette attente si longue, presque insupportable.
À 5h, nous voilà déjà en train de marcher le long de la route qui mène au TP2 de Wagrain avec Nans, pendant que le reste de la troupe plie le campement. J'essaye d'avaler mon bol de Muesli tant bien que mal à une heure si matinale.
Nous passons Wagrain, et montons sur les pistes de ski qui surplombent le petit village autrichien.
Je me rappelle sentir mon corps engourdi, endormi. L'effort de la montée me faisait mal ce matin là.
Une première fléchette, un deuxième bout de petit dej avant de repartir pour une longue montée.
Mon corps ne répond pas correctement. Je mets la musique, pour éloigner les mauvaises pensées du type : « on est seuelement le 2ème jour, et tu es déjà cuit ! ».
Un deuxième petit vol, une troisième montée avec Jerem, à petits pas, pour laisser revenir les sensations.
Nous sommes légèrement en retard sur un pack de 3 ou 4 pilotes qui attendent au décollage l'établissement des conditions thermiques. Chrigel décolle juste avant que nous arrivions au sommet. C'est la ronde des petites bulles évanescentes. J'ai le temps de me poser un peu, regarder, écouter les copains, discuter. Une belle journée s'annonce. Il faut déjà rejoindre Aschau.
Après 45 minutes d 'un début de vol poussif, nous formons un groupe de 4 sur la route du nord-ouest : Benoit, Paul, Chrigel et moi naviguant le long des grandes faces sud du Parc du Berteschgaden. La masse d'air est plutôt humide, avec une tendance nord, nord-est.
Tout le monde se regarde un petit peu, la situation est typique d'un petit groupe de compétition ce qui est confortable.
Au raccrochage de Lofer, Benoit prend un peu de retard. Puis Paul.
De concert avec Chrigel, nous accélérons le rythme dans cette masse d'air plutôt bonne. Il ne faudrait pas en manquer une miette.
L'expérience en Coupe du Monde sur des parties de vol plutôt aisées, où il faut jouer la vitesse de vol, ne pas être trop attentiste, est inestimable. Et rapidement nous débouchons sur la plaine allemande, et Aschau est en finesse, poulies soudées. Nous devons, à crève cœur, aller signer le panneau à l'atterrissage.
Au sol, je retrouve toute l'équipe pour un bref arrêt signature, autographe, speech. Assez inhabituel pour une compétition de parapente. C'est festif. Mais il est encore tôt, il faut tout faire pour tirer partie de la convection et nous quittons nos hôtes rapidement.
Dans les 1000m qui nous séparent du décollage, enfin mon corps répond bien et nous pouvons avaler le dénivelé au plus vite avec Nans.
Doute d'aiguillage, doute du bon décollage font partie du lot habituel en marche et vol. Une dizaine de minutes de perdue, un bout de colère, et voilà Chrigel en l'air, et Paul qui nous rejoint. Il est temps de s'activer.
Je peux rapidement lâcher Paul, bien trop conservateur, et chasser Chrigel sur la route de l'Italie. Je le recolle à la faveur de quelques bons placements dans du vol de vallée atypique, sous plafonds bas.
Je bafouille un raccrochage, puis un départ en transition en regardant trop l'animal. Conséquence : je dois me replier sur un plan B pendant que je le vois sortir dans un bout de combe.
L'heure avance, le vent présent en basses couches tend à lessiver les faces.
Je me récupère une première fois. La deuxième est encore plus laborieuse sur la montagne d'Hohé Salve, où le bleu règne en maitre.
Dans ces situations, il y a toutes ces émotions qui veulent nous submerger, l'imagination qui se fait la malle. Il faut la ramener ici, et maintenant. Retrouver la concentration. Même quand rien ne monte, même quand de simples nuelles décharnées trônent comme des ombres au-dessus de la montagne. Cette montagne trop conique pour être honnête. Où tout fuit sur les bords.
Grâce aux encouragements de Jerem et toute l'équipe, je trouve enfin la porte de sortie sur le plateau de la face sud pourtant bien ombragé. Mais je ne demande pas mon reste et peux m'enfuir de ce piège.
Une superbe combe ouest me fait de l'oeil alors que le soleil revient d'un jeu de cache cache derrière la nimbe de cunimbs qui commencent à se développer un peu partout. Je me jure d'écraser tout le débattement de mon accélérateur jusqu'à taper dans l'ogive nucléaire.
Elle est bien là et je peux me remettre en orbite. Chrigel est juste 3 kilomètres devant. Je peux laisser retomber mon rythme cardiaque. Souffler, boire.
Les énormes faces nord de la crête frontière sont dans le noir. Quelques éclairs commencent à fendre le ciel. Poser au pied marquerait la fin d'une belle journée de vol. Mais avant cela, nous devons sauter un col. En fin de cycle, je pars 200m sous l'ami suisse.
Je commence une infernale partie de speed riding, à plus de 70 km/h au fond d'une vallée suspendue quasi imposable. Mon salut se fera par le vol. Je tente des appuis à gauche et à droite du vallon, pour me dire finalement que je maximiserai ma vitesse en plein milieu du flux, comme un kayakiste. Ma finesse s'améliore... mais je constate avec horreur que ma vallée est fermée par une énorme ligne haute tension. Aucun choix possible, il faut que ça fasse. Je rentre les bras, respire. Et laisse la ligne quelques mètres sous ma sellette. Je suis presque content de voir l'orage gronder sur les faces qui me surplombent.
Notre jeu dangereux s'arrête ici, à Krimml. Un peu de marche nous amène au départ des sentiers menant à l'Italie. Ceux que nous emprunterons demain, en direction de Kronplatz.
La marche s'avère belle, mais longue malgré tout. Il nous faudra cinq heures pour rejoindre un décollage sur les imposantes faces sud-est italiennes. Nous ne sommes pas loin d'Antholz et de son site à record, mais nous allons devoir faire du saute mouton. La X-Alps n'emprunte que peu les grands axes. J'abandonne Nans et Jerem qui redescendront en biplace, sur notre décollage baigné dans la neige, à 3000m.
S'engage un jeu du plus malin avec Chrigel. Trop timide, trop timoré, je fais une énorme erreur en allant rechercher mon ami helvète qui s'était cacher entre les nuages. En me voyant faire, il part sur sa transition alors que je finis de rebrousser chemin. Bien sûr, le thermique n'est plus là et j'ai maintenant un déficit de 200 mètres qui seront cruciaux au raccrochage.
Je le vois partir, alors que mon travail dans la brise de pente naissante devient un long calvaire. Avec le recul, assis confortablement au fond de mon canapé, je fais encore des bonds en repensant à ce moment.
Malgré tout, enfin sorti de mon trou, je peux voler seul, efficacement, en suivant mes lignes. Les montagnes sont si imposantes ici, je dois trouver les failles pour remonter au vent. Un jeu excitant, dans un ciel marqué de gros joufflus qui m'inquiètent pour la suite de la journée qui contient déjà son lot d'énormes difficultés.
Je repasse sous Chrigel avant la grande transition vers Kronplatz. Je lâche un peu vite mon 3m/s, et vais aller échouer dans les basses couches de la face sud sous le vent un bon moment. Je transpire à grosses gouttes. Je ne peux en aucun cas me permettre de poser ici, ce serait la certitude de voir Chrigel s'envoler, et les autres me revenir dessus.
Enfin je peux à mon tour poser et signer le panneau dans un état avancé de frustration. Je n'ai pas bien volé. Mais il faut maintenant prendre une énorme décision : contourner la zone aérienne d'Innsbruck par l'est ou l'ouest. Une décision majeure dans cette course : les deux lignes sont séparées de plus de 60 kilomètres.
Ensemble, nous nous décidons pour l'est, au vu du ciel plus menaçant à l'ouest. Mais aussi pour avoir la route ouverte par Chrigel.
Le ciel est incroyable, les conditions fortes mais saines. Je peux repasser la chaine centrale assez aisément. Mais la vallée de Zell Am Ziller est truffée de zones aériennes. Je lève, contre mon gré, le pied essayant d'imaginer quelle ligne est à la fois safe et directe. J'ai les yeux fixés sur la carte, et le ciel m'importe bien peu. Enfreindre une zone équivaudrait à un arrêt de mort pur et simple.
Traverser la vallée d'Innsbruck représente le summum du vol en zone réglementé : je suis à moins de 500m de la CTR que je laisse sur ma gauche, et limité en altitude par la TMA. Je ne vis plus mais je sais qu'une fois cette difficulté passée, je pourrai retrouver ma sérénité. Encore faut-il raccrocher la maudite face sud au-dessus de Jenbach qui est à la croisée de trois vallée, sous le vent.
Mon gps hurle alors que j'enroule à moins de 400m de la CTR. Mais bientôt je peux passer au-dessus du plafond de celle-ci, basculer hors TMA et me voilà sauvé.
J'accuse maintenant une petite heure de retard, ayant été bien trop hésitant. Mais me voilà sur la route du Zugspitze, au milieu de ces montagnes si particulières, taillées dans la roche, aux dénivelés si imposants. Les conditions sont viriles, et je peux utiliser toute la vitesse de la Zeo.
Que c'est beau. J'aime beaucoup voler en terrain inconnu. L'imagination est sollicité à chaque seconde. C'est moins reposant, mais c'est stimulant. Ouvrir les yeux, imaginer les écoulements au milieu de ces pyramides de pierres. Imaginer les zones qui surchauffent, et à l'inverses les pièges.
L'ombre d'un énorme congestus en passe de devenir cunimb sur Garmisch met tous mes voyants en alerte. Je dois absolument passer pour rejoindre Lermoos. Les brises de pentes sont très affectées, et la pluie s'abat sur la ville que je laisse à main droite. Une belle tache de soleil me fait de l'oeil. Je maximise mon plané. Ma Zeo commence à gigoter, je retiens mon souffle puis entre enfin dans le tube, monte, et m'échappe de ce passage compliqué.
Je navique maintenant sous le Zugspitze et suis en finesse de TP5, après 200 kilomètres de vol ! Jerem en radio :
« - Chrigel vient de redécoller
Oui, il a bien du prendre de l'avance... fais chier
Non mais il vient de redécoller devant toi !
Quoi devant moi ?... Ah putain oui je le vois ! Mais qu'est ce qu'il a foutu ?!
Je sais pas, mais on l'a recollé ! »
C'est ainsi que nous arrivons l'un derrière l'autre à Lermoos après un vol exceptionnel, durant lequel nous avons pu faire le trou sur le reste de la meute.
Mais à la X-Alps, il n'y a aucun répit. Aucun. Nous venons de faire 200 kms, mais nous voilà à devoir choisir entre remonter à un décollage 1000m plus haut pour le vol du soir... ou oublier cette option à cause des cunimbs qui nous cernent.
Finalement, nous remontons.
Jerem m'accompagne. Je me sens en pleine forme et j'ai envie de lâcher les chevaux dans la montée. Doucement, ce n'est que le troisième jour...
Nous sommes de nouveau en l'air avant 19h. Le soleil de juin est encore puissant pour nous offrir une belle heure et demie de vol. Mais le ciel est menace, perturbé. Nous avons la zone de bleu pour nous, mais elle pourrait ne pas s'éterniser.
A la faveur d'un bon recentrage, je peux enfin prendre un bon contrôle de 200m sur Chrigel. A moi maintenant d'essayer de mener la danse. Je me jure de ne pas craquer cette fois !
Je lance les hostilité en direction de la grande vallée qui mène à Landeck. Le soleil se cache derrière les gigantesques nimbes. Il ne reste plus qu'un étrange flux de nord-ouest, étonnamment fort.
En me jetant dans la vallée, je n'ai que le temps d'apercevoir Chrigel qui effectue un quart de tour droite en direction d'un petit sommet. Sur cet axe, la route est barré par d'imposants sommets. Il est 20h. Je continue sur ma lancée.
Bien-sur de l'autre côté du massif, c'est le toboggan. Tout le flux vient s'écraser sur ma tête. Mais j'ai une dernière carte à jouer : les ressauts sous le vent.
En basse couche, d'étranges bulles pulsent régulièrement, et poussé par le vent, je grappille kilomètre après kilomètre. Je pose enfin, juste après 20h. Avec cette impression d'avoir fait le job. Je n'ai pas encore allumé le tracking. L'orage approche. Je me dis que je n'aurais pas pu faire beaucoup mieux. Je ne sais pas ce qu'est allé faire Chrigel dans la montagne. Pas encore.
Je profite de rigoler un peu avec Mathias, de décompresser, souffler. Mais rapidement, la petite troupe de pilotes venue à notre rencontre nous informe qu'il est en l'air. Il a posé, marché et redécollé.
Et le voilà qui passe au-dessus de notre tête alors que je commence à marcher le long de la route. J'aurais envie de me mettre à sprinter, ce qui n'aurait aucun sens. Je suis battu. Il s'en va poser une petite dizaine de kilomètres plus loin. Il m'aura eut toute la sainte journée !
Le front orageux, d'une puissance incroyable, finira de recouvrir l'amertume de cette fin de journée. Une marche sous la pluie jusqu'au court repos.
Jour 4 commence par une longue marche sur le goudron. Quasiment 30 kilomètres, à nous amuser de nos cernes de plus en plus marqués avec Nans. Le manque de sommeil est une épreuve difficile. Chaque matin ressemble au précédent, en pire. Mathias est le plus solide pour réveiller tout le monde à 4h30. Chaque matin, j'ouvre les yeux et je me demande pourquoi cette obsession pour une course de maso. Ce que je ne sais pas encore, c'est que le plus dur est devant.
Au bout de ces 30 kilomètres, il est temps de se mettre en route droit dans la pente direction un décollage. Luc, au téléphone, nous presse : « ça va être bon plus tôt que ce que vous ne pensez les gars ! Allez ! ».
Jerem est malade, et la montagne que nous avons choisie, quelques combes avant celle de Chrigel, est vraiment inappropriée! Entre blocs et brounchous en tout genre, c'est le vietnam.
Entre deux blocs, nous parvenons à faire tenir l'aile. Je peux m'arracher du sol un peu après 10h30. Avec une clef, et la fermeture de mon cocon arrachée. Je parviens à me défaire de la clef... Mais pour le cocon, il va falloir faire avec jusque Davos, à un peu moins de 60 kilomètres.
Les imposantes faces sud-est sont placées sous un fort vent de secteur ouest, d'environ 25 km/h. C'est du bien fort en l'air. Deux thermiques plus loin, je ne fais plus façon de ma Zeolite qui reste ouverte tant bien que mal alors que je cherche juste à suivre ses mouvements.
Les plafonds montent, et je commence à beaucoup souffrir du froid, en short sans pouvoir fermer mon cocon. J'essaye de me concentrer pour ne pas penser aux tremblements qui me secouent.
Je dois me placer avec beaucoup de subtilité dans ce vent, et anticiper assez en avance mes lignes. Le secteur avant Davos est fait de hautes montagnes et de hautes vallées suspendues. Il est encore très enneigé, tellement que nous avons du prévenir en amont l'organisation de notre route, et glisser des petits crampons dans la sellette. Mais mes yeux sont sidérés par la beauté de ce qui s'étend sous moi.
Là où Chrigel a fermé sa trajectoire sous le vent et eut des difficultés, j'ouvre au vent. Un superbe cumulus me fait de l'oeil et pourrait bien être ma porte de sortie.
Je trouve la superbe colonne et me sattellise à 3700m. Je meurs littéralement de froid mais je peux enfin passer cette zone compliquée, négocier deux thermiques, et poser au TP6 de Davos.
La foule me happe, et j'aurais presque envie qu'elle m'enveloppe pour me réchauffer malgré le grand soleil. Ju et Nans me rejoignent après une course contre la montre. Contourner de si hauts massifs n'est pas mince affaire pour eux. Aucun temps pour la réparation, juste le temps de prendre mon pantalon de ski de rando pour le vol de l'après midi. J'aimerais tant profiter de ce cadre idyllique pour une ou deux heures de relâche. Même trente minutes à vrai dire. Mais c'est impossible. Chrigel est déjà en train de déplier 400 ou 500m au dessus de nos têtes. Il est temps de se remettre en mouvement.
Nous attaquons la montée sur les faces sud-est de Davos alors que notre suisse décolle. Il n'a pas creusé le trou depuis hier soir. Il faut s'accrocher.
En l'air, enfin. En direction de Chur, je suis tellement heureux de retrouver des lieux familiers, que j'ai exploré en Coupe du Monde. Mentalement, c'est un avantage énorme. Je peux me relâcher un peu, me rappeler les bons souvenirs de course, et les points clefs.
3600 avant de traverser Chur, 3600 à Calanda la montagne des rodéos inoubliables. Le vent d'ouest est moins sensible ici. Mon esprit omettrait presque ces nuages qui viennent obscurcir mon horizon.
C'est d'abord leur ombre qui me gêne et j'ai du mal à trouver le bon placement. Elle me met rapidement en difficulté. Je perds du temps à retrouver un noyau.
Je monte mais je vois l'horrible scénario se jouer sous mes yeux. La cellule au sud de ma position rejoint celle au-dessus de ma tête. Je vois la nimbe du nuage sous lequel je vole taper la tropopause. Puis la pluie, puis la grêle, tout ça dans un thermique bien puissant. Je n'ai plus beaucoup de temps pour analyser la situation, de peser le poids entre performance et sécurité. La route de l'ouest est barrée. Celle du sud aussi. Je ne peux me dérouter qu'au nord mais je dois encore un peu monter : le haut plateau du Glarner Vorab rend ma situation difficile. La grêle s'intensifie.
Enfin, la mort dans l'âme je peux me jeter dans les faces nord. J'ai espoir de pouvoir trouver une autre route. Quelques petits cumulus trônent au large.
Mais rapidement, tous s'évanouissent. Comme si l'énorme zone active venait vider de son énergie les alentours. Comme c'est souvent le cas. Je n'ai d'autre choix que de poser en altitude, sur un chemin menant à un col.
Moi qui venait de retrouver des lieux connus, me voilà de nouveau hors des sentiers battus. Je marche jusqu'au col, contemplant l'orage qui s'abat maintenant sur la vallée menant à Disentis. Quelle cruauté ces 45 minutes de retard. Et cette foutue neige qui m'engloutie à chaque pas, rendant mon avancée si pénible.
Je récupère un peu de réseau au col. Je peux appeler l'équipe, décider quoi faire. Je suis bien placé pour ce soir. Titlis, où a posé Chrigel, est à moins de 60 kilomètres. Le soleil revient. Il me reste encore un peu d'espoir de combler un peu de retard.
Je redécolle. Une succession de belles faces nord-ouest s'offre à moi. Il n'est que 17h30.
Mais je déchante rapidement. Tout est poussif. Tout a été lessivé.
Je réussis tant bien que mal un plein à 3000m. Ce qui sera le dernier thermique de la journée, un peu après 18h.
Puis mes rebonds dans les restes de brises de pente, ressemble à une lente agonie, mais je peux finalement me jeter dans le Klausenpass. Un nouveau cunimb s'annonce par l'ouest et il fait maintenant sombre partout. Je ne peux que me laisser glisser le plus loin possible.
Un cable repéré au dernier moment m'oblige à m'écraser dans une infame contre pente au-dessus d'un village.
Je suis secoué par le choc, autant que par la claque de la journée. Je déambule avec ma voile en boule et mon casque de travers, à la recherche d'un improbable décollage. Heureusement, les copains me rejoignent et me raisonnent. Il n'y a aucun décollage à proximité, la journée de vol est terminée. Elle ne pouvait pas se finir comme ça. C'était presque injuste. .
Le frère du premier vainqueur de la X-Alps, Kaspar Henny, vient à notre rencontre. Nous pouvons échanger un peu pendant quelques minutes de repos. L'orage gronde de nouveau, il pleut.
A nos pieds s'étend la vallée d'Altdorf. Titlis a vol d'oiseau est si proche. Mais si loin à la force des jambes. Monter au Surenenpass, déboucher dans la vallée d'Engelberg, enchainer sur les 2000m de dénivelé du Titlis. Le cinquième jour ne pourra être qu'une épreuve colossale. Dans une physionomie de course chamboulée"
La suite:
Le soleil n'est pas encore levé sur le cinquième jour. Et Ju, Mat' et moi sommes déjà en route pour le Surenenpass. 1700m de dénivelé nous séparent de cette faille vers le Titlis. Un échauffement dantesque pour une journée qui s'annonce particulièrement longue. Le ciel pré frontal n'augure rien de bon.
Malgré tout, les rayons du soleil filtrent à travers les nuages. Je crois à un petit créneau qui m'économiserait de précieux mètres. Mais notre avancée dans la neige est fastidieuse. Enfin au col, nous devons escalader la congère qui fait deux bons mètres de haut. Le soleil continue de donner un peu d'énergie : de petites barbules forment, accrochant les pentes. Vite, un décollage. Nous en trouvons un, si raide que j'ai du mal à tenir debout sans l'aide de Mathias. Je manque un gonflage et réussis à ne pas débarouler dans la pente. Le deuxième est le bon. Il n'est que 8h45, mais je suis gonflé d'espoir.
Les faces est comment à délivrer quelques bulles. Je navigue le long de la pente en évitant plusieurs câbles tirés de manières aléatoires par les locaux. Après ce petit cheminement, j'ai tout juste de quoi me jeter aux pieds des falaises du Rostockli, une face est si abrupte qu'elle est en dévers... Je retiens mon souffle mais rapidement les effluves de chaleur me happent. Je peux remonter, profiter un peu de cette petite réussite après la claque de la veille. Bien-sur je ne poserai pas en haut : mes chers petits cumulus ne sont qu'à 2200m. Le sommet est 1000m plus haut.
Mais en posant sur les pistes de ski du Titlis, j'économise à mes jambes et mon cœur 1000m.
De nouveau à pieds vers le sommet, je peux voir le ciel se fermer complètement. Le créneau aura duré moins d'une heure.
Je suis si heureux de retrouver Nans et Jerem à mi chemin du sommet. Je peux me délester du matériel non obligatoire (eau, nourriture, doudoune, 2ème GPS, etc.) ce qui allège considérablement mon sac. Au bout de cinq jours de courses, chaque gramme a une importance considérable pour le physique, mais peut-être encore plus pour la tête.
Enfin le panneau est en vue ! Dans une ambiance étrange : la sommet est surpeuplé par les touristes, notamment indiens. En voyant quelques caméra se masser autour de moi, beaucoup devienne curieux et c'est rapidement la ronde des selfies qui n'ont aucun sens. Ils doivent penser que je suis une star, ou quelque chose comme ça.
Ce qui nous préoccupe plus, c'est que le sommet est dans le blanc. Impossible de décoller. Nous trouvons refuge dans le restaurant du sommet pour réfléchir. Et si ça ne s'ouvrait pas ? Que faire ? Endurer une descente à pied infernale ? Très rapidement, l'idée du nightpass se pose. Nous devons informer les organisateurs avant midi : le temps presse alors que la neige s'abat maintenant sur le sommet.
Jerem téléphone à Laurent, notre meteoman, puis Luc, pendant que j'essaye d'avaler difficilement quelques frites. J'ai beaucoup de mal à m'alimenter depuis le matin.
Jerem raccroche et me présente les choses de cette manière : « Bon Luc dit que la Zeolite vole très bien sous la pluie. Si tu décolles, tu accélère à fond jusqu'à sortir du rideau et tu secoues de temps en temps les élévateurs. Puis mollo sur les commandes le temps que ça sèche. Sinon, ils disent qu'il devrait y avoir un créneau dans l'heure ». Facile !
Nous décidons tout de même d'utiliser le night passe au cas où et l'annonçons à Christoph, le directeur de course. Je m'allonge quelques minutes à même le sol sous le regard amusé des touristes. J'aimerais pouvoir m'endormir. Mais je ressens mon cœur taper contre ma poitrine, entre l'effort, l'altitude et le stress de ce qui m'attend.
D'un coup, une percée. C'est le branle bas de combat. Dehors, la neige fouette mon visage, ainsi que le vent. Nous basculons au-dessus de la barrière qui interdit l'accès à la face sud. La pente est très raide et ennéigée ; 1800 mètres de falaises tombent à pic jusqu'au fond de vallée. Le nuage qui se déverse sur nous est sombre. L'atmosphère est insoutenable. J'attrape fébrilement mes commandes et mes avants, pendant que Jerem tient ma brave Zeo ancrée au sol.
Je souffle un grand coup, et monte la voile qui m'arrache du sol à peine retourné. J'attrape l'accélérateur dans la seconde en me jurant de ne pas le lâcher. Je sors du venturi fond de cale, et sens rapidement la neige se transformer en pluie abondante. Je fonce droit devant, où se profile une fichue zone aérienne sous laquelle je vais devoir passer. Je secoue les élévateurs par intermittence alors que j'arrive enfin sur le bord du nuage. Je peux commencer à voir le soleil filtrer.
Je dois maintenant perdre 400 mètres pour passer sous la zone aérienne active jusqu'à 18h. Accélérateur sous le pied, je commence mes 3/6 jusqu'au plancher de la TMA, d'où je peux commencer ma session speed flying de fond de vallon. Aucun répit.
Je pose enfin, heureux d'avoir pu déjouer le piège du Titlis. Les copains sont vite à mes côtés, ainsi qu'un couple suisse très sympa. Je peux me changer, encore trempé de toute cette pluie. Mathias me prépare une soupe car je n'arrive rien à avaler de solide.
Et nous voilà de nouveau à user le bitume. Le col qui permet de basculer sur Grindelwald est à une quinzaine de kms, avec un dénivelé de nouveau conséquent : 1400m.
Nous bavardons avec Ju de tout et de rien sur la route. Il faut éviter à tout prix de prendre conscience du temps, des kilomètres qui passent trop lentement, des mètres qui s'égrainent trop doucement. Mais au bout, il y a toujours l'espoir de pouvoir aligner quelques kilomètres de vol.
Mathias m'accompagne pour la fin du chemin. Enfin, nous débouchons au col. Une vallée de merveilles s'étend devant nous : Grindelwald au fond, et toutes les faces nord mythique à notre sud. L'Eiger en point de mire, juste là. Le soleil perce mais l'ombre prédomine.
En l'air, je choisis de me coller dans les faces nord, nord-ouest. Une infime brise de pente monte le long des parois et me permets de jolies finesses. Je peux me poser sur le chemin menant au pied de l'Eiger.
Ce chemin monte et descend, et je commence à manquer de relance après déjà 4500m avalés depuis ce matin. Jerem me rejoint pour un ravitaillement et prises de décisions tactiques. Nous décidons qu'il serait judicieux d'utiliser notre nightpass sur le plat en direction du Niesen, superbe tremplin pour une journée prometteuse demain. Puis il m'abandonne pour retrouver l'équipe.
Je continue seul en direction du col de Scheidegg et le temps presse. Je dois trouver un dernier décollage avant la fin du temps réglementaire pour le vol. Je cours dès que je le peux alors que le ciel s'assombrit de nouveau, accompagné d'une infecte bruine.
Je traverse la station de ski fantôme. Il n'y a pas un bruit, personne, alors que je cours comme un dératé vers un décollage potentiel.
Je me prépare en toute hâte et m'arrache du sol. Je peux souffler un peu. Dans mon cocon, je sens le sang traversée mes jambes fatiguées par les 5300m avalés aujourd'hui.
Au bout de la vallée du Lauterbrunnen, la pluie tombe fort. Je lève les yeux, et autour de moi des nuelles forment. Puis mon vario se met à biper de manière constante. Soudain, je prends peur que le front au loin ne fasse rentrer du vent fort. Je fais quelques 3/6, qui me crèvent le cœur tant j'aimerais pouvoir économiser des pas, mais préfère retrouver une zone plus sécuritaire, un peu plus bas.
Au posé, je ne sais que penser. J'aurais aimé planer plus loin pour m'économiser. Mais je suis fatigué de la journée, les nerfs à vif. Mais je peux voir arriver toute l'équipe, puis des gens du coin venus dire bonjour et bravo, l'helico team qui nous suit et qui est à fond. Cette bonne humeur, ainsi que les pâtes concoctées par Ju, me redonnent du baume au cœur. Il est incroyable de constater l'effet de la chaleur et de l'attention des autres envers soi dans ces moments de grosse fatigue.
Et alors que nous prenons la route du Nightpass avec Nans, je ne suis pas au bout de mes surprises. C'est d'abort Petsch Nuenschhander (vainqueur de la Superfinale 2011) qui vient partager quelques kilomètres avec Nans et moi, partageant son expérience du secteur.
Puis s'en suit un véritable cortège alors que nous traversons la petite ville de Wilderswil.
Enfin Steve Bramfitt arrivera avec un ravitaillement cinq étoiles pour les derniers kilomètres, avant que finalement, la raison et la fatigue viennent signifier l'arrêt de la journée : malgré le nightpassa activé, il me paraît peu envisageable de faire une grosse journée de vol sans dormir.
A l'aube du jour 6, nous longeons les bords du Lac de Thoune du fameux Niesen. Le réveil a été si dur ce matin. Je suis content de marcher pour le moment à plat, sans réel effort.
Après une dizaine de kilomètres et un petit dej, nous nous lançons à l'assaut des 1700m de la pyramide sous un ciel baché. Mais il est encore tôt.
Aussitôt la pente me saisit à bras le corps. La journée de la veille a laissé des traces, mon corps est au ralenti. Derrière Jerem au téléphone avec notre meteoman, je déambule comme un zombie, pendu sur mes bâtons.
Les nouvelles ne sont pas bonnes : le ciel ne s'ouvrira certainement pas. Un énorme cunimb a beaucoup humidifié la masse d'air et la journée devrait rester grise.
Cela n'arrange rien à mon état. Je ne me suis jamais vu si pitoyable. Mettre un pied devant l'autre devient une épreuve, et à chaque instant j'ai envie de dire à Jerem que je n'arriverai pas au sommet. Je n'ai jamais ressenti une tel faiblesse auparavant en sport. Je tente de m'alimenter, de boire. Mais a simple idée de monter là haut pour un plouf me mine.
Je me répète de mette un pied devant l'autre, un geste simple si dur en cet instant.
Mathias a pris le funi et redescend dans notre direction vu la lenteur de notre avancée. Je peux donc découper l'objectif : « Nous avons fait la moitié, maintenant il faut rejoindre Mat' qui est peut-être 300 ou 400m plus haut. Et après il restera l'équivalent d'une montée à Planfait ce que tu sais bien faire même en étant en mode zombie. Accroche toi, ça va revenir »
J'engloutie tous les gels et autres barres apportés par Mathias. Il faut refaire monter ma glycémie. Nous continuons tous les trois, doucement pour enfin sentir mon corps se réveiller de nouveau. Mes jambes retrouver leurs puissances, mon cœur capable de réaccélérer. Et le mental remonter en flèche. Que ces deux dernières heures furent difficiles.
Au sommet, l'accueil est de nouveau cinq étoiles et la Suisse remporte la palme de l'hospitalité. Café et croissant au sommet, sous le ciel d'acier. Je suis résolu à tirer ce qu'il sera possible de tirer de cette journée.
Je décolle, fais un plané de 8 kilomètres et me pose sur une arête arrondie pour remonter 700m vers le sommet.
Décollage, 10 kilomètres de plané, et de nouveau 700m jusqu'au décollage d'Adelboden, fief de Chrigel.
Le ciel reste de marbre, et rien de bouge dans le ciel.
Nouveau plané, nouvelle remontée. Nouveau décollage. Nouvel alpage, où je retrouve Mathias et Jerem. Déjà 4000m dans les jambes alors que nous nous dirigeons vers un nouveau col.
L'orage gronde aux alentours, les radars s'affolent alors que Mathias doit rebrousser chemin pour récupérer un de nos véhicules.
Nous trouvons refuge dans une grange en ruine avec Jerem, alors que grêle, pluie et vent font rage dehors. J'aimerais pouvoir m'étaler de tout mon long au milieu des planches jonchant le sol. Mais nous devons rester aux aguets du créneau qui nous permettra de nous échapper d'ici.
Le pluie se calme, le vent reste. Une cellule au loin approche de nouveau. Il faut faire vite. Je décolle face au vent d'est et me jette en ouest pour un glide à haute vitesse, pour me poser sous un nouveau col. Tous ces efforts mis dans la bataille pour couvrir si peu de distance. Je regrette tant la grande vallée du valais.
Je plie rapidement alors que la pluie revient, accompagnée de Nans et Ju qui sont d'excellent humeur. Ca tombe bien, j'avais bien besoin de rire !
Nous enfilons les Kway et autres ponchos pour la fin de journée et grimpons au dernier col qui marque une nouvelle journée juste sous la barre des 5000m de D+ pour mes pauvres gambettes. La pluie s'intensifie et nous sommes contraints de descendre vers Gsteig où la promesse d'un camping tout confort emmène nos foulées joyeuses, sous les sifflements mélodieux dans le lointain d'un authentique montagnard qui semble vouloir saluer notre passage depuis son balcon.
La douche et le petit restaurant sont des moments de confort exquis et permettent de décompresser un peu et poser le choses pour la suite de nos péripéties. Demain s'annonce encore compliqué niveau météo...
Malgré tout le confort de cette douce nuit, le réveil à 4h30 le 7ème jour d'une telle course devient une épreuve. Je me souviens me demander : « et si je restais là après tout ? »
Mais la raison revient. Mathias me tend des vêtements que j'enfile comme un robot. J'engloutie mon bout de brioche au nutella et mon jus avant le vrai déjeuner un peu plus tard dans la matinée. Et revoilà la route, et le goudron.
Le premier glide se fait sous la pluie pour changer, sous des aurores que nous ne verrons pas, cachées derrière les nuages. Je m'écrase lamentable dans mon champs de posé après avoir sous estimé le taux d'humidité de ma voile. Cette météo commence à me rendre complètement dingue.
Une nouvelle marche face au Mont Blanc au sud, et un nouveau glide, me permettent de poser sur les hauteurs de Monthey, aux portes du Chablais. Un nouveau comité d'accueil super sympa m'y attend. Mais je dois les abandonner rapidement pour exploiter le court créneau météo de la mi journée.
De nouveau en super forme physique, je hausse le train accompagné d'un local très sympa qui connait les chemins de son secteur. Le val D'Illiez est bien trop humide alors que le chablais commence à s'allumer de belle manière. Vite !
Bonne ambiance à la pointe des Corbeaux, au-dessus de Chatel où je me prépare pour entrer enfin dans mon domaine ! Foutu Chablais, que je suis content d'être là !
Le ciel est prometteur, tout autant qu'il est promesse de surdéveloppements.
J'aligne sur le trait Mont de Grange, Col de Bossochaux, Super Morzine, Le Pleney et débouche dans la vallée de Samoens. Mais le ciel se bouche, des cellules sur les Aravis obscurcissent de nouveau l'horizon. L'activité thermique s'arrête. Je suis obligé de poser dans les pentes des Esserts après une petite erreur qui m'énerve passablement.
Je suis forcé de remonter au décollage des Carroz... qui s'emmitoufle dans les nuages. Une cellule passe en grondant. J'hésite à me lancer mais décide de laisser passer encore un peu de temps. Je me glisse dans ma voile pour me réchauffer... et m'endors à l'abri des arbres.
Quelques minutes plus tard, le téléphone sonne. Jerem m'annonce un créneau vu d'en bas! Je me prépare et m'y jette !
Je me glisse dans les combes sous la croix de Fer, Varan mais rien ne monte vraiment. Il ne semble n'y avoir que du vent, somme toute assez fort, qui lèche le relief, sans appui.
Je dérive une misérable bulle au-dessus de Sallanches, et peux me poser en-dessous de Combloux.
Mon terrain de jeu ne veux pas fêter notre retour...
Nous nous posons quelques minutes à Combloux, le temps d'avaler quelques pâtes, de réfléchir.
Le ciel prend de nouveau de superbes allures. Le Mont d'Arbois est le sommet envaseable le plus proche pour un vol du soir même si sa topographie est moyenne... il faut le tenter.
Une force nouvelle s'empare de mes jambes et dans les pentes de la montagne, je dépose Jerem, Nans et un local venu gentiment nous voir, et Tarquin. Après 7 jours de courses, je ne pensais pas pouvoir tenir des rythmes supérieurs à 1000m/h. Mais apparemment si !
Préparation ultra rapide au sommet et jeté dans la masse d'air avant 19h. Je rêve de Bisanne, et d'un long plané le long plané du soir le long de l'Ebaudiaz. Qui sait ? Les cumulus sont beaux.
Mais, cette masse d'air est quasi inerte, les pentes trop faibles. J'ai beaux être patient, rien ne sort et je me lance dans un glide désespéré.
J'échoue lamentablement à Praz sur Arly, sur le parking du supermarché local. J'enlève ma sellette. Et j'ai le choix entre rire ou pleurer. Sous les yeux écarquillés de Ju, je m'allonge au milieu du parking, crie un bon coup et choisis de rire un bon coup de ce coup dans l'eau ! On ne peut choisir de vivre uniquement les bons moments et les réussites. Il faut pouvoir accueillir les échecs cuisants comme celui-ci, ce qui je vous l'accorde n'est pas le plus facile, après avoir encaissé 4600m de D+ supplémentaire pour finalement avancer trop peu à notre goût.
La route qui descend doucement vers Flumet est une petite bénédiction, alors que Pierre et Vincent se relayent à mes côtés. J'accepte deux ou trois gorgées de bières, pour le mental ! Avant de monter notre campement si proche de la maison, après un repas en compagnie d'Eric et Jean-paul."
Red Bull X-Alps, partie 3 et fin:
"5h, il faut reprendre la route. Je rêve d'une longue journée de vol pour laisser mon corps se reposer un peu, et mon esprit reprendre quelques couleurs après trois jours à lutter contre les éléments.
Mais sur le chemin de notre petit site fétiche de Praz Vechin, les indications météo se confirment : la stabilité entre dans le jeu.
Arrivé au sommet avec Jerem, je décide au vu de la fatigue cumulée de ne pas me lancer dans un glide suivi d'une nouvelle montée à pieds. Un choix difficile alors que Paul remonte dans notre dos, que Chrigel file de plus en plus vers le goal.
Je m'endors quelques minutes sous le soleil qui commence à chauffer les faces est, en espérant récupérer un peu d'énergie. Monaco est comme un la vision d'une oasis en plein désert, si loin si proche, ou un mirage. On ne sait ce que la course nous réserve encore.
10h, dans le thermique de Praz Vechin. Je laisse mes amis au sol et espère les voir le plus tard possible.
Je dis au revoir à la belle pyramide du Charvin, la Tournette et la maison. Et j'entame la descente des faces est des bauges. Je suis presque heureux de m 'engager sur cet itinéraire, espérant un peu de répit.
Mais rapidement c'est l'alerte : Dent de Cons, Belle Etoile, Parc à Mouton... La stabilité baigne les faces et je descends lentement, rebondissant de temps à autre dans une bulle famélique.
Néanmoins je survie dans le petit pied convectif de très basse couche, sous les 1000m, en avançant. Je m'engage en direction de l'Arclusaz. C'est la première partie où il m'est interdit de faire une erreur. Le premier décollage est bien loin de là.
Paul se rapproche et moins de trente kilomètres nous séparent : les Aravis ont été généreux avec lui. Mais je ne suis pas très inquiet, le vrai passage à niveau approche.
Je me réfugie à Montlambert. Je connais la leçon : tu t'accroches dans la combe, tu montes ce que tu peux, tu te jettes sur la face est de la Galoppe dès que possible et ça devrait le faire.
C'est simple en apparence, mais il faut des nerfs d'acier. Un petit 1300m me permet de basculer sur la galoppe, où j'entame de nouveau un long travail de sappe. J'attrape le sommet, puis la longue attente du cycle commence... Un premier thermique me permet de mieux scruter la transition clé sur la chartreuse. Il s'effondre. C'est trop bas, je ne peux pas me lancer. Demi-tour, il faut trouver mieux.
Je centre et recentre une nouvelle bulle, qui me laisse à 1900m. Allez, c'est maintenant ou jamais !
Je me lance dans les 11 kilomètres qui mènent à la Chartreuse. Je mange, bois mais surtout rassemble ma concentration pour le raccrochage.
Je rejoins tout juste la première marche de Bellecombe, à moins de 600m. Je ne vais avoir quarante cartouches pour sortir de là, et mon apnée commence. La frontière entre le bon et le mauvais choix est si ténu. J'essaye un bout de face sud sous le vent de la brise qui ne donne rien.
Maintenant, c'est soit je fuis vent arrière dans l'espoir d'allonger mon spectre de prospection, soit j'ovalise au vent.
J'ovalise au vent, tenté par les infimes frémissements de ma brave Zéo, par la forêt sous moi, légérement en pente qui pourrait décrocher d'éventuelles bulles. Le suspense est insoutenable, et je sais qu'il est le même pour les copains au camion.
Je laisse ma voile chercher, sens une aspiration. Allez ma belle ! Et je rentre dans une bulle étroite mais salvatrice, qui me permet de récupérer les faces est menant à St Hil sous les ouf de soulagement de toute l'équipe.
Je ne peux tout de même de m'empêcher de râler dans les appuis finalement peu généreux de la forêt. Jerem me rappelle vite fait à l'ordre en m'encourageant à attraper mon barreau plutôt que de me répandre en mots d'oiseaux.
Je passe St Hil en vol sous la clameur d'un petit groupe bien installé au déco nord. Il me faut maintenant rassembler toute mon énergie pour me sortir de la stabilité des basses couches et rejoindre Belledonne. Pas question de passer par le classique St Genix et consort. Je file au Manival, et verrai bien comment la suite se profile.
Le pied de la Dent de Crolles me voit multiplier les aller-retour, pestant et rageant contre cette oppressante soupe de chaleur. Je commence à me battre contre moi-même, plus qu'avec les éléments.
Mais bientôt je peux sortir la face ouest. Mon thermique plafonne à 2400m. Je contemple la vallée du Grésivaudan, qui n'attend qu'à me happer de nouveau. Mais je dois me lancer plein est direction Prapoutel et de la grande faille du Pas de la Coche, porte des hauts massifs, sur Belledonne.
La transition est gigantesque : 13 kilomètres de rien. Le temps de se poser et reposer la question « est-ce que ça va le faire ? ». Je réceptionne un zéro sur les premières buttes qui me permet d'analyser la situation l'espace de quelques secondes, d'identifier les zones de raccrochages potentielles, d'échaffauder les plans A et B. Il n'y aura pas la place pour plus, ça va être très chaud !
Je me rattrape à une centaine de mètres du sol sous Prapoutel. La pente est faible, et je surfe un morceau d'éperon tel un funambule. Un pas de travers et je serai posé.
Je peine à m'introduire dans ces bulles trop petites, mais néanmoins elles me gardent en l'air.
L'une d'elles, plus puissante, me ramène au niveau de la station.
Après maints recentrages, quelques mètres de gagner, je peux me laisser glisser sur la face sud-ouest menant au col. La pente gagne quelques degrés d'inclinaison, je vois la brise enfin secouer l'herbe de la prairie. Je me glisse dans le thermodynamique et m'en vais patiemment percer l'inversion.
De retour au plafond à 2600m, j'annonce aux copains que je peux enfin me jeter vers l'Alpe d'Huez. Un cum trône sur Vaujany. Le raccrochage est facile et je peux exulter dans un excellent 4m/s qui m'emmène valser à 3200m ! Bye bye les Alpes du Nord !
Mais ma joie est de courte durée. Les Grandes Rousses ne délivrent qu'un suradiabatique qui me permet difficilement de me hisser au niveau des crêtes. Toute cette caillasse et pas un thermique digne de ce nom !
Je m'en vais par la face sud, en direction du plateau d'Emparis. Je commence à retrouver les vautours qui semblent aussi désemparés que moi. A grand coup d'appuis dynamiques et de jetés en bonne et due forme, je passe Emparis dans le plus pur style Fosbury !
Mais je peux me réceptionner aux pieds des belles faces menant au col du Lautaret.
J'approche de Briançon. Au loin, je vois quelques cumulus paver le ciel de belle manière. Je me prends à rêver d'un hold-up final, le passage du Viso aux dernières lueurs du jour alors que Chrigel est coincé dans les fortes brises d'Ubaye. Après 8h de vol, cette idée me rebooste.
Je remets le mode vitesse à l'approche des faces impressionnantes du col. Ca monte le long. Je veux atteindre cette vallée de Briançon le plus vite possible et m'y satteliser. J'ai fait cette partie sur Google Earth des dizaines de fois. Monétier, Briançon, Cervières, la grande face sud-ouest menant au col Agnel dans les brises du soir, la balise du Viso et un posé à la nuit... J'ai tout dans la tête. Tout.
Mais je n'anticipe pas que l'ouest se jette dans le col du Lautaret et je ne trouve pas vraiment d'appui dans les faces sud-ouest. Je sombre. Je tente chaque combe, chaque arête, recoin. Mais rien n'y fait.
Je touche maintenant la brise de Briançon. Je joue mon va-tout en vallée, en espérant trouver la confluence des deux flux opposés. Je ne trouve que des miettes inexploitables. La terre n'a plus qu'à recueillir ma colère.
Je rentre dans une fureur noire, décuplée par la fatigue. Je fais déguerpir le pauvre Christopher, le cameraman sympa qui nous suit depuis un bon moment. Je pourrais balancer tout ce qui se trouve à porter de mes mains.
Rapidement, les copains prennent le relais pour prendre soin de mon matos que j'aurais envie de faire brûler ici. Sous la chaleur, je regarde désespérément les deux derniers cumulus présents dans le ciel. Le sol tangue encore sous mon corps, après 9h de vol.
La colère et la frustration passent petit à petit alors que je refais quelques réserves de glucides avec les pâtes de Clem. Les locaux, Christophe en tête, sont venus nous rendre visite avant que nous ne reprenions la route du Viso.
Luc Alphand passe nous faire lui aussi un petit coucou dans Briançon, avant que nous nous enfoncions vers le col de l'Izoard. Le soleil s'en va en laissant de longues traces oranges, roses et violette dans le ciel. Toujours aucune gêne musculaire pour moi, même si je ne peux plus vraiment me dépouiller quand il faut accélérer le rythme. Ce qui me semble plutôt normal.
Nous nous posons à Cervières pour la nuit. Laurent est optimistes quant aux prévis pour le lendemain. Nos rêves sont faits de Méditerrané, et de repos mérité.
Jour 8, et le soleil brille. Laurent confirme un début de convection poussif, mais une bonne amélioration et de gros plafonds dans un vent d'ouest tout de même marqué.
Nous profitons d'une montée au col de L'Izoard pour décompresser un peu. Ca sent la mer. L'un de nos gros dilemme est quand activer notre dernier Nightpass disponible, et il se pourrait que si tout se passe vite et bien, nous devions l'activer aujourd'hui (avant 12h, comme le veut la règle). Nous remettons la décision à plus tard.
Nous patientons au décollage, lorsque Luc nous apporte un autre éclairage météo bien moins optimiste : ça sent l'énorme stabilité.
À une trentaine de kilomètres, le Viso nous nargue. Je laisse mes amis pour m'envoler un peu après 10h.
Je me bats pour prendre 200 pauvres mètres, avant de me lancer sur les faces idéalement exposées en direction d'Abries et de la frontière italienne. J'ai bon espoir de pouvoir remonter le Vallon de Guil en vol jusqu'au Viso.
Mais les conditions ne s'installent pas vraiment et chaque saut de crête est suivi d'une très lente remontée. Les faces est délivrent juste de quoi me permettre de survivre.
Je m'enfonce toujours plus à l'est. Les pentes s'adoucissent et bientôt mes appuis fondent. Puis rien. Un long glide et me voilà posé dans les pentes ouest au-dessus d'Abries pour rejoindre au plus vite un décollage.
Nous marchons avec Jérem, essayant de rester dans de bonnes dispositions mentales pour la suite. La journée de vol est encore longue mais nous décidons malgré tout de ne pas activer le nightpass car trop d'aléas semblent sur notre chemin vers la mer.
Au sommet de la crête de Gilly, la brise souffle et regonfle notre motivation. Me voilà de nouveau en l'air à la première heure de l'après midi. Mais il n'y a que du vent. Les thermiques ont déserté ce ciel laiteux, poisseux. Je vole dans une soupe de laquelle rien ne s'échappe. Encore moins moi et ma pauvre petite voile.
Je saute de bout de soaring en bout de soaring vers le fond du vallon. Une belle combe bien orientée me permet de sortir à 2700 dans le vent d'ouest. Mais toujours pas l'ombre d'un thermique. L'italie baigne sous une mer de nuage impénétrable. Au fond du vallon, la route s'arrête et je sais que toute l'équipe devra faire un long détour pour me retrouver. Je suis seul.
Tout le flux finit par emprunter le canal principal : le cœur du vallon. Mes reliefs, pourtant d'imposantes faces sud, ne sont plus que turbulences inexploitables tant le vent les fuit. Et je suis contraint de poser sur le sentier menant au col de Valante et à la balise, 6 kms plus loin et 1000m plus haut.
J'essaye d'accélérer le rythme sur le plat pour rejoindre au plus vite la partie raide du col. Mais les 500 derniers mètres de dénivelé croulent sous la neige. Après chaque pas j'enfonce jusqu'aux genoux. L'enfer sur Terre dans un paysage si magnifique ? Le Viso m'écrase de toute sa majesté alors que j'avance à pas de fourmi, pendu sur mes batons.
Arrivé au col de Valante, je peux être soulagé d'effacer enfin la balise du Viso mais le Queyras ne me laissera pas partir comme cela. La mer de nuage s'insinue par chaque faille, comme un virus, et je sens l'air humide remonter jusqu'à moi. Je cours jusqu'au col de Losetta où je peux enfin donner quelques news aux copains après plusieurs heures de stress pour tous.
Je m'arrache du sol et glisse dans la mélasse pour poser au pied du col Agnel où je pense remonter.
Ju et Nans sont là, et me récupère affamé. Désemparé aussi. Presque en colère contre tout ceux qui m'ont depuis toujours venté les mérites de Queyras qui ne veut finalement pas de nous.
Luc avait raison. La masse d'air est inerte.
Après des dizaines de minute à se concerter, il apparaît que remonter au col Agnel n'a aucun sens sur cet fin d'aprem. Il faut rejoindre le col de Longet pour basculer en Ubaye.
J'effectue donc un tout petit vol sous la mer de nuage qui s'épaissit de plus en plus pour poser au pied du col. Bien sûr du mauvais côté de la rivière. Je dois redescendre pour attaquer ensuite la montée.
Me voilà en train d'attaquer les 1000m sous un ciel de novembre. 1000 mètres à l'entrainement ce n'est rien. Après 8 jours de X-Alps, c'est un long cheminement. Le corps et l'esprit commencent à vouloir résister. Cela demande de la volonté de se mettre en marche, de compter pas après pas jusqu'à ce que la tête veuille bien se focaliser sur autre chose que la fatigue et l'appel du confort. C'est une sorte de retour à un état primaire. Il faut duper l'esprit, lui faire croire que c'est vital de monter là haut. Alors que l'on pourrait tout poser ici, arrêter.
Je débouche enfin au-dessus des nuages. Je vois le Mont Viso, qui aurait bien voulu ma peau mais qui me laisse finalement repartir de son territoire désolé mais magnifique. Le col n'est pas encore tout à fait là.
Mais je passe enfin la succession de petits lacs qui marque le plateau du col. Mais le plateau est long, très long. Je décide donc de monter sur les crêtes pour poser un glide qui me permettra de le passer.
Après une nouvelle journée à 4000m de D+, je suis étonné que mes jambes acceptent encore ce petit supplément. Enfin, j'étale ma voile et décolle aux lueurs du soir.
Je peine à trouver le bon positionnement, en essayant un côté du vallon puis l'autre, pour optimiser mon plané. Et c'est à ce moment qu'un aigle vient me montrer le placement parfait, au milieu, et ma finesse se stabilise autour des 11. Un peu de bienveillance me fait chaud au cœur et je remercie mon ami ailé qui s'en va comme il est venu.
Mon vallon se termine par un étranglement très marqué et ma finesse se détériore de nouveau. Est-ce que cela passe pour économiser quelques kilomètres ? Un énorme torrent coule au fond et il n'y a aucun posé. Je fais mine de tenter, puis me ravise pour m'écraser dans le dernier champ envisageable. La garce de fatigue a failli m'avoir !
Je redescends un petit chemin à flan de montagne. Nous sommes pas vraiment à la plage, comme nous l'espérions aux premières heures du matin. Il n'y a jamais rien de très prévisible sur cette course, il faut simplement parer aux aléas, prendre des décisions rapides et claires. Ce qui n'est pas toujours simples tant le spectre peut être large.
Je retrouve avec joie Ju, Mathias, Jerem, Nans et Damien qui est venu nous rendre visite avec son fameux : « en 15 ans dans le Queyras, je n'ai jamais vu une telle stabilité ! ». Merci Damien pour le réconfort !
Un local super sympa nous propose la douche après notre repas dans son petit village de Maljasset, où nous passerons la nuit. Mais je suis tellement fatigué, que la douche n'aura pas mes honneurs, au grand dam des copains surement.
Nans m'accompagne au petit matin pour notre première montée. Mon corps ne répond plus très bien à l'effort, je ne peux plus vraiment accélérer et cela me rend irascible. Le vent qui descend de la montagne n'arrange pas mon état d'esprit. Mais Nans reste optimiste, me montre ce qui semble être pour lui le spot parfait pour notre premier glide. J'acquiesce sans entrain.
Des chamois au-dessus de nous font rouler des pierres en prenant peur et nous nous cachons derrière des rochers un peu plus gros pour ne pas nous faire assommer. Les gars, il s'agirait de ne pas en rajouter.
Enfin, nous débouchons au décollage pointé par Nans : il est parfait, el guido, de son surnom, avait raison. Je décolle et lance un grand merci à Nans qui lui va aussi pouvoir redescendre en volant auprès de Ju.
Mon glide est très rentable et me voilà aux portes de St Paul en Ubaye où Mathias prend le relais pour la deiuxème montée. Il m'annonce la couleur : 7 kms, 1200m de D+. A l'annonce, je manque de défaillir mais me ressaisit. C'est parti pour mon 35 000m de dénivelé de la course...
Mon esprit a envie de lâcher, plus que jamais. Mais il n'y a pas d'autres voies. Mathias, malin, utilise la technique suivante : « tu vois le sommet est juste là ». Et une fois arrivé au sommet de la bosse, « non mais c'est encore un peu plus haut ». Et ainsi de suite. Il découpe l'objectif. Je me cale dans ses talons et essaye de ne plus réfléchir.
Je m'assois enfin sous le sommet du Paneyron. Les veines de mes jambes commencent à être bien trop visibles.
Nous recevons les dernières infos météo de Luc et Laurent : c'est encore assez stable, tout de même moins que la veille, avec de l'ouest marqué.
Au fond de moi, je sais que tout le challenge est de passer au vent de la Blanche. Après je serai dans mon second jardin. Et je sais que si j'arrive là-bas, il n'y aura plus de fatigue, plus de lassitude. Je serai heureux.
Je quitte Mathias et me lance à l'assaut de l'imposante face est de la Tête de Vallon Claous. Je remonte le long de toute la caillasse surchauffée par les rayons du matin. Mais je tape sous l'inversion à 2600m.
Je glisse sur le plateau de St Anne de Condamine pour me récupérer sur Pointe Fine, et déboucher dans la vallée de Barcelonette.
Ma remontée à l'ouest vers le Grand Bérard est vite stoppée par le vent. Et je n'ai d'autre choix que de transiter sur Praloup. Je me bas tant bien que mal sur le village mais la stabilité de basse couche me force à poser pour remonter le plus vite possible au décollage de Péguiéou.
Nous forçons le train avec Nans, et Bubulle le local parti en éclaireur. Nous forçons autant que je le peux. Il faut arriver avant que l'ouest n'envahisse les faces sud.
Les cycles sont toujours vigoureux et je me jette au plus vite dans la bataille.
Je sors le Peguieou, et entame le mythique verrou de la blanche. Je commence par forcer la Grande Soléane. Ma voile jamais n'abdique face aux coups de boutoirs de la masse d'air et je me jure de ne lâcher la barre que si je prends tout sur la gueule.
Je passe au vent de la Soléane pour entrer dans Lavercq. Le flux est toujours trois quart face, mais j'ai bon espoir qu'il y ait un effet de rotation dans le fond du vallon pour passer le col de Vautreuil. Je force tant qu'est plus, en arrache ma sellette mais petit à petit, je sens le flux doucement changer de direction. La masse d'air se met à porter, puis à me pousser. Le col est de plus en plus bas dans mon champ de vision. Je reste concentré jusqu'au dernier coup de Trafalgar que pourrait m'offrir la Blanche. Mais il n'y en aura pas. Me voilà sur la longue crête rassurante, en terrain connu. Je crie ma joie aux copains. Elle est véritable.
L'espace de quelques instants, je suis plongé dans une sorte de torpeur. Je glisse dans un dynamique doux le long des faces ouest encore tièdes. Il n'y a toujours personne dans le ciel, sauf les planeurs et les vautours. Toute la tension accumulée commence à disparaître et tout ça sent la fin.
Carton est endormi. Cote longue beaucoup moins. Je passe la balise du Cheval Blanc et enquille Lambruisse, puis les antennes sans mal.
Alors que je passe au-dessus du décollage de St André où personne ne vole, je me fais happer par l'émotion. Cela semble irréel d'être ici après être parti du fin fond de l'Autriche. J'ai beaucoup de peine à retenir mes larmes tant cela revête un sens profond, qu'il serait vain de vouloir décrire. Mais c'est le ventre qui se serre, et la sensation de partir. Un peu.
La douce voix d'Antoine me sort de la marmite alors que j'aligne la crête des Serres. Il me donne quelques indications et encouragement. Ainsi que Luc qui commence à bien exciter mon portable avec ses conseils précieux. Je suis bien entouré.
Vauplane n'est pas extrêmement généreux et Luc me pousse à avancer sur Soleilhas. « Tu devrais trouver une confluence par ici ». Deux minutes plus tard, m'y voilà ! Merci maître Luc !
Je retrouve la crête menant au Col de Bleine. La stabilité s'intensifie dans l'humidité de la côte. Je ne distingue pas encore la mer dans l'atmosphère laiteuse.
Après avoir exploité une bulle poussive, je peux me jeter sur Gréolières. Mais les brises se meurt et je suis forcé de poser sur le chemin menant à Coursegoule.
Nous faisons rapidement un point par téléphone avec Jerem et Luc. Si je veux être dans la vallée du Var à 21h, je dois encore placer deux vols. L'un à Coursegoule, l'autre... sur un décollage potentielle qu'a repéré Luc sur Google Earth. La course contre la montre commence.
Sous la chaleur, je cherche mes dernières gouttes d'énergie. Le chemin pour Coursegoule me paraît interminable et c'est presque avec plaisir que j'entame les zig zag raides vers le décollage. Je décolle, suivi d'Arthur qui va m'aider pour trouver le dernier décollage.
Je peux enfin voir la mer, une vision quasi mystique.
Nous posons sur le long plateau du Gourbel. Il est plus de 20h. Je cours dès que possible entrainé par Arthur. Il faut faire vite. Une descente, et la terrible montée finale. Il y a 100m. Il est 20h45. Mes jambes attrapent littéralement le reste de mon corps, et je m'explose une dernière fois le cardio à grand coups de batons rageurs. Arthur ne peut suivre. J'ai le temps de jeter mon matériel au sol attraper mes avants et courir comme un dératé sur la pente trop plate, quand je le vois déboucher dans mon dos alors que je quitte le sol. Il est 20h52. Je plonge vers le fond de vallée.
Au sol, je rejoins une équipe heureuse. L'aventure se termine bientôt. Nous savourons une pizza et une bière, avec Mathieu et Simon qui nous ont rejoint, comme lors du départ de la X-Pyr.
Puis nous repartons dans la nuit, utiliser notre dernier nightpass, pour profiter de la fraicheur nocturne. Il reste un peu plus de 30 kilomètres de chemins vallonnés pour rejoindre le Mont Gros.
Après quelques heures de sommeil, viennent les dernières heures de course sur les chemins de l'arrière pays niçois. Mon esprit commence à s'évader au fil des émotions qui passent. La conjonction des choix et des situations est toujours une alchimie indéchiffrable.
A l'aube d'un choix, tout peut glisser ou à l'inverse s'enrayer. Chacun nous mène souvent sur des voies inattendues, ou en tout cas par des voies inattendues pour rejoindre le bon port.
Je me rappelle mes yeux dans le vague, des sentiments forts et parfois contraires. Celui d'avoir achevé quelque chose de beau, sans avoir atteint une forme de perfection. Déjà une mélancolie des jours passés les cinq ensemble, et le soulagement d'en finir, et de donner le repos mérité à mon corps fatigué par les 467 kilomètres et 37 000m de dénivelé parcourus à la force des jambes. L'envie de me jeter dans le bras des copains qui ont fait tant dans la réussite de cette course, et à la fois l'envie de rentrer en moi. Essayer de fixer tout ça dans un coin de ma tête, car je sais que bientôt l'euphorie et la joie, qui ne sont pas source de bonheur durable, s'effaceront. S'effaceront parce qu'on ne peut rester dans l'immobilisme des moments et des souvenirs, et que c'est parfois injuste de penser que tout cela ne sera plus que poussière quelques jours plus tard. Mais c'est le socle pour bâtir, repartir vers des horizons similaires, différents. Comme Sisyphe et son rocher. Monter au sommet de la montagne, redescendre. Monter à nouveau.
Sous l'arche de l'arrivée, Jerem, Mathias, Ju, Nans et moi sommes comme des marins du ciel et des montagnes face à l'infini de la mer."
« L’homme qui ne tente rien ne se trompe qu’une fois »
LAO TSEU.
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On the road again
Cowon Plenue D ; Plenue R ----> Earsonics ES3; Oriolus Oriolus; ISN H40; Audeze Isine 20
Chord Mojo 2 ----> Sennheiser HD 650 / Hifiman Sundara ; Beyerdynamic DT 1990 Pro; Hifiman Ananda
Home sweet home
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Denon 720 AE ----> Nad C316 BEE ----> Focal Chorus 726
Cowon Plenue D ; Plenue R ----> Earsonics ES3; Oriolus Oriolus; ISN H40; Audeze Isine 20
Chord Mojo 2 ----> Sennheiser HD 650 / Hifiman Sundara ; Beyerdynamic DT 1990 Pro; Hifiman Ananda
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[video]https://www.youtube.com/watch?v=3MiX9G-tohk[/video]
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T1. un mois de plus au minimum. Vous vous rappelez dans le temps d'avant le confinement les joies des sports natures c'était ça :
[video]https://www.youtube.com/watch?v=dtBHzpzyF0s[/video] [video]https://www.youtube.com/watch?v=FRyzjzfp4Bs[/video] [video]https://www.youtube.com/watch?v=c49dd7DlhGU[/video] [video]https://www.youtube.com/watch?v=ImYjwz2VJds[/video]
[video]https://www.youtube.com/watch?v=dtBHzpzyF0s[/video] [video]https://www.youtube.com/watch?v=FRyzjzfp4Bs[/video] [video]https://www.youtube.com/watch?v=c49dd7DlhGU[/video] [video]https://www.youtube.com/watch?v=ImYjwz2VJds[/video]
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- Squyzz
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Et vous, en combien de temps allez vous du Sacré-coeur à la Tour Eiffel ?
[video]https://www.youtube.com/watch?v=Jk7rliZpuSs[/video]
il reste chez lui il a tout compris
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il reste chez lui il a tout compris
- cpt_caverne
- Il est frais mon topic !
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Message par cpt_caverne »
c est celle qui a été faite sur Lyon..
mais c est pas en une prise..
Puis tu fais ça à 5h du mat pour croiser personne
mais c est pas en une prise..
Puis tu fais ça à 5h du mat pour croiser personne
Retraité des cages à miel...
-Nomade: Fioo Q15 Ti, Tanchjim Space, dunu 3001
-Sédentaire: HifiMeDiy Sabre+O2, AKG K340.. MS1i, AKG K601 Recablé, Fiio E10
-Wanted => SIG Pro... Celestee... Ouff
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La vidéo du team des frères Petiots sur leur traversé des alpes lors de la Xalps 2019.
Lors de la précédente édition, en 2017, Gaspard Petiot avait fait jeu égal avec le monstre Krigel Maurer. Jusqu’à un accident lors d'un atterrissage qui lui avait arraché un genoux.
En 2019 il partait pour cette course de marche et vol en parapente a travers les alpes avec des séquelles. Il a souvent été en retard sur le bon timing / conditions météos et aux thermiques, mais du coup, il a choisi des options parfois différentes des autres concurrents entre les balises. Option parfois payantes et parfois plan galère qui ont bien mis a mal sa condition physique. Cela donne de belles images de haute montagne avec une sacreé équipe.
[video]https://www.youtube.com/watch?time_cont ... e=emb_logo[/video]
Lors de la précédente édition, en 2017, Gaspard Petiot avait fait jeu égal avec le monstre Krigel Maurer. Jusqu’à un accident lors d'un atterrissage qui lui avait arraché un genoux.
En 2019 il partait pour cette course de marche et vol en parapente a travers les alpes avec des séquelles. Il a souvent été en retard sur le bon timing / conditions météos et aux thermiques, mais du coup, il a choisi des options parfois différentes des autres concurrents entre les balises. Option parfois payantes et parfois plan galère qui ont bien mis a mal sa condition physique. Cela donne de belles images de haute montagne avec une sacreé équipe.
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La traversée des Alpes a vélo et ski; une petite balade de santé.
https://vimeo.com/319200353
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