Un éclair sale
Un grand merci à Eric21 pour m’avoir prêté pendant deux semaines ses FH9 qui appartiennent désormais à quelqu’un d’autre.
Les FiiO FH9 sont le fleuron de la marque chinoise. Ils succèdent aux FH7 et sont, comme eux, des intras hybrides : chacun de leurs écouteurs est doté d’un imposant driver dynamique de 13,6 mm de diamètre à membrane en DLC (Diamond Like Carbon) enduite de béryllium et de 6 drivers BA de marque Knowles. Il est à noter que le driver dynamique est relié à la canule par un guide d’ondes censé « amplifier » les basses tout en les gardant « propres », c’est-à-dire aussi exemptes de distorsions que possible.
Ces intras sont vendus avec de nombreux accessoires dont un set d’embouts très divers, trois paires de filtres à visser sur la canule qui changent sensiblement leur sonorité générale et un excellent câble en argent pur monocristallin pourvu d’un système de jacks interchangeables, trois (2.5 TRRS, 3.5 TRS et 4.4 TRRRS) étant fournis dans la boîte.
Ils ont une impédance de 16 ohms pour une sensibilité de 108 dB et coûtent 649 € en France où ils sont assez largement distribués.
Je les ai écoutés avec le câble d’origine et des embouts Azla Sedna Xelastec qui étaient les seuls à accrocher suffisamment la paroi de mes conduits auditifs pour y maintenir les FH9. Avec tous les autres embouts fournis, ces intras finissaient invariablement par me tomber des oreilles dès que je bougeais ou m’allongeais.
Ce test s’est effectué essentiellement avec les filtres noirs, sur la sortie symétrique d’un Hiby R5.
A propos des filtres, voici ce que j’écrivais dans le topic des FH9 le lendemain de leur réception :
DarkZunicorn a écrit : ↑17 nov. 2022 12:49
- les rouges ("red-bass") diminuent trop l'aération des FH9 (vers 9-10 kHz) et assombrissent excessivement leur son, avec un assez fort effet-tunnel à la clé qui restreint leurs soundstage en hauteur comme en largeur ;
- les verts ("green-treble") génèrent des sibilances un peu partout mais en particulier sur les dentales (et les attaques des instruments ayant leur fondamentale dans le haut-médium et le bas-aigu), donc vers 8-10 kHz, confèrant aux FH9 un son agressif et pénible ;
- les noirs ("black-balanced") sont, comme leur nom l'indique, les filtres qui offrent le meilleur équilibre spectral, sans trop de duretés ni d'assombrissement du signal.
À réception, les FH9 m’ont fortement impressionné, notamment par la présence de leurs basses à laquelle je ne m’attendais pas du tout. Et comme je suis particulièrement sensible au rendu de ce registre spécifique, je n’ai pas boudé mon plaisir. Mais ça n’a duré qu’un temps. Dès le surlendemain, j’écrivais ceci :
Telle est la question à laquelle je vais m’efforcer de répondre dans ce compte-rendu.DarkZunicorn a écrit : ↑18 nov. 2022 11:14 Plus j'écoute les FH9 et moins je les aime. Hier soir, je n'en pouvais plus de cette sonorité acide et agressive (même avec les filtres noirs) et, alors que j'avais pourtant prévu de m'endormir avec les FH9 sur les oreilles, j'ai finalement préféré le faire avec les Audio Hekili : quel soulagement ! Les Hekili sont tout aussi clairs et résolvants mais plus "enveloppants", plus "accueillants", plus "confortables" acoustiquement. Il va falloir que je me force aujourd'hui pour remettre les FiiO... mais il faut que je creuse cette histoire : les qualités techniques sont là, indéniables (et l'accessoirisation exemplaire, ce qui est un plus considérable), alors pourquoi le résultat final, une fois les "bons" filtres et embouts trouvés, me paraît-il aussi acoustiquement désagréable, aussi peu euphonique ?
GRAVES (en dessous de 250 Hz)
Les graves des FH9 sont bien présents, avec de la chair, mais d’une manière souvent trop appuyée ou accentuée qui les amène à déborder sur le registre supérieur et à l’assombrir.
Paradoxalement, malgré cette présence, les infra-basses m’ont paru manquer de corps et aussi de mordant dans l’attaque, même si cela n’empêche pas leur sustain de présenter une très belle texturation qui permet, par exemple, de « décortiquer » sans peine les résonances d’une peau de grosse caisse..
MÉDIUMS (entre 250 et 3000 Hz)
Les bas-médiums (250-500 Hz), on vient de le voir, sont un peu « mangés » par les graves, ce qui les rend à la fois caverneux et brouillons.
Les mid-médiums (500-1500 Hz) sont pour leur part fins et pleins mais assez en retrait, parasités par des hauts-médiums trop présents et trop aigres.
Les hauts-médiums (1,5-3 kHz), de fait, sont plutôt acides, avec des chuintements sur tous les tracks vocaux, même quand ceux-ci n’en comportent pas.
Tout le registre manque de définition, de résolution. Le rendu des voix par les FH9 est globalement pénible, aussi agressif que pâteux.
AIGUS (au-dessus de 3 kHz)
Les FH9 présentent des stridences (vers 5-6 kHz) assez marquées, audibles en particulier dans la restitution des sifflantes, et aussi de grosses duretés (vers 7-8 kHz), notamment dans les attaques de sons, ce qui peut être flatteur dans le rendu de certains instruments comme le piano, en donnant l’impression que les notes sont bien « détachées » les unes des autres, mais nuit à la qualité de la sonorité générale.
Les cymbales sur ces intras sont crissantes, brouillonnes, indistinctes, crispantes — en un mot : hideuses.
La spatialisation des FH9 est très écrasée, sans grande profondeur
La scène a de l’ampleur latéralement (parfois trop, du reste), elle n’est pas confinée sur les côtés, mais elle manque terriblement de précision. Ce n’est pas simplement le détourage des sources qui y est déficient mais également leur localisation.
Cette scène offre par ailleurs une certaine impression de hauteur, mais plutôt modeste : au prix des FH9, on se serait attendu à de meilleures performances en ce domaine.
La spatialisation de ces intras donne globalement le sentiment d’être face à un paysage sonore projeté sur une fenêtre-bandeau. L’espace des FH9 est, pour ainsi dire, bunkérisé : c’est restreint à une meurtrière toute en largeur et pas trop haute, comme celle d’une tourelle de canon visant l’horizon… sauf que l’horizon est bouché.
En tout cas, la scène des FH9 n’est pas enveloppante, défaut qu'on retrouve (trop) souvent chez les écouteurs à prétention Hi-Fi.
MACRO-DYNAMIQUE (impact)
Les impacts restitués par les FH9 sont très mous dans le haut-médium mais excellents dans les mids-médiums et les bas-médiums, avec de l’ampleur et de l’autorité à la fois.
Les graves, on l’a vu, manquent de mordant dans leurs attaques, surtout au niveau des infras.
MICRO-DYNAMIQUE (groove, rapidité)
La micro-dynamique des FH9 est assez enlevée dans le haut-médium et le bas-aigu mais souffre d’un défaut de résolution temporelle, d’un manque de vélocité. Les rythmiques les plus aiguës sont comme « avalées » par ces intras, si bien que la scansion rythmique se fait mal, n’est pas assez marquée ou pas assez fidèlement.
On a tendance à « monter le son » pour mieux se laisser entraîner, même dans les médiums où le cadencement demeure lent, mou, maladroitement martelé, quasi bredouillant.
Dans le grave, ce n’est pas beaucoup mieux : on reste dans le sirupeux, le pleurant, le ralenti. Ou bien dans le métronomique. Dans les deux cas, it ain’t got that swing et cela manque de balancement, de vie.
DYNAMIQUE RELATIVE
Les tableaux dynamiques, c’est-à-dire la cohabitation de multiples sources à différents niveaux d’intensité sonore, sont plutôt bien rendus par les FH9, sans effet de nivellement, même si les stridences ont trop tendances à mettre en avant l’attaque des instruments ayant leur fondamentale dans les hauts-médiums.
La caractérisation des timbres est plutôt bien restituée par les FH9, avec leurs résonances propres. Les cordes ont ainsi un côté boisé que les cuivres n’ont pas et, réciproquement, les cuivres ont une âpreté qui ne colore pas les cordes.
Les timbres respectifs des instruments sont rendus par ces intras avec beaucoup de nuances et de singularités à la fois.
Dans ce domaine, c’est une belle réussite.
Il y a beaucoup de genres que les FH9 trahissent, que ce soit à cause de leur signature trop acide, de leur spatialisation que je trouve pour ma part honteuse au regard de leur prix ou de leur incroyable manque de sens du swing et de leur lenteur générale. Mais j’imagine que pour qui apprécie essentiellement les prestations acoustiques pas trop « énervées » en formation restreinte ou configurée frontalement (comme celle d’un orchestre symphonique écouté dans une salle de concert à une place centrale et pas trop proche de la scène), leur texturation des bas registres, la macro-dynamique incisive de leurs médiums, leur dynamique relative plutôt fidèle et leur respect des timbres peuvent être très séduisants et compenser de manière non négligeable le côté brouillon de leur scène ainsi que le manque de résolution de leurs médiums et de réactivité dans le traitement des transitoires.
Avec les FH7, FiiO tenait des intras aux aigus lumineux, aux basses et aux médiums aériens mais bien présents. Même un « basseux » comme moi était forcé de les apprécier, y compris sur le long cours. Avec les FH9, la marque a sans doute voulu muscler cette ancienne référence, la rendre plus percutante, plus imposante, et au premier abord, à l’occasion d’une écoute rapide, on peut avoir l’impression d’avoir dans les oreilles des FH7 survitaminés, gonflés là où il faut. Mais au final, c’est la désillusion : à la place de la lumière douce de jadis, on n'a plus qu'un éclair sale.