linnommable a écrit :@InMitius, désolé! je n’avais pas vu ton post.
C’est vrai que c’est fascinant et perturbant. Et cela met d’ailleurs en lumière la très grande part culturelle dans la perception sensorielle.
C’est très très dur à décrire et d’ailleurs ce qu’est de la musique pour les autres est très dur à interpréter pour moi. La synesthésie la plus courante est celle des mots ou lettres perçues en couleur, comme chez Rimbaud.
Sur le son c’est assez rare, on trouve la misphonie par exemple (ce n’est pas ma maladie mais j’ai des effets proches), où la personne perçoit les émotions comme des sons.
Multimodale c’est quand plusieurs sens sont atteints et quand cela fonctionne dans les 2 sens.
Concernant le son, cela touche l’ensemble des sons, et il est fort probable qu’enfant, j’ai « appris » à interpréter la parole comme un son car cela m’était nécessaire, mais c’est resté sur les sons de l’environnement et la musique. Le problème c’est que parfois c’est lié à des soucis neurologique, il y a donc une dégradation (saturation sensorielle dans mon cas et retour de la synesthésie sur la parole quand la fatigue vient, ce qui rend les choses complexes.
Parfois les extrêmes permettent de s’en rendre compte. Nous avons des « crises » où la synesthésie devient trop forte, s’en suit une saturation sensorielle qui donne lieu soit à une sorte de catatonie (le cerveau coupe tout mouvement mais il ferme pas les oreilles cet empafé!) soit à une danse proche de la transe. Ce qui fait que comprendre ce qui se passe est long, des troubles comme l’autisme, la schizophrénie et autres nous étant d’abord attribué (à cause de la saturation sensoriel et des processus d’associations)
Chez moi, à l’intérieur, ça donne qu’il est impossible de savoir ce qui se passe, dans le cerveau défilent des sensations de matières, comme si je m’imaginais toucher quelque chose, mais c’est déclenché par un son; en mÊme temps j’ai une perception erronée de mon corps que je sens alors comme changeant de place et de vitesse, même si je suis immobile ou en « « transe ».
Et dans l’autre sens, l’exemple de la conduite est la meilleure. Tu peux essayer un petit test. Tu te poses, ferme les yeux, et tu imagines arriver à un stop après une longue ligne droite et dégagée, et tu dois tourner à gauche. Essaie non seulement de te l’imaginer mais également de vouloir l’expliquer à quelqu’un, rétrograder (en débrayant, changeant la vitesse, etc), freiner, clignoter, embrayer, accélérer. Suivant ton mode de mémorisation/perception tu vas voir soit des images, des mots, la parole même pour certains. Chez moi c’est un ensemble de sons « concrets » (la pédale d’embrayage de ma première voiture par exemple) mais aussi de musique (le frein par exemple peut m’apparaître comme un ensemble d’instruments à corde jouant une mélodie angoissante). Cette perception erronée (ou plutôt déviée) se fait soit par une sorte de métonymie (comme dans le premier exemple « embrayé »=pédale=Son issu de mon expérience biographique), soit par interprétation (comme le frein et l’appréhension= musique de film d’horreur)
Et c’est là qu’on a le premier souci, qui fait que la musique est difficile d’accès pour nous au niveau technique, c’est que personne ne partage notre référentiel, donc le cerveau n’apprend pas à « caler » l’information, et il va avoir tendance à faire évoluer les modes d’associations d’une manière qui lui est propre (c’est à MA pédale d’embrayage que je pense, comme frein=violon, c’est pour la grande descente en bas de chez moi, un autre carrefour donnera autre chose, etc). C’est ni fixe ni partageable. Et sans référentiel social fixe et partagé, l’apprentissage est très, très dur.
Ce que nous vivons ressemble fort à la transe d’un virtuose, ou à un voyage psychédélique, ou même « religieux ». Le truc, c’est que dans le cadre du virtuose (je schématise un tout petit peu) la maîtrise du geste déclenche de la dopamine et la perception sociale de la virtuosité de la sérotonine ; dans le cadre des psychédéliques, de la sérotonine.
Comme chez nous c’est une anomalie, c’est perturbant et désagréable, sauf... pour la musique. Nous sommes très peu dans le monde, et surtout bcp l’ont sous une forme atténuée et ne s’en rendent jamais compte. Mais toutes les personnes avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger, toutes on la même chose avec la musique, un très grande jouissance.
Un dernier exemple pour finir. Donc la parole : pas de synesthésie en temps normal. Par contre le son, je l’avais. Tous le temps aussi. Mais, pendant ces années de maladie, j’ai « enseigné » à mon oreille. Parce que l’environnement c’est invivable, on se désocialise, on passe son temps avec un casque sur les oreilles pour se rassurer, etc, surtout dans un environnement urbain. Donc j’ai appris. Et c’est tout un cheminement, il faut remettre la perception sensorielle dans le droit chemin. Mais personne ne sait nous apprendre, on doit trouver tous seul. J’ai utilisé la technique qui me convenait. Allongé sur mon lit, j’ai commencé par répertorier ce que j’étais sensé entendre : des voitures, des oiseaux, des chariots d’hôpitaux, brancards, etc (mon environnement était pas fifou à cette époque lol); puis j’ai isolé les sons, je les ai écouté grâce à mon téléphone et des cd que me faisait ma compagne. J’ai appris le nom des oiseaux, des matériaux, tout, même les marques de voitures dont pourtant j’ai peu à faire. Plus je mettais du langage, du sens sur les sensations, plus ça entraînait. Et peu à peu ça partait, ça partait. Maintenant, comme pour la parole, la synesthésie ne se déclenche que lors de grandes fatigues ou stress.
Du coup je sais que je peux le faire pour la musique. Et quand j’aurais appris, je pourrais aller volontairement vers cet état. Y’a des jours je rêve que ça me rende prodigue, mais c’est mort, ça marche pas comme ça ahah. Je suis ni devenu ornithologue, ni mécano ^^ et puis la dégénérescence est là, et elle n’aide pas. Mais je regarde devant, rien à faire, j’ai beaucoup appris, je suis heureux, si ça me coûte 20 ans d’espérance de vie, je m’en carre, j’aime pas les EPHAD. Qu’on me donne un casque je sais ce que je veux faire des 20 prochaines années ;)
En gros c’est ça
ça fait un gros pavé mais c’est la première fois que j’en parle à des audiophiles, c’est assez drôle comme phénomène
), donc sûrement pour le prochain achat. Du coup je laisse le casque fermé au TH900 parce que de ce que j'en ai lu, il serait idéal pour moi.
J'espère que tu nous feras un retour quand tu auras ton casque. 
